La Disparition de Paris, Didier Rykner, Les Belles Lettres, 2022.
Le livre en deux mots
Didier Rykner, directeur de la publication de la revue La Tribune de l’Art et grand amoureux de Paris, a fait paraître en début d’année cet ouvrage qui tient à la fois du froid catalogue d’entomologiste et du cri du cœur. Gageure ? Pas tant que ça. En tout cas, l’exercice est réussi. En effet, l’auteur, dont on apprécie la participation très active au mouvement #SaccageParis sur twitter, expose tout au long de ces 236 pages les dégâts, parfois irréversibles, provoqués par la Municipalité sur ce qui est censé encore être l’une des plus belles villes du monde. Nous sommes nombreux à déplorer les effets de la mauvaise gestion de l’équipe Hidalgo dans la capitale [1] ; Rykner nous en dresse un tableau d’ensemble en abordant méthodiquement chaque domaine. Tout y passe : espace public, environnement, urbanisme, patrimoine, relations avec les administrés… avec moult photographies prises par lui-même afin d’illustrer de manière indiscutable l’état lamentable de Paris. On en ressort avec la conviction que la Ville est dirigée par une petite clique qui manie le pire cocktail possible : un mélange explosif d’incompétence et d’idéologie. Alors qu’ils ont la lourde responsabilité de préserver, enrichir et transmettre un patrimoine (au sens large du terme) qui les dépasse infiniment, de répondre aux besoins des Parisiens et de tous ceux qui, pour une raison ou une autre, ont affaire à Paris, et de leur faciliter la vie en leur assurant un cadre sûr et agréable d’existence, les dirigeants parisiens détruisent systématiquement tout ce qui rend Paris belle et sûre. La méthode, bien connue, est toujours la même : laisser pourrir une situation afin de mieux imposer ensuite des transformations irréversibles, inadaptées et en général hideuses [2]. Tout comme les néolibéraux qui coupent les bras des services publics pour en mieux pointer ensuite les dysfonctionnements qu’ils ont eux-mêmes créés, Anne Hidalgo fait exactement la même chose en saccageant Paris et en présentant à chaque fois des « solutions » ineptes. Les exemples pullulent. Ainsi, notamment, de ces « budgets participatifs » démagogiques et manipulés qui osent, en plus, mettre à égalité la réfection des toilettes des écoles et des actions clinquantes sans aucun intérêt autre que faire mousser une Municipalité déconnectée de la réalité. Ce relativisme n’est pas de l’amateurisme mais bien l’expression d’une idéologie dégueulasse et d’un mépris profond pour les Parisiens. L’indécence atteint même des niveaux criminels dans le cas de l’affaire de la rue de Trévise qui, à la morgue et à l’incompétence, ajoute une inhumanité ahurissante dans sa violence.
Où j’ai laissé un marque-page
Les pages consacrées à la conception très étrange de l’écologie partagée par Anne Hidalgo et ses sbires, qui montrent combien les notions fondamentales de la science n’ont pas atteint ces sphères éthérées où l’on préfère massacrer les parcs et jardins, la faune et la flore, et tout l’environnement parisien au profit de la privatisation de l’espace public, de l’extension du domaine de la publicité agressive, de la bétonnisation, et de pseudo-concepts complètement fumeux (« microforêts urbaines », « végétalisation des pieds d’arbres »…) relayés par une communication sciemment mensongère avec ses chiffres fantaisistes et ses vues d’architectes ridicules – nouvelle preuve, s’il en était besoin, qu’Hidalgo et ses communicants cocaïnés (qui coûtent beaucoup plus cher que les gardiens de parcs supprimés !) prennent les Parisiens pour des cons.
Un extrait pour méditer
Tout le patrimoine parisien souffre, qu’il soit religieux ou profane. Les fontaines, nous le verrons, sont pour beaucoup laissées à l’abandon (même si, là encore, depuis deux ans les choses ont cependant un peu évolué dans le bon sens), le mobilier urbain est systématiquement détruit ou remplacé, les places parisiennes sont dénaturées, les abords des monuments historiques sont transformés en aires de jeu sans aucune attention à l’harmonie du paysage urbain. Des opérations de vandalisme à plus grande échelle sont ou ont été menées, parmi lesquelles la destruction d’une partie du jardin des Serres d’Auteuil n’est pas la moindre. Le sport – ou plutôt le sport business, car les équipements scolaires ou de proximité sont délaissés et certains stades lotis – devient l’ennemi du patrimoine, entraînant la destruction de monuments historiques protégés – comme la piscine Molitor, ou qui auraient dû l’être – tel le stade Jean-Bouin. Les Jeux Olympiques de 2024 vont encore aggraver la donne. La maire prétend mener cette politique grâce à la concertation avec les Parisiens, une tartuferie qui culmine avec la farce du « budget participatif » qui se renouvelle chaque année.
Le patrimoine n’est pas seulement constitué des grands monuments. Le tracé des rues, les alignements des façades, les toits, les jardins, tout cela contribue à la beauté d’une ville et à son identité. Paris ne ressemble à aucune autre grande cité dans le monde et c’est pour cela que les Parisiens sont fiers d’y habiter, pour cela aussi que les touristes s’y rendent en nombre. Or la mairie n’a de cesse de vouloir la banaliser. En construisant à tort et à travers, comme dans la rue de Rivoli, à deux pas du Louvre, où tout le monde peut désormais constater que le nouveau bâtiment de la Samaritaine a été bâti en niant le caractère historique de ce quartier. En voulant élever à toute force des tours qui, là encore, contribuent à confondre Paris avec n’importe quelle mégalopole. En laissant les rues envahies par des publicités toujours plus grandes, toujours plus lumineuses… Ces tours, ces publicités consommatrices d’énergie sont le contraire de l’écologie. Anne Hidalgo affirme défendre l’environnement mais elle fait exactement l’inverse, dans une opération permanente de green washing – une pratique qui consiste à mettre en avant quelques actions mineures prétendument écologiques pour favoriser parallèlement les pratiques les plus destructrices. Elle n’a à la bouche que le mot « végétalisation ». Une végétalisation qui tente de transformer chaque rue en jardin, mais qui les métamorphose en réalité en vastes terrains vagues jonchés d’ordures et de mauvaises herbes, tout en menant simultanément de grandes opérations immobilières faisant disparaître les rares espaces verts de la capitale et en coupant des arbres dans toute la ville. La transformation de la Seine en un fleuve où l’on peut se baigner, une opération souhaitable mais dont on ne voit pas comment elle pourrait aboutir à court terme (rappelons que Chirac avait la même ambition) relève de la même idéologie, alors que le projet – heureusement abandonné – de transformer le lac Daumesnil en piscine aurait eu des conséquences environnementales très graves. Anne Hidalgo et l’écologie, c’est un peu le pompier pyromane.
Cincinnatus, 4 juillet 2022
[1] Lire notamment « Paris, entre misère et indécence », « Paris, ce clinquant cloaque » et surtout « Anne Hidalgo et #SaccageParis ».
[2] « L’empire du moche ».
Merci Cinci.
Paris est un crève-cœur.
Plus généralement, il y a une vraie indifférence de beaucoup de Français face à l’enlaidissement général de la France (sans parler des atroces cités ou des bords de mer, songeons aux entrées des villages et des villes, défigurées par les zones industrielles ou plutôt commerçantes, au règne des énormes publicités, aux multiples ronds-points, aux pavillons de banlieue identiques, à trop de moches constructions récentes défigurant une jolie place, aux « fermes » d’éoliennes détruisant point de vue et oiseaux etc ), indifférence contre laquelle il faut vraiment se battre : on n’enseigne plus la beauté.
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