Imagine…

Le Massacre des Innocents, Domenico Ghirlandaio (1485-1490)

Imagine qu’en octobre dernier, après des années de harcèlement à coup de roquettes, d’attentats et d’enlèvements, Daech ait lancé une attaque inouïe contre la France, depuis sa base retranchée à Molenbeek en Belgique, faisant près de 10 000 morts, pas loin de 24 000 blessés et plus de 1 700 otages – non, d’ailleurs, pour bien imaginer, ce n’est même pas la peine de faire une règle de trois entre la population française et la population israélienne (rapport de un à sept) : gardons tels quels les chiffres du 7 octobre… imagine, donc, que Daech ait assassiné plus de 1 400 français, en ait blessé plus de 3 400 et pris en otages plus de 250… c’est déjà pas mal, non ?

Imagine que cette attaque, filmée par les terroristes, ait été l’occasion d’un déchaînement de violence, de barbarie, d’horreur, de viols, de massacres abjects, de tortures insoutenables… dans l’allégresse des criminels, très fiers de leurs exactions.

Imagine qu’à leur retour, ces ordures aient été accueillies comme des héros par l’immense majorité de la population civile de Molenbeek, en liesse, et que ces mêmes civils, ivres de joie, se soient livrés sur les otages et sur les cadavres des victimes françaises à des horreurs similaires à celles des terroristes – tout en filmant leurs actes et les diffusant sur les réseaux dits sociaux.

Imagine qu’à Molenbeek, génération après génération, on élève les enfants dans la haine de la France et des Français, qu’on les endoctrine d’un fanatisme religieux mortifère dès la maternelle, qu’on les entraîne au combat et qu’on les prépare à mourir en martyrs – et que leurs parents eux-mêmes affirment sérieusement qu’ils seraient heureux de les sacrifier parce qu’ils les préfèrent morts que vivants.

Imagine que parmi les otages il y ait des vieillards, des enfants, des bébés même… et puis des femmes, explicitement enlevées pour être violées et engrossées par les terroristes de Daech.

Imagine que tu as perdu ton enfant dans les horreurs d’octobre ; ou que ta fille est aux mains des terroristes de Daech et que tu n’as aucune nouvelle d’elle – sauf une vidéo d’il y a sept mois où, en sang et en larmes, elle est frappée par des salauds armés qui ne parlent que de la violer.

Imagine que tes cousins, tes frères, tes enfants, tes parents risquent leur vie au front pour sauver les otages et pour défendre ta patrie contre ceux qui lui ont déclaré la guerre, qui rêvent de l’anéantir, qui ne te connaissent pas mais veulent quand même ta peau et celle de tous ceux que tu aimes.

Imagine que les chefs de Daech se planquent chez leurs amis dans le Golfe persique où ils mènent des vies de milliardaires, tout en commandant à « leur peuple » de mourir en martyrs.

Imagine que tous les pays occidentaux continuent tranquillement de faire du business avec ceux qui les abritent, les protègent et les arment.

Imagine que tous les pays alliés de Daech entretiennent l’hypocrisie d’encourager ces terroristes dans leur guerre mais refusent d’accorder la nationalité ni le moindre droit aux émigrés de Molenbeek sur leur propre sol, les enfermant dans le statut ahurissant de réfugiés de génération en génération.

Imagine que Daech ait profité d’une aide internationale disproportionnée depuis des années, non pas pour améliorer la vie des habitants de Molenbeek mais pour acheter des armes, assurer à ses dirigeants une existence très confortable et creuser des tunnels sous la ville et les bâtiments civils – mais pas pour protéger les civils qu’ils préfèrent grouper au milieu des munitions afin d’accroître le carnage.

Imagine que tout le Nord de la France, y compris Paris, subisse une pluie de dizaines de roquettes par jour et qu’une bonne partie de la population des régions frontalières de la Belgique aient dû être évacuées.

Imagine que Daech planque les rampes de lancement de roquette et les stocks de munitions dans les crèches, dans les écoles, dans les hôpitaux, dans les camps de réfugiés – en violation totale du droit international qui en fait des crimes de guerre – de telle sorte que ces lieux, normalement protégés des ravages de la guerre, deviennent des cibles légitimes pour la riposte.

Imagine que Daech utilise les civils de Molenbeek, hommes, femmes, enfants, comme boucliers humains.

Imagine que les terroristes de Daech se fichent éperdument des civils de Molenbeek, qu’ils les oppriment et qu’ils assassinent systématiquement tous leurs opposants depuis qu’ils sont au pouvoir.

Imagine que le gouvernement et l’armée français préviennent les populations civiles avant les frappes, plusieurs jours en avance, qu’ils les appellent à quitter les lieux, qu’ils prennent soin d’instaurer et de protéger des corridors humanitaires.

Imagine que Daech tue les civils qui cherchent à fuir les lieux désignés comme cibles et y parque le plus de personnes possible pour maximiser le nombre de victimes.

Imagine que la France n’ait pas mis un orteil à Molenbeek depuis presque vingt ans mais que Daech et ses alliés répètent en boucle que c’est une prison à ciel ouvert à cause de la France… et que tout le monde les croie.

Imagine qu’on accuse la France de génocide à Molenbeek… où la population a doublé en dix ans.

Imagine que la France ait jusqu’à présent laissé les civils de Molenbeek entrer sur son territoire pour travailler, étudier, se faire soigner alors que la Belgique a fermé toutes ses frontières avec Molenbeek.

Imagine que ces mêmes civils qui travaillaient tous les jours en France se soient servis de la confiance qui leur était donnée pour renseigner les terroristes et les aider dans leur hécatombe d’octobre.

Imagine que la riposte française entraîne un taux de pertes civiles historiquement bas pour ce type de guerre urbaine – de l’ordre d’un civil pour un combattant armé, alors qu’il était jusqu’à présent d’environ cinq pour un en Ukraine, en Irak et en Syrie, voire jusqu’à dix pour un dans des zones densément peuplées comparables à Molenbeek… décompte macabre s’il en est – mais que l’on accuse sans cesse l’armée française de « massacrer volontairement les civils ».

Imagine que, même s’il n’y avait pas un seul civil tué, de toute manière la propagande continuerait de faire passer les soldats français pour d’horribles bouchers.

Imagine qu’on réussisse l’extraordinaire tour de passe-passe de présenter les terroristes qui massacrent des civils comme des résistants – terrible insulte à la mémoire des vrais Résistants.

Imagine que tous les médias et politiques étrangers, et même les institutions internationales, remettent systématiquement en cause les informations données par la France mais prennent pour argent comptant la propagande de Daech, en acceptent et relaient tels quels, sans discuter, les chiffres délirants des morts que causerait l’armée française, malgré l’énormité des mensonges et la nature criminelle de la source.

Imagine que les médias et les réseaux dits sociaux soient saturés d’images manipulées, créées par intelligence artificielle sur lesquelles des bébés morts ont six doigts ou deux bras gauches, mises en scène avec des faux morts, des poupées qu’on fait passer pour des gosses, des enfants émaciés par la famine alors que leurs parents à côté présentent un bel embonpoint de bourgeois repus, que le même père éploré par la disparition de sa famille apparaisse sur moult vidéos tournées à plusieurs jours d’écart après différentes frappes… et imagine que tous ces mensonges éhontés ne soient jamais remis en cause mais, au contraire, diffusés et rediffusés avec gourmandise, commentés mais jamais discutés par des médias et des politiques étrangers tous complices des véritables assassins : Daech.

Imagine que dans les pays occidentaux, se déploie un vaste mouvement de sympathie envers Daech, en partie télécommandé par les Frères musulmans mais qui trouve un écho singulier chez les politiques autoproclamés « de gauche », dans les médias et sur les campus.

Imagine que Daech soit soutenu par des gens qui, dans le meilleur des cas, se feraient immédiatement assassiner si les terroristes qu’ils aiment tant réussissaient à prendre le pouvoir.

Imagine les plus grandes universités, les plus prestigieuses, occupées par des hordes d’étudiants lobotomisés, incultes, des bandes de crétins qui n’ont aucune connaissance du sujet, qui confondent tout, qui croient tout ce qu’on leur raconte du moment que ça flatte leur bonne conscience anesthésiée à la moraline et à la propagande, qui ont perdu tout bon sens (si tant est qu’ils en eussent jamais).

Imagine qu’à l’étranger, des manifestants arrachent les portraits des otages collés aux murs, en prétendant que ce sont « des faux otages » et en niant ce qui s’est passé en octobre.

Imagine que soit joyeusement scandé un peu partout dans le monde le slogan génocidaire « l’État islamique de la Manche à la Méditerranée », qui signifie exactement l’assassinat de tous les Français.

Imagine qu’aux États-Unis, au Canada, au Royaume-Uni, en Allemagne, en Australie… des dizaines de milliers de manifestants prient dans la rue en chantant « Allahou akhbar », appellent au djihad et gueulent « mort aux Français », en soutien à Daech.

Imagine que les étudiants et professeurs soupçonnés d’être français soient interdits d’accéder aux campus occidentaux.

Imagine que les Français, partout dans le monde, soient la cible d’insultes, de menaces, d’agressions, de violences, de meurtres ; que leurs habitations soient repérées par des drapeaux tricolores ensanglantés, placardés sur leurs portes pour les désigner comme ennemis à abattre.

Imagine que les manifestants pro-Daech utilisent comme signe de ralliement apposé sur les murs un dessin stylisé de la tête coupée de Samuel Paty.

Imagine que le régime iranien, qui assassine son propre peuple, salue publiquement les politiques, étudiants et enseignants qui prennent fait et cause pour Daech.

Imagine que les pays étrangers, la communauté internationale et même les alliés historiques de la France lui demandent un cessez-le-feu sans condition, sans exiger que Daech dépose les armes et libère les otages – et offrent ainsi l’absolution aux terroristes et un blanc-seing pour toutes leurs prochaines attaques.

Imagine que le monde dénie à la France le droit de se défendre.

Imagine que des députés étrangers prétendument de gauche accusent les Français de ne pas appartenir à l’espèce humaine.

*

Imagine qu’ils adorent la mort plus encore que nous n’aimons la vie.

Imagine qu’ils gagnent.

Cincinnatus, 3 juin 2024

Publié par

Cincinnatus

Moraliste (presque) pas moralisateur, misanthrope humaniste, républicain râleur, universaliste lucide, défenseur de causes perdues et de la laïcité, je laisse dans ces carnets les traces de mes réflexions : philosophie, politique, actualité, culture…

9 réflexions au sujet de “Imagine…”

  1. 3 juin 2024 pas 2021… La déshumanisation, la barbarie, l’inculture et la lâcheté sont en train de nous perdre. Monde décérébré… Comment lutter?

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  2. Bravo !

    Thierry Maricourt

    PS : A tout hasard (ça n’a rien à voir mais je pense que ça peut vous intéresser), colloque Michel Ragon salle de l’Ageca, 177 rue de Charonne, 75011, ce samedi et ce dimanche.

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  3. Imagine que des députés LFI déploient des drapeaux de la Palestine (entité sous l’autorité du Hamas) à l’assemblée nationale.
    Ah non pardon. Ça c’est la réalité.

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  4. Parfaitement observé comme d’habitude. Impeccablement exprimé, comme d’habitude.

    Tout est passé au cordeau de la raison.

    J’espère qu’on étudiera Cinci dans les années à venir et que le temps, grand maître, se chargera de débarrasser la société de tous ces tocards, ces électoralistes, ces boutefeux opportunistes. C’est absolument insupportable, c’est tout à fait indigne d’une élite politique. Beaucoup ont renoncé : la société est submergée, emportée et il est inutile de lutter. Et ça ne va pas s’arranger, il faut relire Fahrenheit 451 de R. Bradbury : visionnaire et désespérant.

    Comme dirait Desproges : Le Pen fait 30 %. J’ai repris deux fois des moules.

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