La vertu destructrice

Condamnés par l’Inquisition, Eugenio Lucas Velázquez (1862)

Il souffle, en France et ailleurs, comme un vent mauvais, un vent de destruction, sur les arts et les savoirs, sur la discussion et la contradiction. Les esprits semblent emportés par une volonté de salir, d’éliminer, de censurer, de faire disparaître, purement et simplement, ce qui les contrarie ou les contraint. Ce qui ne leur ressemble pas, surtout.

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Le droit à la paresse

La Méridienne, Vincent van Gogh (1889-1890)

Mais qu’ont-ils fait du pamphlet de Paul Lafargue [1] ?

À l’occasion de la nouvelle réforme des retraites voulue par le Président de la République, l’espace public est saturé des empoignades entre bourgeois qui n’ont jamais travaillé de leurs mains. S’opposent dans la stratosphère des néolibéraux qui rêvent de revenir à un XIXe siècle à la Dickens et mitraillent le code du travail et les acquis sociaux au nom de la concurrence de la Chine et du Bangladesh, modèles du genre ; et des gauchistes de salon dont la vision puérile se limite à un monde entièrement voué à la jouissance sans entrave sous la tyrannie bienveillante de la moraline et de la nunucherie. Entre sacralisation et malédiction, l’idée de travail devient l’otage des postures moralisantes.

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À quelle sauce manger les riches ?

La parabole du serviteur impitoyable, précédemment Crésus réclamant le tribut à un paysan de Lydie, Claude Vignon (1629)

L’idée revient aussi régulièrement que les marronniers journalistiques sur le classement des hôpitaux ou les réseaux secrets des francs-maçons : taxons les riches ! Pour financer les retraites, la transition écologique, le remboursement de la dette ou le sauvetage des services publics, ponctionner les plus riches paraît à certains intellectuels, militants et dirigeants politiques la solution à tous les maux de la société – ceci dit, pour d’autres, c’est la suppression pure et simple des impôts ou encore le développement d’applis… personne, visiblement, n’a le monopole du simplisme.

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La fabrique du Méchant

Saint Georges et le dragon, Paolo Ucello (1470)

L’ennemi est bête : il croit que c’est nous l’ennemi alors que c’est lui !
Pierre Desproges

Le procédé est vieux comme le monde : construire de toutes pièces un Méchant afin de mieux se faire passer pour le Gentil de l’histoire… et, souvent, simplement pour exister. À l’heure des réseaux dits sociaux et des crispations identitaires, cette technique éculée est à la mode… et utilisée sans retenue par tous les camps politiques. En effet, nul besoin d’imagination, ni d’intelligence, tant c’est efficace.

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L’indécence commune

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Eric Arthur Blair, alias George Orwell

Le peuple serait doué d’une forme de morale intuitive lui permettant de distinguer « ce qui se fait » et « ce qui ne se fait pas » [1]. Telle est la thèse, ainsi outrageusement résumée, derrière la notion de « décence commune », chère à George Orwell et reprise par Jean-Claude Michéa. Toute l’œuvre du premier est parcourue par cette conviction que le peuple – au sens, ici, des classes laborieuses, singulièrement les ouvriers – possèderait cette capacité viscérale de s’orienter et de choisir entre le Bien et le Mal, entre le juste et l’injuste, entre, surtout, le décent et l’indécent – capacité que les classes supérieures auraient, quant à elles, perdue. Orwell, le socialiste antitotalitaire, increvable défenseur des plus misérables, irréprochable humaniste, défend toujours et partout la dignité humaine – c’est à travers ce prisme, je pense, qu’il faut comprendre cette notion de « common decency » : la dignité pour seul horizon et seul combat [2].
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La chouinocratie des névroses militantes

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L’Enfant mal élevé, Rembrandt (1635)

Je suis infertile. Pour donner naissance à ma fille, nous avons dû passer par un long et difficile parcours d’aide médicalisée à la procréation (AMP) – j’ai déjà raconté tout cela [1]

Mais, aujourd’hui, j’ai décidé de sortir du silence auquel le système me contraint afin de m’élever publiquement contre l’infertilophobie.
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Moraline à doses mortelles

*

Couvrez ce sein, que je ne saurais voir :
Par de pareils objets les âmes sont blessées,
Et cela fait venir de coupables pensées.

Molière, Le Tartuffe ou L’imposteur, Acte III, Scène 2

*

J’ai toujours préféré les moralistes aux moralisateurs.

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Nous devons tant à Machiavel. Loin de la vulgate qui en fait un manipulateur cynique et l’alibi de tous les despotes, le penseur florentin, que ce soit dans son Prince ou dans ses Discours sur la première décade de Tite-Live, occupe toute son intelligence, et la finesse de sa plume, à analyser les mœurs politiques – et à défendre l’humanisme civique en lisant les institutions de la Rome antique avec l’œil du républicain de la Renaissance. Parmi ses précieux apports à la pensée, il affranchit le politique de la morale. Lire la suite…

Mascarades de la pureté

Portrait de Friedrich Nietzsche, par Edward Munch
Portrait de Friedrich Nietzsche, par Edward Munch

« Les gauchistes sentent le curé froid ! » : non seulement François Cavanna, fondateur de Charlie Hebdo, avait trouvé une formule géniale mais, surtout, il n’aurait pas imaginé à quel point elle serait plus pertinente encore à mesure que les idéologues de la pureté gagneraient en puissance et tenteraient d’imposer leur vision du monde au reste de la population. Et avec quel sinistre esprit de sérieux ! – incapables d’humour ni de légèreté, ils ne tournent vers le monde que le méchant rictus dont ne peut se départir celui persuadé de son infinie bonté. Lire la suite…

Les nouveaux iconoclastes

De nouveaux censeurs s’ingénient à réécrire l’histoire, à interdire des films ou des spectacles, à éteindre les Lumières à l’Université… c’est là une véritable tragédie. Au nom de luttes intrinsèquement justes qu’ils détournent, au nom de l’égalité qu’ils pervertissent, des groupuscules idéologiques provoquent des déferlements de bêtise violente dont le seul but est d’anéantir aveuglément la culture et la liberté d’expression. Lire la suite…

Paris, entre misère et indécence

Paris est schizophrène. Loin du psittacisme à la mode d’un fantasmatique « vivre-ensemble » dégoulinant de moraline, le territoire parisien se morcelle en ghettos étanches juxtaposant poches de misère et ghettos de riches. Les arrondissements à deux chiffres du nord-est et du sud-est parisien rassemblent l’essentiel des logements sociaux et des structures d’accueil des migrants, toxicomanes et sans-abris, pendant que les autres quartiers se ferment aux rares classes populaires et moyennes qui y demeuraient.
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