Exécution de Louis Capet XVIme du nom, le 21 janvier 1793, gravure anonyme (1793)
La Révolution a bon dos ! Fichez-lui la paix ! Cessez donc, quel que soit votre camp politique, de récupérer grossièrement, d’instrumentaliser indûment ce moment si dramatique et si complexe de l’histoire. Lieu commun du débat public, ses évocations n’en sont que plus saturées d’idéologies, au point que les faits disparaissent derrière vos clichés et caricatures.
Le Petit Journal, supplément du dimanche, 5 juillet 1903 – RetroNews BnF
Jamais nouvelle drogue n’avait connu un tel succès ; nul toxique n’avait atteint si rapidement un tel degré d’adoption. En à peine quelques années, une dépendance sévère s’était étendue à l’immense majorité de la population.
Vue idéale de l’Acropole et de l’Aréopage à Athènes, Leo von Klenze (1846)
L’iségorie, concept central dans la démocratie athénienne, assure à tous les citoyens le droit égal à la prise de parole au sein de l’agora. Contrairement aux apparences, pourtant, l’iségorie n’appartient pas au seul régime de l’égalité mais peut-être plus encore à celui de la liberté. L’égalité de parole garantit d’abord et avant tout la liberté d’expression ; l’iségorie en est, en quelque sorte, le reflet au miroir de la démocratie. A priori, tous les citoyens sortis de l’ombre du domaine privé pour entrer dans la lumière du public, cet espace d’apparence où chacun partage paroles et actions dans l’objectif d’édifier un monde commun, disposent de la même légitimité à exprimer leur opinion, leur vision du monde, leur conception du bien commun et de l’intérêt général. Quels que soient son métier, sa richesse, ses origines, ses croyances ou ses chromosomes, tout citoyen, par le seul fait qu’il est citoyen, possède le même droit inaliénable de prendre part au politique et de constituer le souverain.
Savonarole prêchant dans l’église San Miniato à Florence, Auguste Flandrin (1840)
Ne suis-je pas un faux accord Dans la divine symphonie, Grâce à la vorace Ironie Qui me secoue et qui me mord ?
Elle est dans ma voix, la criarde ! C’est tout mon sang, ce poison noir ! Je suis le sinistre miroir Où la mégère se regarde.
Extrait de L’Héautontimorouménos de Baudelaire [1]
Difficile de choisir ses combats, tant ils sont nombreux. Ce que j’ai appelé « le syndrome Batman » [2] peut facilement submerger la raison. Si, comme l’a bien montré Camus, la révolte est un sentiment positif, si la colère est une émotion éminemment politique – la multiplication à l’infini des adversaires et des ennemis [3], doublée de l’ouverture sans cesse renouvelée de fronts sur lesquels mener le combat idéologique, provoque une sensation de vertige. Comme une danse au-dessus du volcan. Et tout est fait pour rendre inexorable la chute dans le cratère. Lire la suite…
Un sentiment de révolte impuissante sous forme de platitudes. Rien ne peut justifier ni légitimer l’invasion de l’Ukraine par la Russie, que je condamne sans réserve. Le peuple ukrainien et ses dirigeants – le président Volodymyr Zelensky en tête –, aux prises avec l’une des plus puissantes armées au monde aidée des islamistes tchétchènes de Kadyrov et des mercenaires néonazis du groupe Wagner, font preuve d’une bravoure historique. Lire la suite…
Les sondages électoraux devraient être interdits. Et qu’on ne me sorte pas le couplet sur la fièvre, le thermomètre, etc. : les sondages n’ont rien d’un instrument servant à mesurer scientifiquement les volontés de l’électorat. Tout cela, ce n’est que de l’enfumage : j’ai déjà longuement expliqué pourquoi ils n’ont rien de scientifique et comment ils fabriquent de toutes pièces l’« opinion publique » (lire : « Sondages : une cure de désintox, vite ! »). Les conséquences de cette scientificité usurpée et des manipulations des citoyens sont gravissimes pour une démocratie déjà mal en point. Lire la suite…
Les deux mots claquent. L’expression, à la mode depuis un bout de temps maintenant, sert à mettre fin à la conversation en disqualifiant l’autre au nom de son appartenance à une génération qui n’a plus que le droit de la fermer. Contre les enfants du baby-boom et, par extension, toute personne qui ose avancer un point de vue perçu comme « rétrograde » ou « réactionnaire », c’est-à-dire simplement différent (les idées ont-elles un âge ?), l’insulte se veut humiliation définitive, intimant l’ordre de se taire à celui dont toute parole est a priori invalidée, délégitimée, méprisée [1]. Lire la suite…
Amoureux de la Vérité et rêveurs de sagesse, tremblez ! Rien ne pourra plus être tangible, certain, étayé, tenu pour réel : la suspicion doit accompagner chaque « information » – bienvenue dans l’ère de la « post-vérité » et des « fake news ». Ces mots, produits d’importation, désignent-ils des phénomènes à tel point nouveaux qu’il n’existait pas de termes ni de concepts pouvant les décrire ? Sans même évoquer Platon, Descartes ou Nietzsche, leurs questionnements et leurs usages du doute, constatons la vénérable ancienneté de notions comme intox, manipulation, trucage, mensonge ou propagande qui ont toujours existé et ont prospéré sous toutes les formes de régimes politiques et d’organisations sociales. Alors… quoi de neuf sous le soleil ou dans la Caverne ? L’angoisse vaguement paranoïaque devant les possibilités qu’offre la technique en matière de détournement des images et vidéos n’est-elle qu’une mode inventée par les cyniques postmodernes pour se faire frémir artificiellement ? Lire la suite…
Donald Trump a été banni de Twitter – ses comptes ont été également supprimés d’autres réseaux sociaux et plateformes en ligne. L’entreprise à l’oiseau bleu a osé interdire l’accès à ses services à un futur-ancien-président-des-États-Unis. Avec lui, quelques dizaines de milliers de ses partisans ne pourront plus gazouiller ni accéder à certains services en lignes comme Airbnb. Ces conséquences de la « prise du Capitole » du 6 janvier 2021 semblent prendre des proportions presque plus importantes encore que l’événement lui-même. On se déchire sur les plateaux télé, les stations de radio et – surtout ! – lesdits réseaux sociaux. Les gros mots sont de sortie : « (ir)responsabilité », « justice », « dictature », « démocratie en danger »… on s’émeut, ça fait le buzz. Avant de vite passer à autre chose. Lire la suite…
Les paranoïas collectives et individuelles qui s’abreuvent complaisamment des rumeurs et scénarios farfelus n’ont pas attendu la caisse de résonnance des réseaux sociaux pour imprégner les esprits. Certes. Ceci étant, les possibilités de propagation instantanée des informations, vraies mais surtout fausses, ajoutées à la constitution de communautés agrégées autour de visions du monde partagées dont l’entre-soi renforce les préjugés, amplifient ces phénomènes à un degré inconnu auparavant. Sans céder à la disqualification facile de ceux qui se laissent convaincre par les discours complotistes, il est plus fructueux de tenter d’analyser les mécanismes en jeu et leur efficace. Lire la suite…