Cette gauche d’extrême droite

Les Amants I, René Magritte (1928)

Le clivage gauche-droite demeure important pour beaucoup de Français qui se positionnent spontanément d’un côté ou de l’autre de l’échiquier politique. Et même lorsqu’ils affirment se situer en-dehors, cette topographie politique reste la référence par rapport à laquelle ils se repèrent pour mieux la dénigrer. Paradoxe apparent, cette simplification binaire du paysage politique occupe ainsi une place prépondérante dans l’imaginaire collectif alors que sa pertinence pour décrire aussi bien le jeu des partis que les convictions du peuple est très largement décriée. Pour couronner le tout, cet encombrant clivage gauche-droite sert, enfin, de cache-sexe à des mouvements politiques qui prétendent appartenir à un camp ou à l’autre, nonobstant leurs idées, discours et actions réels.

À « gauche », c’en est caricatural : la revendication d’être « LA vraie gauche », la seule, l’unique, vire à la mauvaise plaisanterie lorsqu’on s’intéresse un petit peu à ce que ces proclamations grandiloquentes – toujours assorties d’anathèmes à l’encontre de tous ceux qui ne pensent pas pareil – dissimulent mal. La vacuité intellectuelle et la sclérose idéologique sont sans doute responsables de la lamentable mascarade à laquelle on assiste depuis quelques années avec cette « gauche coucou » qui squatte la vieille maison désertée par ses précédents occupants. Les nouveaux venus, pour la plupart parfaitement incultes et n’ayant pour les références de la gauche que méconnaissance et mépris, se débarrassent à peu de frais de l’héritage et n’en conservent que l’emballage pour mieux refourguer leur camelote faisandée.

Car il y a manifestement tromperie sur la marchandise dans la confiscation autoritaire du label « de gauche » par les insoumis, les écologistes et tous leurs satellites identitaires (woke, indigénistes, décoloniaux, néoféministes, etc. [1]) qui n’ont, sur bien des sujets, pas grand-chose à voir avec les traditions historiques de la gauche française et beaucoup plus avec celles de l’extrême droite. Et puisqu’ils passent leur temps à traiter tout le monde de « fachos » – il paraît même que je ne suis plus de gauche –, plutôt que de leur appliquer bêtement la même méthode, observons sérieusement combien cette fausse gauche ressemble beaucoup à la vraie extrême droite !

*

La justification des pires moyens par la pureté des fins. Les mensonges, les manipulations, les intimidations, les menaces, la délation et jusqu’à la violence physique se trouvent une légitimité toute jésuitique, déduite des objectifs jugés désirables qu’ils sont censés servir : tous les moyens sont bons – et les plus brutaux ne sont que meilleurs – ; l’antifascisme de salon peut ainsi appliquer sereinement les méthodes les plus fascistes puisque « c’est pour la bonne cause ».

La passion pour la violence. Non seulement les représentants politiques de ces partis ne condamnent pas mais ils montrent surtout une sympathie sincère pour les violences fascisantes des black blocs ou des divers casseurs et émeutiers à qui il ne manque souvent qu’un brassard à leur panoplie de milices ligardes.

L’organisation sectaire. LFI est un mouvement entièrement voué au culte du chef, qui fait fi de toute forme de « démocratie interne », dans lequel toutes les voix à peine divergentes sont sommées de se taire au nom de la discipline partisane, où règne l’omerta et la défense des « camarades » envers et contre tout, et dont les disgrâces sont prononcées autoritairement par le gourou autocrate omnipotent au rythme des purges régulières.

L’ésotérisme antiscientifique. Les dérives sectaires se prolongent dans le rapport superstitieux, voire mystique, à la nature et à l’environnement, et dans la défiance envers la science et la raison – on y préfère bien les sorcières aux ingénieurs.

Le mépris du peuple. Les petits marquis poudrés, issus de l’élite bourgeoise déracinée, honnissent le peuple – jadis souci premier de la gauche – qu’ils caricaturent en un ramassis de beaufs racistes afin de mieux se faire passer pour les défenseurs des opprimés – rôle de composition qu’ils surjouent ad nauseam.

Le complotisme paranoïaque. Dans une formidable acrobatie dialectique, tout échec devient la démonstration éclatante que des forces occultes manipulent les masses pour empêcher l’advenue au pouvoir du Camp du Bien© ; de même, toute critique, surtout si elle vient d’un média, est nécessairement télécommandée par de puissants adversaires aux intérêts inavouables – et de cligner de l’œil d’un air entendu.

Le combat contre la liberté d’expression. Faire taire les adversaires et les journalistes qui ne démontrent pas dûment leur obséquieuse connivence, interdire les critiques, intimider les opposants et défendre les assassins de dessinateurs : beau programme, n’est-ce pas ?

Les provocations. Quand il s’agit de ridiculiser l’autre, ceux-là mêmes qui s’offusquent de la moindre caricature à leur égard n’hésitent pas un instant à sortir l’« humour » de mauvais goût et les jeux de mots que n’aurait pas reniés Jean-Marie Le Pen.

La fabrication de boucs émissaires. Toujours trouver des coupables expiatoires, des catégories à livrer à la vindicte des fans – pardon : des militants –, des individus sur lesquels concentrer ses traits, des dos auxquels coller des cibles… journalistes, riches, blancs, hommes, hétérosexuels, juifs, policiers, vieux, automobilistes, golfeurs, amateurs de barbecue… la liste est infinie des boucs émissaires à sacrifier en public afin de mieux se faire passer, par contraste, pour ce que l’on n’est pas – des parangons de vertu – ; poussés par une détestable passion de la discorde, ils cherchent activement à monter les uns contre les autres, à « tout conflictualiser », comme l’a théorisé Jean-Luc Mélenchon lui-même, en somme : à fracturer la nation [2].

La novlangue totalitaire. Entre circonlocutions faussement savantes et inversion systématique du sens des mots [3], ils ont parfaitement lu leur 1984 et leur LTI pour mieux manipuler la langue – et surtout la massacrer !

Le besoin de gouverner la vie privée. Les nouveaux inquisiteurs, n’ayant aucun intérêt pour les questions sociales, se passionnent pour le sociétal et ce qui se passe dans la vie privée (et surtout intime) des individus ; ils ne rêvent que de régenter tous les comportements, de la cuisine à la chambre à coucher, et d’entrer dans nos cerveaux pour contrôler jusqu’à nos pensées – car si nous ne pensons pas comme eux, c’est que nous pensons mal.

La vision du monde manichéenne. C’est pourtant simple, nous expliquent-ils : d’un côté les Gentils (ceux qui sont d’accord ou leur ressemblent), de l’autre les Méchants (tous les autres) ; et peu importe que cette dichotomie ressemble étrangement à une version cour de récré de la division entre amis et ennemis de Carl Schmitt.

L’essentialisation. Assigné à résidence identitaire, l’autre n’existe qu’au travers de la catégorie à laquelle il est ramené de gré ou de force : chacun se voit ainsi catalogué, étiqueté, réduit à ses origines réelles ou imaginaires, enfermé dans une identité figée, imposée et surtout unidimensionnelle ; il doit se comporter exclusivement comme on l’attend de lui, en fonction de cette appartenance tribale supposée et imposée – ceux qui s’y refusent étant rejetés dans l’infamie de la trahison à sa communauté.

L’antisémitisme. Certes, il a toujours existé un antisémitisme « de gauche » – alors que celui de droite voit dans les juifs des étrangers, celui « de gauche » y voyait le parti de l’argent – mais cet antisémitisme prétendument anticapitaliste s’hybride dorénavant à celui, islamiste, qui amalgame le peuple juif à Israël et à toutes les calomnies colportées par ses ennemis ; il suffit ainsi de prendre prétexte de la situation au Proche-Orient et de se déclarer « antisioniste » pour déverser consciencieusement sa haine obsessionnelle et participer à la curée antisémite sans borne qui déferle partout depuis le terrible pogrom du 7 octobre dernier : tout en prétendant que la liberté d’expression est menacée parce qu’ils seraient empêchés de s’exprimer, des dirigeants politiques, des militants et des anonymes prétendument de gauche dégueulent sur les réseaux dits sociaux et dans les rues des grandes villes occidentales les pires mensonges, les pires clichés, inversent sciemment bourreaux et victimes, romantisent les massacres, les viols et les enlèvements par les terroristes du Hamas qu’ils osent comparer à la Résistance et n’ont aucune honte à scander des slogans génocidaires… toutes les digues de la décence semblent avoir sauté.

Le racialisme. Des associations « antiracistes » n’ont que le mot « race » à la bouche, en saturent le débat public et ne perçoivent les individus que selon leur position sur le nuancier Pantone ; la gauche Gobineau, gavée de sociologie aussi scientifique que l’astrologie, s’enorgueillit de fréquenter et d’inviter ostensiblement les militants indigénistes et décoloniaux, les faux artistes et vrais racistes, les théoriciens et propagateurs de haine, les bourreaux d’apostats et de métis ; au nom du Bien et de la Justice, ils promeuvent l’apartheid – que, dans leur novlangue, ils appellent « non mixité » – et associent la valeur humaine au taux de mélanine.

La réécriture de l’histoire. Les identitaires dits de gauche, biberonnés aux délires à la mode sur les campus anglo-saxons, n’ont aucune culture et confondent allègrement les histoires singulières de pays différents ; ainsi peuvent-ils importer sans ciller des combats d’autres lieux, d’autres temps et d’autres cultures pour mieux fractionner la nation française.

La misogynie et l’homophobie. Sous couvert de féminisme (encore une inversion de la novlangue), transactivistes et autres intersectionnels mènent de violentes campagnes d’intimidation et de diffamation contre les femmes et les homosexuels qui refusent d’être les victimes de leur négation du réel ; s’y ajoute l’hypocrisie de tous les néoféministes, très empressés de combattre le « patriarcat » là où il est insignifiant, mais aveugles à celui qui s’étale pourtant sous nos yeux dans les « quartiers » et dans les pays aux mains des islamistes, où les femmes sont voilées ou violées, les fillettes excisées, les homosexuels pourchassés et balancés du haut des immeubles… : cette lutte différenciée fait d’eux les meilleurs alliés de l’asservissement de la femme par les ligues de vertu, dont le puritanisme convient en vérité très bien aux brigades de répression du vice et de promotion de la vertu de nos obsédés du slibard.

La soumission à la religion. L’alliance explicite avec les religieux les plus orthodoxes et orthopraxes et le soutien à peine voilé aux figures de l’islamisme montrent bien que cette gauche-là a cessé de bouffer les curés pour mieux sucer les imams.

La destruction de la laïcité. Obstacle à toute volonté d’importer les religions dans le champ politique, la laïcité est dans le viseur des nouveaux concordataires, bien plus proches des ultramontains que de Jaurès.

Les attaques contre l’universalisme. Les revendications de droits catégoriels et confessionnels contre la loi commune sapent la cohésion nationale.

La justice expéditive. Les procès expéditifs menés sur délation par des militants qui s’improvisent procureurs, juges et bourreaux démontrent une conception privative et viciée de la justice, une instrumentalisation de la présomption d’innocence et un rejet de l’État de droit.

La haine viscérale de la République. L’État et ses institutions, calomniés en des slogans odieux (« racisme d’État », « tout le monde déteste la police »…), profanés jusque dans l’Hémicycle, subissent des attaques d’une violence digne des pires factions antirépublicaines.

La stratégie du pourrissement. Déjà sèchement battue dans les urnes à chaque élection – malgré ses dénégations et ses interprétations fantasmées du réel – et incapable de parvenir au pouvoir légalement, cette « gauche » espère la victoire de Marine Le Pen afin de se débarrasser de la République et de s’imposer par la force et la violence.

L’antipatriotisme de collabos. La servile allégeance de cette « gauche » envers des régimes autoritaires et corrompus de puissances étrangères qui combattent ouvertement les intérêts de la France (Russie en tête, mais aussi Iran, Qatar, etc.) fait de ses représentants des traîtres à la patrie qui devraient immédiatement comparaître devant un tribunal et être jugés pour intelligence avec l’ennemi.

*

Woke : chemise brune à fleurs.

Si le dixième de ce qu’ils disent et font était dit ou fait par des représentants de l’extrême droite officielle, nous serions ensevelis sous les pétitions bien-pensantes de tous les intellectuels germanopratins, nous subirions chaque week-end des manifestations de République à Nation où seraient scandés les slogans éculés du « plus jamais ça », nous endurerions les envolées mal contrôlées de psittacisme façon « les heures sombres » et « la bête immonde », « fasciste » et « nazis » feraient la une de tous les journaux du Camp du Bien©, etc. Sauf que là, ça vient de ce même camp… alors ils ont le droit d’employer les mots et les méthodes de l’extrême droite, ils ont le droit d’en avoir les idées et les comportements. L’entourloupe de nos prestidigitateurs politiques s’avère donc très simple : pour avoir le droit d’être d’extrême droite, il suffit de prétendre être de gauche !

C’est d’autant plus facile qu’accuser l’autre d’être d’extrême droite, réac, facho, nazi… est devenu le principal procédé rhétorique de cette « gauche ». Tout ce qui n’est pas comme elle, tous ceux qui ne sont pas d’accord avec elle tombent dans cette catégorie fourre-tout qui permet très opportunément de faire basculer un adversaire politique dans la catégorie de l’ennemi afin de ne pas avoir à discuter, débattre ni argumenter avec lui. Il y a dans cette disqualification calomnieuse comme une nostalgie du fascisme qui donnerait une légitimité à ces antifascistes de salon. Comme un frisson anachronique à diaboliser le RN, descendant des partis d’extrême droite mais dont l’appartenance réelle, aujourd’hui, à cette famille honnie est devenue à tout le moins discutable.

En effet, le parti de Marine Le Pen ressemble bien plus à un parti « attrape-tout » qui fournit des réponses souvent démagogiques et contradictoires aux différents segments de la population, le tout sur un substrat idéologique à forte dominance néolibérale mâtinée d’identitarisme de droite. Dans tous les cas, on est quand même bien loin de l’Action française, des Croix de feu ou des ligues des années 1930. Je n’ai pour ma part aucune sympathie pour ce parti qui, au pouvoir, mènerait sans aucun doute une politique peu différente de celles de Sarkozy ou Macron, en plus dure encore pour les services publics, pour les classes populaires et moyennes, et pour la majorité des Français ; mais je pense que le diaboliser dans des réflexes pavloviens ne sert qu’à encourager les Français à voter pour lui et que, au contraire, il faut le combattre pour ce qu’il est, et non pour ce qu’on aimerait qu’il soit [4].

L’offre politique laisse de côté une grande partie des citoyens. L’aile droite est saturée par un parti attrape-tout qui triangule en singeant des postures sociales de gauche (RN), un parti de droite qui s’enfonce dans les abysses de la vacuité (LR) et une nébuleuse qui se dit centriste mais rassemble la grande famille néolibérale (macronie). Quant à l’aile gauche, elle est occupée par des formations politiques dont la vraie place serait à l’extrême droite (et je ne parle même pas du PS dont j’ai largement évoqué les lamentables vicissitudes il y a peu).

Nous sommes les héritiers de Gambetta, Clemenceau, Jaurès, Blum, Mendès France, alors qu’ils sont ceux de Laval et Doriot.

Entre d’une part les identitaires de droite et de fausse gauche, toujours alliés objectifs dans leur volonté de faire sombrer la nation dans la guerre civile, et les néolibéraux d’autre part, nous autres, républicains, ne sommes représentés par personne. Et, au-delà de notre famille de pensée politique, c’est une immense part du peuple qui se sent exclue du jeu politique.

Cincinnatus, 18 mars 2024


[1] Pour un portrait de famille, voir : « Cinquante nuances d’identitaires ».

[2] Pour illustrer cette utilisation cynique et sans scrupule des boucs émissaires, il n’est qu’à voir la récente campagne de publicité lancée à l’occasion des élections européennes, qui a vu s’afficher, dans une communication odieuse, des catégories honnies de la population (« les riches votent, et vous ? », « les golfeurs votent, et vous ? »…) et jusqu’aux noms et visages de personnalités politiques ou médiatiques ouvertement présentées comme des ennemis à abattre.

[3] Il n’y a d’ailleurs rien de plus soumis – au chef, au parti, à l’idéologie, aux islamistes… – qu’un « insoumis », rien de plus dangereux pour la planète qu’un « écologiste ». Et certes, la droite a ouvert le bal en nommant Les Républicains un parti qui, depuis longtemps, n’a plus grand-chose à voir avec la pensée ni la tradition républicaines.

[4] Voir le billet « RN : la grande illusion ».

Publié par

Cincinnatus

Moraliste (presque) pas moralisateur, misanthrope humaniste, républicain râleur, universaliste lucide, défenseur de causes perdues et de la laïcité, je laisse dans ces carnets les traces de mes réflexions : philosophie, politique, actualité, culture…

3 réflexions au sujet de “Cette gauche d’extrême droite”

  1. Cher Cinci

    Merci pour ce billet que j espérais.
    Une vraie question subsiste pour moi : la gauche en général n’est-elle pas nativement vouée à être mensongère, hypocrite, moralisatrice mais immorale et finalement dictatoriale ?

    Est-ce qu’elle n’est pas nativement du même bois que la véritable extrême droite ? (Celle qui fait par exemple et ce n’est qu’un exemple se réunir contre Israël et en fait contre les Juifs des gens aussi minables que les Verhaeghe et Husson du Courrier des stratèges, de Vulpillière, Asselineau, Soral, Di Vizio et sa bande de fans et toute l’extrême gauche en n’oubliant hélas ni Faure ni Roussel).

    Vous montrez parfaitement en quoi l’extrême gauche est similaire à l’extrême droite véritable. Je crains que, dès le départ, l’ambition humaniste des gens de gauche, en général, n’ait été viciée. Je le crains d’autant plus que j’ai voté à gauche de mes 18 à mes 45 ans et que, face au désastre que pourtant je voyais se profiler dès la réforme Jospin en 1988-89, j’éprouve plus qu’un remords : un vertige.

    Je vous serais reconnaissante de m’indiquer des lectures qui pourraient m’éclairer.

    Cordialement,

    Marie

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  2. Il faut savoir que les notions de « gauche » et de « droite » n’ont cessé, depuis leur apparition qui remonte à seulement un peu plus de deux siècles, de recouvrir des divisions qui n’ont cessé, elles non plus,  de se modifier : nous avons toujours tendance à penser le présent en fonction des catégohries d’hier, à raisonner dans l’anachronisme.

    1) Premier critère : on sait que le terme remonte aux États généraux de 1789, et dérive de l’endroit où s’asseyaient les groupes ; à l’époque, la gauche représentait le parti du mouvement, du changement (par la réforme ou la révolution), de l’action, alors que la droite représentait le parti de la conservation (conservatisme) de l’ordre établi, de la réaction au changement (réactionnaires).
    Aujourd’hui, à l’inverse, on peut dire que la droite, avec la mondialisation et la globalisation imposées par Reagan et Thatcher, a effectué une vraie révolution, un vrai changement économique et politique de la planète, face auquel la gauche, qui n’a toujours pas trouvé de parade efficace, se retrouve dans une position de défense des avantages acquis qui sont progressivement grignotés, de conservation de l’état du monde d’il y a 30 ans : le mouvement et l’initiative ont changé de camp.

    2) Deuxième critère : la gauche, en France, à ses origines (Révolution Française), s’est identifiée au patriotisme, parce qu’attaquée par toutes les monarchies européennes : levée en masse, conscription, soldats de l’an II, la Marseillaise (Allons enfants de la Patrie), etc. ; puis, avec le socialisme, virage à 180 degrés : la gauche défend l’internationalisme prolétarien, la droite s’identifiant alors, au contraire, au nationalisme, à la xénophobie, à la lutte contre l’anti-France (expression qui désigne à la fois la gauche et l’étranger).
    Nouveau virage à 180 degrés avec la mondialisation : c’est la droite qui devient l’internationaliste, la gauche qui défend ses acquis par le seul outil politique capable de le faire, la Nation, et qui fustige la ploutocratie apatride. Les prolétaires des pays riches et ceux des pays pauvres ont des intérêts aujourd’hui radicalement divergents, l’amélioration de la condition des seconds se faisant aux dépens de celle des premiers (délocalisations). Une telle divergence des intérêts des prolétariats de différents pays avait déjà existé, à moindre échelle, avec cette autre forme d’internationalisation qu’était le colonialisme.

    3) Troisième critère : sous la Révolution Française, la gauche défendait les libertés : d’expression, d’opinion, de la presse, de vote au suffrage universel, face à l’absolutisme royal … avant de changer une nouvelle fois radicalement, avec une certaine conception du marxisme où ces mêmes libertés sont condamnées par une partie de la gauche, qui les qualifiera de bourgeoises (dictature du prolétariat, parti unique en URSS, etc.) dont on trouve encore des relents dans les appels aux manifestations de rue contre les décisions des gouvernements issus du suffrage universel.

    Bref, la notion de gauche, qui semble aller de soi, renvoie à des positions radicalement différentes et même franchement opposées entre elles selon les époques.

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