
La fin d’une civilisation, c’est d’abord la prostitution de son vocabulaire.
Romain Gary, Europa
La fin d’une civilisation, c’est d’abord la prostitution de son vocabulaire.
Romain Gary, Europa
On s’en méfie : le peuple rassemble les couches inférieures, dangereuses, séditieuses, anarchiques.
On le flatte : le peuple s’oppose aux élites corrompues, par son monopole de la « décence commune ».
On le sacralise : le peuple est le synonyme incarné de la nation et du souverain.
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Je n’ai que réticences à commenter ici l’actualité « chaude » : « la chouette de Minerve ne prend son envol qu’à la tombée de la nuit » rappelait Hegel. L’étripage en règle entre les partisans du mouvement des « gilets jaunes » et ses opposants auquel j’assiste depuis plusieurs jours expose moult arguments, plus ou moins convaincants. Quoique je répugne à me jeter dans cette mêlée, il semble que chacun soit sommé de se positionner et de donner son avis : ne reculant devant aucune occasion de me faire des ennemis, à mon tour !
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En démocratie, la crainte est toujours justifiée d’une « tyrannie de la majorité » [1]. Or on assiste aujourd’hui à une autre forme d’asservissement : celle de l’espace public par les revendications identitaires de minorités, ou plutôt d’individus se considérant comme discriminés selon une dimension de leur être qu’ils affirment à la fois essentielle et minoritaire. La lutte contre les discriminations, en temps normal parfaitement légitime, se trahit et laisse place à des revendications agressives, l’affirmation du droit à la différence basculant dans l’exigence d’une différence de droits à raison d’une identité unidimensionnelle fantasmée.
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Un mandat d’élu n’est pas un poste en entreprise, une élection n’est pas un recrutement lors duquel sont évaluées des compétences et un parcours. Ce n’est pas non plus un concours de sosies dont le vainqueur serait celui qui, grand transformiste, saurait le mieux renvoyer à ses électeurs l’image la plus ressemblante pour les séduire.
Obnubilés par ces conceptions fallacieuses et par l’appât du gain, dans tous les partis, les « spécialistes des élections » découpent la Nation et le territoire en segments auxquels offrir le produit qui réponde le mieux aux désirs qu’ils leur prêtent. Ils prennent en compte un nombre incalculable de critères… parmi lesquels, hélas !, la probité, l’exemplarité et l’incorruptibilité des candidats, qualités qui dérivent toutes trois de la vertu civique, ne pèsent pas lourd.
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L’identité ne fait pas la légitimité. Si, comme évoqué précédemment, seuls les entrepreneurs sont légitimes à parler d’entreprises (et pourquoi pas plutôt les ouvriers ?) et les fonctionnaires de services publics, alors seules les femmes sont légitimes à parler des droits des femmes, seuls ceux dont le taux de mélanine dépasse un certain seuil sont légitimes à parler de racisme, etc. etc. Lire la suite…
Mes chers compatriotes,
Cessons de nous laisser aller aux passions tristes, à une mélancolie bileuse, à une dépression nombriliste. Abandonnons enfin le déclinisme kitsch et le décadentisme de supermarché qui nous rongent les entrailles. Nous sombrons collectivement dans une mauvaise caricature de l’Héautontimorouménos baudelairien, ce « bourreau de soi-même », ce « sinistre miroir où la mégère se regarde »[1]. Continuer la lecture de Français, halte à la haine de soi !
Les soubresauts d’un monde qui s’effondre suffisent-ils pour espérer autre chose que des convulsions d’agonie ?
Je suis pessimiste. Je pense que nous devons nous préparer à de nombreuses années difficiles : la dissolution de la République ; l’arrivée au pouvoir de gouvernements bien plus à droite que ce que nous avons connu ; l’inscription dans notre quotidien d’attentats réguliers et chaque fois plus meurtriers. Continuer la lecture de Winter is coming
Ce titre léniniste résume l’abattement général chez les républicains[1] sincères.
Où que l’on se tourne, cette même question : « que faire ? »… qui vaut toujours mieux qu’un « à quoi bon ? » résigné.
Prenons-nous à rêver un instant à la manière dont les événements pourraient tourner en notre faveur, quitte à faire preuve d’une bonne dose d’idéalisme, d’angélisme ou de naïveté – appelez cela comme vous voulez.
D’abord, nous remportons la guerre idéologique.
Né à l’étranger, dans une pomme, j’ai grandi en France avec deux passeports. Par l’un d’eux, le bleu, je suis citoyen d’une forteresse que des millions de personnes rêvent d’investir… sans que pour autant je n’y sois jamais retourné. Cette double nationalité fait partie de moi, elle m’a accompagné toute ma vie, le plus souvent à travers les questions qu’elle suscite chez les autres : le fantasme du modèle absolu contemporain et, simultanément, du repoussoir tout aussi excessif. Baigné comme tous dans la saturation spectaculaire de cet imaginaire-monde, sans l’avoir cherché je me suis distingué par cette appartenance à « l’autre côté de l’écran ».
Je pourrais revendiquer cette identité, au nom du sol me prétendre de là-bas plus que d’ici, et ignorer le goût d’imposture. Je pourrais aussi la rejeter, y renoncer dans un geste grandiloquent et sot.
Je choisis de l’accepter, un peu comme la couleur de mes cheveux : comme un fait qui m’appartient, me constitue mais ne me définit pas.