Nous aurons froid cet hiver…

Maison de thé à Koishikawa, le matin après une chute de neige, Katsushika Hokusai (v. 1830)

Le prix de l’énergie explose, nous devons donc baisser le chauffage à 19°C – voilà la solution du gouvernement français pour résoudre la grave crise à la fois énergétique et économique qui nous tombe dessus. « C’est un peu court, jeune homme ! », rétorquerait Cyrano. En effet, rien de ce qui nous arrive ici ne résonne comme un coup de tonnerre dans un ciel sans nuage. Bien au contraire ! Toutes les politiques énergétiques depuis trente ans tendaient vers cette crise ; la guerre en Ukraine n’a servi que d’étincelle au milieu d’un entrepôt savamment chargé de poudre.

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Cinquante nuances de républicains

990px-22the_school_of_athens22_by_raffaello_sanzio_da_urbinoTroisième et dernier billet d’entomologie-très-scientifique-des-idéologies-contemporaines-et-de-leurs-représentants-idéaux-typiques : après les identitaires et les néolibéraux, il est temps de se pencher sur quelques spécimens de la famille républicaine.
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Moraline à doses mortelles

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Couvrez ce sein, que je ne saurais voir :
Par de pareils objets les âmes sont blessées,
Et cela fait venir de coupables pensées.

Molière, Le Tartuffe ou L’imposteur, Acte III, Scène 2

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J’ai toujours préféré les moralistes aux moralisateurs.

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Nous devons tant à Machiavel. Loin de la vulgate qui en fait un manipulateur cynique et l’alibi de tous les despotes, le penseur florentin, que ce soit dans son Prince ou dans ses Discours sur la première décade de Tite-Live, occupe toute son intelligence, et la finesse de sa plume, à analyser les mœurs politiques – et à défendre l’humanisme civique en lisant les institutions de la Rome antique avec l’œil du républicain de la Renaissance. Parmi ses précieux apports à la pensée, il affranchit le politique de la morale. Lire la suite…

Raconte-moi une histoire !

Gustave doré - La lecture des contes en famille
Gustave doré, La lecture des contes en famille
© Bibliothèque nationale de France

En politique, il est toujours question de (se) raconter des histoires. Au sens péjoratif, bien sûr, comme autant de mensonges manipulatoires et démagogiques. Au sens enfantin, aussi, comme ces tendres instants qui endorment le corps pour mieux éveiller l’imaginaire. Au sens édifiant, enfin, comme ces narrations qui soudent l’individu au groupe politique et lui offrent une place dans une tradition dont il hérite et qu’il a la charge de transmettre.
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Mascarades de la pureté

Portrait de Friedrich Nietzsche, par Edward Munch
Portrait de Friedrich Nietzsche, par Edward Munch

« Les gauchistes sentent le curé froid ! » : non seulement François Cavanna, fondateur de Charlie Hebdo, avait trouvé une formule géniale mais, surtout, il n’aurait pas imaginé à quel point elle serait plus pertinente encore à mesure que les idéologues de la pureté gagneraient en puissance et tenteraient d’imposer leur vision du monde au reste de la population. Et avec quel sinistre esprit de sérieux ! – incapables d’humour ni de légèreté, ils ne tournent vers le monde que le méchant rictus dont ne peut se départir celui persuadé de son infinie bonté. Lire la suite…

Discours (imaginaire) à la nation (2021)

Elysée

Il y a cinq ans et une semaine, j’imaginais un discours que pourrait prononcer le président d’alors pour son allocution du 31 décembre 2015. Un quinquennat plus tard, je m’amuse à offrir à son successeur un nouveau texte.

Allez Manu, profites-en, c’est cadeau !

(Quoi ? c’est le moment de croire au Père Noël, non ?)

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Françaises, Français, mes chers compatriotes,

Nous achevons une année lourde de grandes douleurs et d’une indicible tristesse mais les maux que nous avons connus sont encore loin d’être derrière nous. Lire la suite…

Quel monde pour toi, ma fille ?

Tu viens d’avoir trois ans, ma fille. Dans quel monde en auras-tu trente, vers le mitan du siècle ? Ce siècle dans lequel je suis entré à déjà vingt. Enfant du vingtième et homme du vingt-et-unième, je me sens surtout millénaire. Frémiras-tu, toi aussi, au souvenir de cette mer Égée qui porte les vaisseaux des Achéens vers l’Est et l’immortalité ? Ou toutes ces histoires qui me constituent vous seront-elles étrangères, à toi et à tes compagnons temporels ? Je sens aujourd’hui survenir la rupture du fil ténu qui relie les vivants aux morts, les présents aux passés. L’augmentation des fondations, conception romaine de la culture qui m’est parvenue non sans mal, signifiait un respect critique et cette volonté de transmission que je t’assène dans mon effroi devant son obsolescence. Le monde commun semble s’anéantir sous nos yeux, à mesure que la culture s’éteint. Nous avons dilapidé notre héritage, faute de nous y intéresser, de chérir ce patrimoine comme il se doit. Que vous lèguerons-nous, sinon un monde amnésique – le contraire d’un monde, donc ? Fin de la transmission [1]. Lire la suite…

Collapsologie : demain, la fin du monde ?

Le triomphe de la Mort - Bruegel
Le triomphe de la Mort – Pieter Bruegel l’Ancien (1562)

L’effondrement est à la mode. La crise environnementale imprègne les consciences et fait sortir les dystopies apocalyptiques de l’exercice de style littéraire et des psychopathologies anecdotiques ; les prédictions scientifiques apportent une caution rationnelle à ce qui jusqu’à présent relevait de la science-fiction ou de la paranoïa. En d’autres termes : l’« heuristique de la peur », réflexion complexe et pleine de nuances de Hans Jonas, accouche aujourd’hui d’une certitude que la fin de ce monde est proche et, surtout, inéluctable. Lire la suite…

L’imposture EELV

Bien que la victoire en trompe-l’œil d’Europe Écologie – Les Verts aux dernières municipales eût comme un air de déjà-vu qui mériterait à lui seul bien des développements [1], plutôt que de s’attarder à pérorer davantage sur l’écume électorale, il me paraît plus judicieux de s’intéresser au positionnement de ce parti dans le débat public, à ses actions et à son substrat idéologique. Autrement dit : de quoi EELV est-il vraiment le nom ? Et de ce point de vue, il me semble que la réponse devrait être : celui d’une sinistre imposture faisant de ce parti un ennemi de la République et même, paradoxalement, de l’environnement. Lire la suite…

Écologie : quel spectacle !

La planète mérite mieux que Greta Thunberg. Peut-être les éventuels lecteurs de ces lignes, quelques années après leur rédaction, s’interrogeront-ils sur le sens de cette première phrase ; peut-être Greta Thunberg aura-t-elle disparu des écrans et des esprits ; peut-être ne subsistera-t-il d’elle qu’un lointain souvenir d’éphémère passionaria chez les vieux cons surannés – Greta Thunberg, un destin de Casimir ?
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