2022 : encore un coup pour rien

Apocalypse
Candidats à la présidentielle en route vers l’Élysée

La France est dans un état catastrophique et, hélas, ce n’est pas la prochaine élection présidentielle qui peut nous faire sortir de ce long hiver. Après cinq ans de macronisme, le paysage politique n’est qu’un immense champ de ruines sur lequel règnent des idéologies mortifères et des pantins sinistres.

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Candidats assurément « de gauche », ce n’est guère un scoop : vous êtes formidables ! La France entière vous admire et rêve de vous voir revenir au pouvoir. Jaurès et Blum verraient en vous leurs dignes successeurs, Clemenceau clamerait vos louanges et vous serrerait sur son cœur, Robespierre vous confierait sans hésiter les clefs du Comité de Salut public… vous êtes la gloire de la gauche dont vous avez sauvé l’héritage, transmis les références, ravivé le souvenir des luttes passées, préservé les principes et valeurs qui furent ceux de vos prédécesseurs.

Candidats autoproclamés « de gauche », ce n’est guère un scoop : il n’y a rien à tirer de vous. Vous êtes la risée de la France entière… en tout cas de ceux qui s’intéressent encore au spectacle déplorable que vous livrez. Jaurès et Blum vous foutraient des coups de pied au cul jusqu’à votre disparition, Clemenceau se débarrasserait de vous d’un seul mot d’esprit ou d’un coup de pistolet sur le pré, Robespierre vous passerait à la guillotine… vous êtes les fossoyeurs de la gauche dont vous avez bradé l’héritage, oublié les références, sali le souvenir des luttes passées, violé les principes et valeurs qui furent ceux de vos prédécesseurs.

M. Mélenchon, j’admire le plus vieux métier du monde et votre manière de faire le tapin idéologique est une véritable leçon ! La réussite de votre mouvement, entièrement voué aux avant-gardes identitaires après la série justifiée d’épurations façon procès staliniens, est votre fierté et votre honneur pour cette dernière et épique candidature. J’ai voté deux fois pour vous, il est tout à fait possible que je recommence cette année.

M. Mélenchon, je n’ai rien contre le plus vieux métier du monde mais votre manière de faire le tapin idéologique devient franchement gênante. Le naufrage de votre mouvement, entièrement voué aux folies identitaires après la série d’épurations façon procès staliniens, ne vous laisse que la honte et le déshonneur pour cette dernière et pathétique candidature. J’ai voté deux fois pour vous, ne comptez pas sur moi pour recommencer cette année.

M. Jadot, vous êtes le candidat d’une élite éclairée ayant compris que la laïcité, la science et la république sont des notions dépassées dont il faut se débarrasser urgemment – EELV est en passe de devenir le parti politique le plus utile pour la République… belle performance ! La crise environnementale est le premier de vos soucis, à vous et vos amis solidaires et rassemblés derrière votre candidature, sans jamais envisager un quelconque ralliement, que ce soit à Macron ou un autre.

M. Jadot, vous êtes le candidat d’une secte antilaïque, antiscience, antirépublicaine – EELV est en passe de devenir le parti politique le plus dangereux pour la République… belle performance ! La crise environnementale est le cadet de vos soucis, trop occupé que vous êtes à vous protéger des coups de poignard de vos chers amis tout en préparant votre avenir de sous-secrétaire d’État aux trombones et post-it du deuxième quinquennat de Macron.

Mme Hidalgo, de toutes vos actions en politique, la plus remarquable est peut-être de rendre à l’auguste parti socialiste sa puissance et ses attraits d’antan. Forte de vos succès indiscutés à Paris, vous envisagez avec raison d’appliquer les mêmes recettes à l’échelle nationale. Parfaitement ancrée dans la réalité du peuple français, vous possédez une conscience aigüe de ce que vivent vos concitoyens. Vous ferez une présidente historique !

Mme Hidalgo, votre seule action bénéfique en politique est d’abréger les souffrances du parti dit socialiste qui n’en finit pas de disparaître. Le saccage de Paris ne vous suffisant pas, vous délirez en imaginant pouvoir appliquer les mêmes recettes à l’échelle nationale. Vous vivez visiblement dans un monde parallèle, complètement déconnectée de la réalité – autrement, vous n’oseriez même pas apparaître en public. Heureusement que vous n’avez aucune chance de l’emporter !

Mme Taubira, vos discours brillants ajoutent la force d’une pensée complexe à la clarté d’une rhétorique ciselée ; votre humilité et la simplicité de votre personnalité séduisent très largement dans la population. Après avoir accompagné de grands hommes politiques comme Bernard Tapie et Édouard Balladur, vous souhaitez faire don de vous-même pour sauver la gauche et la France : quel courage !

Mme Taubira, vos interventions amphigouriques masquent mal le vide de votre pensée ; vos caprices de diva mégalomane ne séduisent que les quelques fidèles de votre culte. Après avoir été la groupie de Tapie et de Balladur vous prétendez maintenant « sauver la gauche » : quelle imposture !

Alors que tous ces candidats représentent déjà la fine fleur de la politique française, il reste peu de place pour un candidat défendant des principes et un programme authentiquement républicains, laïques et sociaux. Tout est là : à la disposition de qui voudrait s’en emparer. MM. Roussel, Kuzmanovic et Montebourg, grâce à votre intelligence et votre volonté, vous incarnez l’évidence de la relève. On comprend très bien l’intérêt des médias pour vous, tant vous menez des campagnes exemplaires, proposant à la nation française des projets solides et enthousiasmants.

Alors que tous ces candidats ne sont là que pour alimenter l’industrie médiatique, il y aurait un boulevard pour un candidat défendant des principes et un programme authentiquement républicains, laïques et sociaux. Tout est là : à la disposition de qui voudrait s’en emparer. MM. Roussel, Kuzmanovic et Montebourg, vous auriez pu, avec un minimum d’intelligence et de volonté, servir de pis-aller, faute de quoi que ce soit d’autre de vaguement valable. Mais vous n’en êtes mêmes pas capables. On comprend assez bien le désintérêt des médias pour vous, tant vous semblez trop occupés à saborder vos propres campagnes nombrilistes.

Candidats portant haut les couleurs « du centre » ou « de droite », vous êtes les dignes descendants des plus grands. Votre appropriation volontaire et joyeuse du néolibéralisme renouvelle heureusement aussi bien les subtils équilibres défendus par les vrais centristes passés, que la rigueur, l’ambition et la volonté des gaullistes. Tous autant que vous êtes, le Général serait fier de vous tant vous défendez l’intérêt général, sans une pensée pour votre propre petit profit personnel. Votre victoire assurée aux élections est la victoire de la France et des Français. Quant aux héros qui marient néolibéralisme et identitarisme, vous êtes les garants de la paix civile, héritiers de Colombey bien plus que de Montoire.

Candidats prétendument « du centre » ou « de droite », vous n’êtes que des traîtres. Votre reddition volontaire et joyeuse au néolibéralisme enterre aussi bien les subtils équilibres défendus par les vrais centristes passés, que la rigueur, l’ambition et la volonté des gaullistes. Tous autant que vous êtes, le Général vous ferait passer en cour martiale tant vous bradez l’intérêt général pour votre petit profit personnel. Votre victoire assurée aux élections n’est que la défaite de la France et des Français. Quant aux velléitaires qui marient néolibéralisme et identitarisme, vous n’êtes que des fauteurs de guerre civile, héritiers de Montoire bien plus que de Colombey.

M. Macron, pour paraphraser Hegel, vous pourriez être « l’esprit du néolibéralisme à cheval »… tant vous avez d’esprit et l’élégance équine. Mais c’est plutôt du côté de La Fontaine qu’il faut sans doute regarder : la chauve-souris qui, selon les besoins, paraît oiseau ou souris – le fameux « en même temps ». Ayant été un président meilleur encore que votre mentor Sarkozy, et grâce au bien que avez fait en cinq ans, vous être certain d’être réélu. Pour notre plus grand bonheur.

M. Macron, pour paraphraser Hegel, vous pourriez être « l’esprit du néolibéralisme à cheval »… si vous aviez de l’esprit et un cheval. Mais c’est plutôt du côté de La Fontaine qu’il faut sans doute regarder : la chauve-souris qui, selon les besoins, paraît oiseau ou souris – le fameux « en même temps ». Bien que vous ayez été un président pire que votre mentor Sarkozy, et malgré tout le mal que avez fait en cinq ans, vous être certain d’être réélu. Misère.

Mme Pécresse, vous rappelez grandement Fillon, en encore plus intelligente et plus authentique dans le genre droite catho versaillaise. Personne n’a oublié votre fantastique loi LRU, ni votre sympathie pour le mouvement humaniste de « la manif pour tous ». Votre « programme » sans fioriture inutile se concentre sur l’essentiel : le nombre de fonctionnaires à supprimer. Mais, après tout, peu importe : votre candidature est inexpugnable, tant votre parti est rassemblé derrière vous, insensible aux attraits macronistes et zemmouriens. Bravo !

Mme Pécresse, vous n’êtes qu’une vague copie de Fillon, en encore moins intelligente et plus caricaturale dans le genre droite catho versaillaise. Personne n’a oublié votre déplorable loi LRU, ni votre sympathie pour les ligues factieuses de « la manif pour tous ». Ce que vous appelez votre « programme » se réduit à des rodomontades sur le nombre de fonctionnaires à supprimer. Mais, après tout, peu importe : votre candidature est condamnée, vous serez bientôt lâchée par votre parti, déchiré entre les attraits macronistes et zemmouriens. Bon débarras.

M. Zemmour, bien loin des passions tristes, vous devez votre succès aux recettes les plus sûres de la pédagogie. Votre immense culture vous sert à transmettre l’Histoire et votre vision du monde, sans lien aucun avec une quelconque ambition personnelle. Vos discours de vérité rassemblent chaque jour un peu plus les Français. Et, comme dans toutes les histoires édifiantes, il faut bien un héros… alors les médias se régalent de votre épopée. Vous faites vendre… pour longtemps.

M. Zemmour, confit dans vos passions tristes, vous devez votre succès aux recettes les plus éculées de la démagogie. Votre prétendue « culture » ne vous sert qu’à manipuler l’Histoire au profit de votre vision du monde et, surtout, de votre ambition personnelle. Vos mensonges et vos sophismes divisent chaque jour un peu plus les Français. Mais, dans toutes les histoires pour enfants, il faut bien un méchant… alors les médias se régalent de leur nouvelle créature. Vous faites vendre… pour l’instant.

Mme Le Pen, à la fois adversaire redoutable et modèle politique pour les autres candidats, vous vous préparez à une glorieuse victoire, pendant que les talents se préparent dans votre mouvement ouvert et rassembleur. Je suis si convaincu de la qualité de ce qui sortira de votre réussite – sans doute le meilleur ! – que j’ai presque hâte d’assister à votre succès.

Mme Le Pen, à la fois épouvantail et faire-valoir bien pratique pour les autres candidats, vous vous préparez à un troisième échec pendant que les couteaux s’affûtent dans votre entreprise familiale. Si je ne craignais encore plus ce qui sortira de votre défaite – sans doute pire que vous, c’est dire ! – j’aurais presque hâte d’assister à votre chute.

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Quelle sinistre pantalonnade ! Entre les clones tristes du néolibéralisme et des identitarismes divers et variés, tous compatibles entre eux, ce mauvais spectacle n’a plus rien de politique. L’histoire est écrite d’avance par des scénaristes en mal d’inspiration. Même la survenue d’un nouveau méchant, censé concurrencer la précédente, largement décrédibilisée, sent le réchauffé. Macron sera réélu tranquillement, sans même avoir besoin de faire campagne. Ses scores seront minables, à l’image de toute cette classe politique. Il obtiendra dans la foulée une large majorité de godillots, grâce à une abstention « historique ». Tout le monde s’en foutra. Et nous repartirons pour cinq ans de plus, à subir la destruction méthodique de notre nation, de notre république, de notre laïcité, de notre modèle social, de nos services publics, de nos solidarités, de notre patrimoine, de notre culture, de notre langue, de nos principes… dans l’indifférence générale d’un peuple atomisé, drogué aux narcotiques du divertissement et vautré dans la culture de l’avachissement. On ne peut décemment plus parler de démocratie quand l’offre politique est à ce point répugnante et que la demande a abdiqué toute volonté. Dans un tel triomphe du nihilisme, il n’y a même plus à faire des non-choix électoraux. Il n’y a plus rien.

Et, surtout, bonne année, n’est-ce pas !

Cincinnatus, 3 janvier 2022

Publié par

Cincinnatus

Moraliste (presque) pas moralisateur, misanthrope humaniste, républicain râleur, universaliste lucide, défenseur de causes perdues et de la laïcité, je laisse dans ces carnets les traces de mes réflexions : philosophie, politique, actualité, culture…

2 réflexions au sujet de “2022 : encore un coup pour rien”

  1. – quelle sera la légitimité d’un président élu avec moins de la moitié de l’électorat qui se rendra aux urnes? Faible, assurément.
    – et après l’oligarchie succède l’ochlocratie, si j’ai bien compris un texte du philosophe Jean-Claude Milner ;
    – les principes républicains sont incompatibles avec le néolibéralisme qui d’ailleurs n’a pas besoin de la politique, seulement d’un État et surtout de son bras policier. L’équilibre se fait tout seul;
    – la science est-elle indépendante de l’industrie ?
    – la techno-science-économie détruit le monde, réduit les humains à des données objectives
    Je rappelle que Macron préfère la « 5G » au « modèle Amish ». Je ne sais ce qu’il voulait dire avec cette comparaison, mais je suis certain que les Amish ne lui ont rien demandé pas plus qu’à nous et qu’ils sont plutôt tatillons avec le milieu dans lequel ils vivent. Arrêtons le progrès ! Il, avance de plus en plus masqué.
    – je crois que la candidature de Zemmour est une candidature à la Coluche dans le droit fil de « La société du spectacle »
    Votre titre « un coup pour rien » est ambigu. Pourquoi s’en mêler alors ? Très pessimiste.
    Cela peut signifier aussi que la démocratie représentative a atteint ses limites, voire qu’il est temps de « remplacer le gouvernement des hommes par l’administration des choses » Il ne suffit pas aux élus d’être honnêtes (cela va de soi) mais aussi courageux

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