Inutile, injuste et idéologique : la réforme des retraites

Grève au pays de Charleroi, Robert Koehler (1886)

D’après le gouvernement, il manquera 12 milliards d’euros au système de retraites en 2027, soit un déficit cumulé d’environ 150 milliards d’euros à dix ans. Il n’y a aucun consensus à propos de ces chiffres (comme l’économie, les projections démographiques relèvent bien plus de l’astrologie que de la science), le gouvernement choisissant soigneusement les scénarios qui lui conviennent alors que différents modèles montrent pour leur part un retour rapide à l’équilibre. Admettons cependant un moment les hypothèses macronistes, largement catastrophistes.

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La mort des partis ?

Soir bleu, Edward Hopper (1914)

Les partis sont des organismes publiquement, officiellement constitués de manière à tuer dans les âmes le sens de la vérité et de la justice.
Simone Weil, Note sur la suppression générale des partis politiques

Balayés, les vieux partis du XXe siècle ! Ou du moins ce qui faisait figure d’héritiers du jadis puissant PCF et du central centrisme démocrate-chrétien ou rad-soc qui, les premiers, déclinèrent ; et puis, surtout, des deux grands partis qui, les éclipsant, animèrent longtemps la vie politique française : la SFIO/PS main dans la main avec les diverses mutations historiques du parti (post)gaulliste. Tous les grands partis d’hier sont subclaquants.

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Le droit à la paresse

La Méridienne, Vincent van Gogh (1889-1890)

Mais qu’ont-ils fait du pamphlet de Paul Lafargue [1] ?

À l’occasion de la nouvelle réforme des retraites voulue par le Président de la République, l’espace public est saturé des empoignades entre bourgeois qui n’ont jamais travaillé de leurs mains. S’opposent dans la stratosphère des néolibéraux qui rêvent de revenir à un XIXe siècle à la Dickens et mitraillent le code du travail et les acquis sociaux au nom de la concurrence de la Chine et du Bangladesh, modèles du genre ; et des gauchistes de salon dont la vision puérile se limite à un monde entièrement voué à la jouissance sans entrave sous la tyrannie bienveillante de la moraline et de la nunucherie. Entre sacralisation et malédiction, l’idée de travail devient l’otage des postures moralisantes.

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L’essentialisation de l’action politique

L’Œuf, Odilon Redon (1885)

Un riche peut-il être de gauche ? Un juif (un homosexuel, un noir…) peut-il voter pour l’extrême droite ? Un homme peut-il être féministe ? Une femme peut-elle combattre le droit à l’IVG ? Une dinde peut-elle aimer Noël ?

Ce que je suis définit-il ce que je pense, ce que je fais, ce que je promeus ou combats ?

Malgré les apparences, les réponses à ces questions ne vont pas de soi.

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RN : la grande illusion

Le RN de Marine Le Pen n’est pas le FN de Jean-Marie Le Pen. La petite entreprise familiale a bien changé.
Certains, pourtant, préfèrent feindre de croire le contraire et garder leurs vieux réflexes – aussi contreproductifs soient-il. Beugler « nazis » à chaque apparition médiatique de cadres ou militants de ce parti ne sert à rien, sinon à se faire plaisir. Il y a beaucoup d’onanisme chez les autoproclamés « antifascistes ».
D’autres,  a contrario, pourraient se laisser tenter par le chant qu’entonnent les sirènes du RN. Sensibles aux discours en rupture évidente avec ceux que le parti tenait du temps du fondateur, ils pensent y voir la résurgence d’un républicanisme tombé en disgrâce dans tout le reste du champ partisan. Poudre aux yeux ou révolution idéologique ?

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Iraniennes : pour elles et pour le monde

Mahsa Amini

Plus de deux mois. Plus de deux mois que l’étudiante de 22 ans Mahsa Amini a été assassinée par la police des mœurs iranienne. Plus de deux mois que les Iraniennes retirent leurs foulards, geste en apparence si simple qui a entraîné la mort de dizaines, de centaines d’entre elles. Plus de deux mois que le peuple iranien, femmes en tête, se soulève [1].

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Le bruit et le silence

Photos : AFP

Il y a cinq ans et demi, déjà, j’expliquais que « Mélenchon et Le Pen, ce n’est pas pareil ! ». Depuis cette époque, Macron a été élu, Mélenchon et Le Pen vaincus, Macron a dirigé le pays pendant cinq ans, Mélenchon a sombré dans les vertiges identitaires, Le Pen a survécu aux défections et aux attaques de son propre camp, Mélenchon a éliminé tous ses « amis » et s’est autoproclamé seul représentant de « la gauche », Macron a été réélu, Mélenchon et Le Pen de nouveau vaincus, Mélenchon a fondé la NUPES, Le Pen a changé le nom du parti familial, Mélenchon a fait passer sa défaite aux législatives pour une victoire pendant que Le Pen obtenait, elle, un succès historique.

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Liberté des uns, contrôle des autres

Le Tasse à l’Hôpital Sainte-Anne de Ferrare, Eugène Delacroix (1839)

Il y a, dans l’idéologie néolibérale [1] et, plus encore, dans sa manière de s’appliquer, un paradoxe apparent : d’un côté, une défense lyrique de la liberté (malgré une définition discutable), en particulier individuelle et économique ; de l’autre, une volonté de contrôle dont l’intensité et le périmètre ne cessent de s’accroître. N’y voir qu’une contradiction ou une hypocrisie ferait passer à côté de l’essentiel.

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Il n’y a pas de sot métier ?

Quelle modernité formidable qui, pour résoudre la crise du chômage de masse, certes sans grand succès jusqu’ici, a décidé d’inventer chaque jour de nouveaux métiers shadokiens ! L’anthropologue David Graeber l’a théorisé avec l’expression « bullshit jobs », d’autres ont étendu et approfondi le concept, mais l’idée est évidente à quiconque observe avec un tant soit peu d’honnêteté le monde du travail. Celui-ci est métastasé par des boulots socialement inutiles, voire nuisibles, souvent payés une misère tout juste suffisante pour survivre – ou parfois, au contraire, une fortune scandaleusement imméritée. Et pendant ce temps, les vrais métiers peinent à trouver des volontaires, sont méprisés et sous-payés. Une époque formidable, vous dis-je [1] !

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Nous aurons froid cet hiver…

Maison de thé à Koishikawa, le matin après une chute de neige, Katsushika Hokusai (v. 1830)

Le prix de l’énergie explose, nous devons donc baisser le chauffage à 19°C – voilà la solution du gouvernement français pour résoudre la grave crise à la fois énergétique et économique qui nous tombe dessus. « C’est un peu court, jeune homme ! », rétorquerait Cyrano. En effet, rien de ce qui nous arrive ici ne résonne comme un coup de tonnerre dans un ciel sans nuage. Bien au contraire ! Toutes les politiques énergétiques depuis trente ans tendaient vers cette crise ; la guerre en Ukraine n’a servi que d’étincelle au milieu d’un entrepôt savamment chargé de poudre.

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