Tourisme et barbarie (2)

Une famille de Français entre dans un petit restaurant de la campagne sicilienne : « BONJOUR, NOUS SOMMES TROIS ! ».

Et ils se plaignent d’être mal considérés ! Et ils persiflent les touristes mal élevés en France : Américains, Japonais, Chinois, Allemands, Anglais… autant de profanateurs « qui se croient tout permis quand ils débarquent chez nous » !
La massification du tourisme international et son corollaire, la standardisation, ne font qu’encourager ces comportements affligeants de beaufs mal dégrossis.
Curiosité, bienveillance et humilité ne sont-elles pas consubstantielles à l’idée même de voyage ? découvrir l’autre dans son altérité ? Ne peuvent-ils donc pas faire le petit effort de se renseigner sur le pays visité ?

Autre voyage : revenant d’Ischia par bateau, nous lions conversation avec deux ladies britanniques sexagénaires des plus sympathiques. Nous parlons de Naples et des environs où elles résident depuis une semaine. Nous évoquons la légendaire tombe de Virgile… de qui ? Nous expliquons en anglais, images à l’appui, noms posés par écrit dans leur langue pour éviter tout malentendu de prononciation : Virgile, l’Énéide. Étrange qu’en deux mille ans, la poésie latine n’ait pas atteint les rivages culturels d’Albion. Ne pas connaître Virgile pourrait déjà être considéré comme un crime contre la culture… soyons magnanimes et admettons. Mais tout ce que nous racontons de la région napolitaine, y compris de plus trivial, suscite l’émerveillement de la nouveauté. En une semaine, elles ont visité Pompéi – mais n’en ont retenu que le côté « huuuuge » – et Capri – essentiellement les jolies boutiques. Basta.

Sans parcourir le monde le guide vert dans une main, le bleu dans l’autre et le Routard entre les dents, comment peut-on demeurer à ce point imperméable et obtus dans un pays ou une région qui nous sont étrangers ?

Lorsque la langue nous est inconnue, ne peut-on faire l’effort d’apprendre, même phonétiquement, les quelques mots qui engagent le rapport humain, ne serait-ce que pour montrer que l’on fait un pas vers l’autre ? Entrer dans un restaurant, une boutique, une maison en prononçant un simple « bonjour » dans la langue de l’hôte, n’est-ce pas la marque la plus élémentaire du respect ? Le « bonjour, nous sommes trois ! » des veaux de tout à l’heure sonne comme le débarquement dans une terre conquise. Une autre version est peut-être pire encore : baragouiner, dans un pays non anglophone, quelques mots dans un mauvais globish en imaginant que le monde est devenu un hall d’aéroport international. Consternant.

Et surtout humiliant : pour l’hôte ravalé au rang de serviteur ; pour le touriste qui étend publiquement sa bêtise crasse ; et pour nous qui sommes contaminés par l’image déplorable qu’il donne des Français. Chers concitoyens, lorsque vous voyagez, cessez de vous comporter comme ceux mêmes que vous critiquez à juste titre lorsqu’ils visitent la France.

Ou alors restez chez vous !

Cincinnatus,

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Cincinnatus

Moraliste (presque) pas moralisateur, misanthrope humaniste, républicain râleur, universaliste lucide, défenseur de causes perdues et de la laïcité, je laisse dans ces carnets les traces de mes réflexions : philosophie, politique, actualité, culture…

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