Généalogies de l’état civil – 2. Le contrat social selon Hobbes, Locke et Rousseau

Hobbes Locke RousseauSi l’état de nature est toujours présenté comme une hypothèse dans laquelle les hommes vivent en-dehors de tout rapport civil, alors se pose la question : comment est-on passé de cet état à l’état civil que l’on connaît ? La théorie du contrat social apporte la réponse à ce problème. Pour ses premiers penseurs, elle est d’abord destinée à combattre et à remplacer la doctrine du droit divin dans laquelle le pouvoir politique prend son origine en Dieu. En établissant que le fondement de l’autorité se trouve non plus dans une transcendance mais dans la libre acceptation contractuelle des sujets d’obéir au souverain, la théorie du contrat social ouvre la voie à l’expression des libertés individuelles face au Prince, dorénavant soumis à des devoirs inscrits dans le pacte (et porte donc en elle le droit de résistance). Portant, la théorie du contrat social peut aussi servir de justification à l’absolutisme du souverain monarque (Hobbes), ou à la souveraineté populaire d’une République (Rousseau). Chaque auteur conçoit donc sa version, en variant les contractants et les termes du contrat, afin de légitimer ses propres vues sur la nature et l’étendue du pouvoir politique.


Sommaire
Jurisconsultes du droit naturel : le pacte de soumission
Hobbes : le contrat social au service de l’absolutisme
Locke : liberté individuelle et droit de résistance
Rousseau : la souveraineté des citoyens
– Le contrat social
– La liberté civile
– La volonté générale


Jurisconsultes du droit naturel : le pacte de soumission

Derrière une théorie du contrat social, il y a une théorie de la souveraineté. C’en est même l’objet principal. Pour les jurisconsultes de l’école du droit naturel, toujours contre les théologiens partisans de l’origine divine du pouvoir civil, les hommes aliènent leur liberté, comme ils le font de n’importe quel bien en leur propriété, et transmettent l’autorité à un prince qui devient par ce fait le seul souverain de l’État. Que ce pacte soit imposé par le vainqueur à la suite d’une conquête ou qu’il soit volontairement passé entre des individus qui s’unissent et décident de se soumettre à une autorité commune dans le but de mettre fin à l’état d’anarchie dans lequel l’état de nature a sombré, ses termes demeurent les mêmes. Comme l’explique très clairement Robert Derathé : « par le pacte de soumission les particuliers se dépouillent d’une partie de leur liberté naturelle en faveur du souverain ou de l’assemblée souveraine. C’est cette aliénation qui donne naissance à la souveraineté, sans qu’il soit nécessaire de supposer que ceux qui la détiennent la reçoivent de Dieu même. »

Le modèle d’un tel contrat est le pacte d’esclavage par lequel un esclave se donne un maître ; le roi possède donc un pouvoir sur ses sujets équivalent à celui du maître sur ses esclaves. Locke puis, plus puissamment encore, Rousseau s’élèveront contre cette inspiration du contrat social par le pacte d’esclavage. Le premier n’accorde pas à l’homme le droit de se vendre lui-même comme esclave à un maître car, comme il n’a aucun droit sur sa propre vie en vertu de la loi de nature, il n’en a pas plus sur sa liberté [1]. Le second, lui aussi, dénie à l’homme le droit d’aliéner sa liberté ou sa vie… mais Rousseau va plus loin dans son raisonnement en observant que c’est précisément à ce point que s’effondre toute la théorie des jurisconsultes puisqu’un contrat qui n’apporte un profit qu’à un seul contractant n’a aucune valeur et ne peut instituer aucune autorité légitime [2]. Et d’accuser violemment Grotius et Barbeyrac de ne rien épargner pour « dépouiller les peuples de tous leurs droits et pour en revêtir les rois avec tout l’art possible [3]. »

Quant à Hobbes, sa critique à l’encontre des théories des jurisconsultes porte sur une autre zone d’ombre de leur démonstration : le droit de résistance. En effet, la doctrine du droit divin défendue par les théologiens postule que l’obéissance au pouvoir civil découle directement de l’obéissance due à Dieu ; par conséquent, s’opposer au pouvoir civil, c’est se rebeller contre Dieu. Une telle soumission sans réserve est insupportable aux jurisconsultes du droit naturel, même aux plus absolutistes comme Grotius ou Pufendorf, qui défendent tous dans leur modèle une forme de droit de résistance pour le peuple. Ce droit apparaît comme une conséquence logique de conceptions du pacte social qui supposent un contrat entre le souverain et le peuple. Or un tel contrat pose le problème de l’arbitrage en cas de conflit entre les deux contractants. Comment soutenir à la fois que le roi est le seul et unique souverain et que le peuple a le droit de lui résister ? Où se trouve la souveraineté en cas de conflit ? Qui peut juger de l’injustice subie par le peuple auquel on accorde le « droit de résistance » ? Qui peut décider de la légitimité de sa révolte ? Confier la souveraineté absolue au monarque tout en laissant au peuple le droit de résistance, Hobbes a quelques bonnes raisons de souligner la contradiction profonde dans le système des jurisconsultes.

Hobbes : le contrat social au service de l’absolutisme

Pour résoudre cette difficulté, Hobbes imagine un dispositif bien plus fin pour ce pacte qui fait sortir l’homme de l’état de nature et instaure l’état civil, et, s’il utilise lui aussi la théorie du contrat social pour légitimer le pouvoir monarchique absolu, il réussit à éviter les écueils sur lesquels s’échouent ses prédécesseurs de l’école du droit naturel.

La nécessité du passage du contrat résulte très logiquement de la situation misérable dans laquelle se trouve l’homme dans l’état de nature hobbesien. Comme Locke et Rousseau plus tard, Hobbes distingue les motifs de l’association, d’ordre psychologique, et le pacte qui la réalise, d’ordre juridique : dans l’état de guerre de chacun contre tous, la peur de la mort violente pousse les individus à chercher dans le contrat la sécurité qui leur fait défaut. Cependant, pour lier les hommes entre eux et au souverain, Hobbes imagine non plus un pacte unique, mais une série de contrats entre chacun et tous. Le principe est « j’accepte de renoncer à ma liberté au profit de X si tu en fais autant ». Ces pactes mutuels d’association, à l’origine de la société civile, font s’engager chaque individu avec tous les autres pour aliéner sa liberté à un individu (ou une assemblée) unique, sans faire apparaître le souverain comme contractant. Dans les termes mêmes de l’auteur :

désigner un homme, ou une assemblée d’hommes, pour porter leur personne ; et chacun fait sienne et reconnaît être lui-même l’auteur de toute action accomplie ou causée par celui qui porte leur personne, et relevant de ces choses qui concernent la paix commune et la sécurité ; par là même, tous et chacun d’eux soumettent leurs volontés à sa volonté, et leurs jugements à son jugement. C’est plus que le consentement ou la concorde ; il s’agit d’une unité réelle de tous en une seule et même personne, faite par convention de chacun avec chacun, de telle manière que c’est comme si chaque individu devait dire à tout individu : j’autorise cet homme ou cette assemblée d’hommes, et je lui abandonne mon droit de me gouverner moi-même, à cette condition que tu lui abandonnes ton droit et autorises toutes ses actions de la même manière. Cela fait, la multitude, ainsi unie en une personne une, est appelée un ÉTAT, en latin CIVITAS. Telle est la génération de ce grand LÉVIATHAN, ou plutôt (pur parler avec plus de déférence) de ce dieu mortel, auquel nous devons, sous le dieu immortel, notre paix et notre défense. En effet, en vertu du pouvoir [authority] conféré par chaque individu dans l’État, il dispose de tant de puissance et de force assemblées en lui que, par la terreur qu’elles inspirent, il peut conformer la volonté de tous en vue de la paix à l’intérieur et de l’entraide face aux ennemis de l’étranger. En lui réside l’essence de l’État qui est (pour le définir) une personne une dont les actes ont pour auteur, à la suite de conventions mutuelles passées entre eux-mêmes, chacun des membres d’une grande multitude, afin que celui qui est cette personne puisse utiliser la force et les moyens de tous comme il l’estimera convenir à leur paix et à leur défense commune.

Celui qui est dépositaire de cette personne est appelé SOUVERAIN et l’on dit qu’il a la puissance souveraine ; en dehors de lui, tout un chacun est son SUJET. [4]

Le passage correspondant dans le De Cive (Du Citoyen) explicite encore mieux les termes du contrat :

chaque citoyen contractant avec chaque autre citoyen dit ceci : je transfère donc mon droit à celui-ci à condition que toi, tu lui transfères le tien. De là vient que le droit que chacun avait d’employer ses forces à son propre bénéfice est totalement transféré à un certain homme ou à une certaine assemblée pour le bénéfice commun. Ainsi, du fait des pactes contractés par lesquels chacun s’oblige envers chacun et de la cession de droit qu’ils se sont obligés, envers le souverain, à respecter, le pouvoir se trouve assuré grâce à une double obligation des citoyens, l’une à l’égard de leurs concitoyens, l’autre à l’égard du souverain. Les citoyens, si nombreux qu’ils soient, ne peuvent donc légitimement dépouiller le souverain de son pouvoir sans le propre accord de celui-ci. [5]

Le souverain reçoit donc de tous ces pactes le pouvoir de tous les sujets comme un don, sans avoir à promettre quoi que ce soit en échange. N’étant lié par aucun pacte, son pouvoir est absolu. Les sujets ont en revanche une obligation réciproque à l’égard des autres et unilatérale à l’égard du souverain : ils lui doivent obéissance. Le souverain est censé assurer la sécurité des sujets puisque c’est dans ce but qu’ils lui ont transféré tout leur droit à se gouverner eux-mêmes, mais il n’y est obligé en rien. Il ne le fera que parce que c’est dans son intérêt de le faire.

Locke : liberté individuelle et droit de résistance

Parmi les axiomes communs à tous les penseurs de l’état de nature et du contrat social, l’un des plus importants affirme que, les hommes étant libres et égaux naturellement, aucun n’a d’autorité légitime sur les autres. C’est lui qui justifie la forme même du contrat social puisque toute autorité trouve son fondement dans une convention. Si, ensuite, les jurisconsultes ou Hobbes décrivent l’aliénation de la liberté naturelle, Locke ne les suit pas et reste viscéralement attaché au maintien de cette liberté individuelle.

Dans sa conception en effet, l’état de paix consécutif de la loi naturelle est général bien qu’il existe des conflits qui nécessitent l’arbitrage d’une autorité tierce. Il s’agit donc de passer d’un état de nature dans lequel les hommes sont seuls juges en leur conscience du tort qui leur est fait à eux ou aux autres, à un état dans lequel la collectivité prend en charge l’arbitrage afin de pallier la subjectivité de la multitude.

Par conséquent, chaque fois qu’un certain nombre d’hommes sont ainsi réunis en une seule société, qu’ils renoncent, chacun pour son compte, à leur pouvoir de faire exécuter la loi de nature et le cèdent au public, là et là seulement, il existe une société politique ou civile. Et ceci se produit toutes les fois qu’un certain nombre d’hommes qui vivent dans l’état de nature, entrent en société pour former un seul peuple, un seul corps politique soumis à un seul gouvernement suprême ; ou encore, lorsque chacun pour lui-même s’incorpore et se joint à un gouvernement déjà existant. Car, par là même il autorise la société ou, ce qui revient au même, son législatif, à faire des lois qui s’appliqueront à lui selon que le bien public de la société l’exigera ; et sa propre assistance sera requise (conformément à ses propres décisions) pour l’exécution de ces lois. Ce qui fait que les hommes sortent de l’état de nature et entrent dans une république, c’est donc l’institution, ici-bas, d’un juge investi de l’autorité de trancher toutes les controverses et de réparer les torts susceptibles d’être faits à tous les membres de la communauté : ce juge, c’est le législatif, ou les magistrats qu’il nomme. Et toutes les fois qu’un certain nombre d’hommes, quelle que soit la manière dont ils sont associés, ne disposent pas d’un tel pouvoir ultime auquel ils puissent faire appel, ils demeurent dans l’état de nature. [6]

Locke imagine un contrat social entre les individus souhaitant entrer en communauté et qui s’accordent pour donner leurs droits à la majorité : c’est cette règle de la majorité qui est la base du pacte social.

Par conséquent, on doit supposer que tous ceux qui sortent de l’état de nature pour former une communauté abandonnent entre les mains de la majorité tout le pouvoir qui est nécessaire pour atteindre les finis en vue desquelles ils s’unissent en société, à moins que l’on ne soit expressément convenu d’un quantum supérieur à la majorité. Cet abandon se fait par la seule convention de s’unir pour former une société politique ; c’est le seul contrat qui ait lieu et qui soit nécessaire entre des individus qui entrent dans une république ou en créent une nouvelle. Ainsi, ce qui commence une société politique et qui la constitue effectivement, ce n’est rien d’autre que l’acte par lequel un certain nombre d’hommes libres, qui sont disposés à accepter le principe de majorité, consentent à s’unir et à former un corps pour constituer une telle société. C’est cela et cela seul, qui a pu ou qui pourrait encore donner naissance à un gouvernement légitime dans le monde. [7]

Lors du passage à l’état civil, les lois positives ont pour fonction d’assurer aux hommes la jouissance paisible de leurs droits individuels, c’est-à-dire de prolonger et de renforcer la loi naturelle. Offrir l’optimum à la fois de sécurité et de liberté des citoyens implique un périmètre aussi restreint que possible de l’État, chargé seulement de protéger les libertés individuelles sans se mêler de rien d’autre. Ce n’est donc pas seulement à la souveraineté du Léviathan hobbesien que Locke s’attaque, mais aussi à la souveraineté du peuple. La pensée de Locke est entièrement tournée vers l’individu et la limitation la plus stricte possible de toute forme de souveraineté autre qu’individuelle – raison pour laquelle Locke se fait à ce point le défenseur du droit de résistance… sans tomber toutefois dans les apories que Hobbes a raison d’exposer dans les théories du contrat social des jurisconsultes du droit naturel (quelle autorité peut juger un différend entre le peuple et le souverain ?). En effet, Locke n’accorde au roi qu’un statut d’administrateur dont le mandat peut être retiré lorsque le peuple le juge nécessaire… quitte, en dernier recours, à « en appeler, comme le fit Jephté, au juge suprême » :

En outre, cette question (Qui sera juge ?) ne peut pas signifier qu’il n’existe aucun juge. Car, lorsqu’il n’y a aucune juridiction sur terre pour trancher les différends entre les hommes, c’est le Dieu du ciel qui est juge. Lui seul, en vérité, est juge de ce qui est droit. Mais, dans le cas dont il s’agit comme dans tous les autres, chaque homme doit juger par lui-même si quelqu’un s’est mis en état de guerre avec lui, et s’il doit en appeler, comme le fit Jephté, au juge suprême.

Dès lors, si un différend surgit entre un Prince et quelques-uns de ses sujets sur un point où la loi est silencieuse ou équivoque, et si l’affaire est de grande conséquence, je serais porté à croire que, dans ce cas, c’est au corps du peuple qu’il convient d’être arbitre. Dans les cas où l’on s’est remis en confiance à la décision du prince, ce dernier est dispensé des règles ordinaires de la loi ; mais si, dans ce genre d’affaires, certains s’estiment lésés et pensent que le prince agit en contradiction avec la mission qui lui a été confiée, ou qu’il l’outrepasse, qui sera mieux qualifié que le corps du peuple (qui, initialement, lui a confié cette mission) pour juger jusqu’où il eut l’intention de l’étendre ? Mais si le prince ou quelque autre agent de l’administration récuse cette manière de trancher le différend, il n’y a plus alors de recours qu’au ciel. L’usage de la force, soit entre des personnes qui ne reconnaissent aucun supérieur sur terre, soit dans les cas où ce recours à un juge sur terre est impossible, est à proprement parler un état de guerre ; il n’y existe plus de recours qu’au ciel et, dans cet état, la partie lésée doit juger par elle-même si elle croit bon d’user de ce recours et de mettre en lui sa confiance. [8]

Le droit de résistance, par la possibilité ultime laissée à chaque individu de « faire appel au Ciel » porte donc en lui potentiellement l’évanouissement de la société et le retour à un état de guerre. Le système de Locke se montre d’une cohérence lucide, la liberté individuelle primant sur toute autre considération.

Rousseau : la souveraineté des citoyens

Le contrat social

Rousseau, enfin, prend volontairement le contrepied de tous les autres théoriciens du contrat social.
D’abord parce qu’il est le premier à militer explicitement pour la souveraineté populaire et la République. Sa conception de la souveraineté ne souffre aucune demi-mesure : la seule légitime appartient au peuple et à lui seul ; le seul État légitime est celui dans lequel la souveraineté est exercée par le peuple et lui seul : c’est la République, seul véritable régime de liberté civile.
Ensuite parce qu’après avoir critiqué toutes les formes de contrat social proposées par ses prédécesseurs, il échafaude, pour fonder cette souveraineté, une construction intellectuelle originale, destinée non seulement à éviter les écueils sur lesquels ont échoué les autres modèles, mais surtout à transcrire dans la dimension politico-juridique sont objectif philosophique : assurer la liberté des citoyens par la souveraineté, inaliénable et indivisible, du peuple.

Le pacte social ne peut en aucun cas être comparable aux autres contrats en société : il doit être d’une nature radicalement différente. Rousseau rejette donc les inspirations par les pactes de soumission ou d’esclavage, de même que les pactes entre individus à la manière de Hobbes, et imagine plutôt un contrat entre chaque individu et le peuple, c’est-à-dire le corps qu’ils vont devenir avec le contrat. C’est une promesse entre une personne morale – le corps du peuple qui est le souverain et auquel le contrat donne naissance – et les particuliers, qui porte sur l’aliénation totale de chaque associé avec tous ses droits à toute la communauté. La démonstration vaut d’être suivie dans son ampleur :

« Trouver une forme d’association qui défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun s’unissant à tous n’obéisse pourtant qu’à lui-même et reste aussi libre qu’auparavant ? » Tel est le problème fondamental dont le contrat social donne la solution.

Les clauses de ce contrat sont tellement déterminées par la nature de l’acte, que la moindre modification les rendroit vaines et de nul effet ; en sorte que, bien qu’elles n’aient peut-être jamais été formellement énoncées, elles sont par-tout les mêmes, par-tout tacitement admises et reconnües ; jusqu’à ce que, le pacte social étant violé, chacun rentre alors dans ses premiers droits et reprenne sa liberté naturelle, en perdant la liberté conventionnelle pour laquelle il y renonça.

Ces clauses bien entendues se réduisent toutes à une seule, savoir l’aliénation totale de chaque associé avec tous ses droits à toute la communauté : Car premièrement, chacun se donnant tout entier, la condition est égale pour tous, et la condition étant égale pour tous, nul n’a intérêt de la rendre onéreuse aux autres.

De plus, l’aliénation se faisant sans réserve, l’union est aussi parfaite qu’elle peut l’être et nul associé n’a plus rien à réclamer : Car s’il restoit quelques droits aux particuliers, comme il n’y auroit aucun supérieur commun qui pût prononcer entre eux et le public, chacun étant en quelque point son propre juge prétendroit bientôt l’être en tous, l’état de nature subsisteroit et l’association deviendroit nécessairement tyrannique ou vaine.

Enfin chacun se donnant à tous ne se donne à personne, et comme il n’y a pas un associé sur lequel on n’acquière le même droit qu’on lui cède sur soi, on gagne l’équivalent de tout ce qu’on perd, et plus de force pour conserver ce qu’on a.

Si donc on écarte du pacte social ce qui n’est pas de son essence, on trouvera qu’il se réduit aux termes suivants. Chacun de nous met en commun sa personne et toute sa puissance sous la suprême direction de la volonté générale ; et nous recevons en corps chaque membre comme partie indivisible du tout.

À l’instant, au lieu de la personne particulière de chaque contractant, cet acte d’association produit un corps moral et collectif composé d’autant de membres que l’assemblée a de voix, lequel reçoit de ce même acte son unité, son moi commun, sa vie et sa volonté. Cette personne publique qui se forme ainsi par l’union de toutes les autres prenoit autrefois le nom de Cité, et prend maintenant celui de République ou de corps politique, lequel est appelé par ses membres État quand il est passif, Souverain quand il est actif, Puissance en le comparant à ses semblables. À l’égard des associés ils prennent collectivement le nom de peuple, et s’appellent en particulier Citoyens comme participans à l’autorité souveraine, et Sujets comme soumis aux lois de l’État. Mais ces termes se confondent souvent et se prennent l’un pour l’autre ; il suffit de les savoir distinguer quand ils sont employés dans toute leur précision. [9]

La conception du contrat chez Rousseau et le choix qu’il fait de le voir établi entre les particuliers et le peuple en corps pose toutefois le problème de l’arbitrage d’un éventuel conflit. Le contrat social étant un pacte exceptionnel réalisé entre une collectivité qui prend un engagement avec tous ses membres individuellement, la volonté de l’État est la volonté générale, ses actes sont exclusivement législatifs et généraux : ils se portent sur tous les citoyens en général et aucun en particulier (j’y reviens dans un instant). Si l’État pouvait léser un seul individu, il les lèserait tous, ce qu’il ne peut faire puisqu’il se nuirait ainsi à lui-même : ce serait une contradiction avec son fondement, donc sa propre destruction, l’anéantissement du corps du peuple et finalement le retour à l’état de nature. Le corps du peuple ne peut donc manquer au pacte qu’il a établi avec chaque particulier, seuls ceux-ci peuvent le faire. En cas de conflit, le seul manquement possible au contrat social provient forcément de l’individu contre le peuple en corps. Le raisonnement n’est ni trivial ni spécieux : l’objectif de Rousseau se résume en le seul mot de liberté. Il cherche une forme d’association, il faut le répéter, « par laquelle chacun s’unissant à tous n’obéisse pourtant qu’à lui-même et reste aussi libre qu’auparavant. »

La liberté civile

Il faut toutefois s’entendre sur le sens du mot liberté. Rousseau distingue en effet entre la liberté à l’état de nature et celle à l’état civil : le paradoxe apparent entre une aliénation totale des droits telle que formulée dans le pacte social et la liberté que défend Rousseau est ainsi levé par la conversion qu’opère le passage de l’état de nature à l’état civil, entre liberté naturelle et liberté civile. La première est l’indépendance concomitante de l’isolement – liberté qui disparaît dès les premières sociabilités inhérentes à l’évolution de l’état de nature –, la seconde l’assurance pour un associé qu’il ne peut tomber dans la dépendance d’un autre : il s’agit de substituer à une relation d’homme à homme une relation de citoyen à la loi. Il faut, à ce niveau, citer tout le court chapitre 8 du livre I, tant y est résumée de manière aussi précise que concise la pensée de Rousseau à propos de ce passage à l’état civil :

Ce passage de l’état de nature à l’état civil produit dans l’homme un changement très remarquable, en substituant dans sa conduite la justice à l’instinct, et donnant à ses actions la moralité qui leur manquoit auparavant. C’est alors seulement que la voix du devoir succédant à l’impulsion physique et le droit à l’appetit, l’homme, qui jusques là n’avoit regardé que lui-même, se voit forcé d’agir sur d’autres principes, et de consulter sa raison avant d’écouter ses penchans. Quoiqu’il se prive dans cet état de plusieurs avantages qu’il tient de la nature, il en regagne de si grands, ses facultés s’exercent et se développent, ses idées s’étendent, ses sentimens s’ennoblissent, son ame tout entière s’élève à tel point, que si les abus de cette nouvelle condition ne le dégradoient souvent au-dessous de celle dont il est sorti, il devroit bénir sans cesse l’instant heureux qui l’en arracha pour jamais, et qui, d’un animal stupide et borné, fit un être intelligent et un homme.

Réduisons toute cette balance à des termes faciles à comparer. Ce que l’homme perd par le contrat social, c’est sa liberté naturelle et un droit illimité à tout ce qui le tente et qu’il peut atteindre ; ce qu’il gagne, c’est la liberté civile et la propriété de tout ce qu’il possede. Pour ne pas se tromper dans ces compensations, il faut bien distinguer la liberté naturelle qui n’a pour bornes que les forces de l’individu, de la liberté civile qui est limitée par la volonté générale, et la possession qui n’est que l’effet de la force ou le droit du premier occupant, de la propriété qui ne peut être fondée que sur un titre positif.

On pourroit sur ce qui précede ajouter à l’acquis de l’état civil la liberté morale, qui seule rend l’homme vraiment maitre de lui ; car l’impulsion du seul appetit est esclavage, et l’obéissance à la loi qu’on s’est prescritte est liberté. Mais je n’en ai déjà que trop dit sur cet article, et le sens philosophique du mot liberté n’est pas ici de mon sujet. [10]

Ainsi l’état civil permet-il le développement de la raison, de la justice, de la morale et de la vertu que l’homme à l’état de nature, cet « animal stupide et borné », ne possède qu’en puissance. Il lui offre surtout le privilège d’accéder à un degré de liberté à tel point supérieur que le même terme en vient à désigner deux réalités radicalement différentes. Le contrat social rousseauiste donne à l’individu une double identité politique : en tant que particulier il est sujet du Souverain mais, en tant que citoyen, il est lui-même membre du Souverain [11]. Et c’est cette appartenance pleine au Souverain qui assure la plus grande liberté qui soit, comme le résume très bien Robert Derathé : « Comme sujets, ils obéissent, et « la condition étant égale pour tous », cette obéissance les garantit de toute dépendance personnelle. Comme membres du souverain, ils deviennent législateurs : c’est donc d’eux-mêmes que provient l’autorité à laquelle ils sont soumis. La liberté naturelle dont chaque individu a fait le sacrifice en devenant membre de l’association, il en retrouve l’équivalent comme membre du souverain. Il est libre, non seulement parce que les lois le protègent contre l’arbitraire des volontés individuelles, mais surtout parce qu’il est l’auteur des lois et que la volonté souveraine est en réalité la sienne. Le pacte comporte pour tous les associés l’obligation de soumettre la volonté particulière qu’ils ont en tant qu’hommes à la volonté générale qu’ils ont en tant que citoyens. Mais une telle obligation, bien loin de détruire ou de restreindre la liberté, en est la condition. [12] » Démonstration que Rousseau rassemble dans cette formule lumineuse qui définit la liberté comme autonomie (auto-nomos : qui se donne à lui-même sa propre loi) :

l’obéissance à la loi qu’on s’est prescritte est liberté. [13]

En tant que « membre du Souverain », il ne s’agit plus pour lui de penser en fonction de ses intérêts propres mais de s’élever à la puissance du citoyen – c’est-à-dire du Souverain – pour juger et décider avec l’intérêt général pour seul horizon. Conception certes exigeante de la citoyenneté… mais en aucun cas exorbitante pour des êtres se prétendant dotés de raison. Et, surtout, seule conception à la hauteur d’une définition de la liberté qui ne soit pas démagogie aliénante. La liberté de Rousseau n’a donc rien à voir avec celle de Locke : la seconde n’est que le pâle reflet de la première au miroir des égoïsmes individuels.

La volonté générale

On a beaucoup glosé sur la volonté générale qui, soit n’existerait pas, soit s’imposerait tyranniquement aux individus. Ce n’est le fruit que de mécompréhensions (volontaires ?) de la pensée de Rousseau. La volonté générale est à la fois la volonté du corps du peuple dans son entier – le Souverain –, et celle de chaque associé – non pas en tant qu’individu, mais que membre du Souverain. Elle n’est ni un composé ni un compromis des volontés particulières. Pour prendre une métaphore mathématique, il faut plutôt la penser comme une « intégrale » que comme une « somme » [14]. Du point de vue psychologique, elle repose sur l’existence d’un intérêt commun à tous les membres du corps politique, intérêt commun dont l’existence est prouvée par la nécessité du contrat lui-même : « ce qui généralise la volonté est moins le nombre de voix que l’intérêt commun qui les unit [15] ».

L’idéal de l’expression de la volonté générale est, bien entendu, l’unanimité… qui n’est que rarement accessible à des assemblées d’hommes. Outre ces cas rarissimes, auquel le pacte social lui-même appartient puisque ceux qui s’y opposent en sont de facto exclus, on a beaucoup critiqué Rousseau sur la prétendue tyrannie de la majorité qu’il imposerait, en particulier dans ce passage : « Hors ce contract primitif, la voix du plus grand nombre oblige toujours tous les autres ; c’est une suite du contract même [16]. » Faire, à partir de cette formule, de Rousseau le champion de l’oppression des minorités par la majorité, c’est montrer une mécompréhension complète ou une mauvaise foi maladive.

En effet, celui-ci distingue administration et législation : la première a pour objectif de régler les affaires quand la seconde a la lourde responsabilité de faire la loi, ces deux fonctions n’étant pas dans les mêmes mains (distinction aujourd’hui classique… quoique finalement bien peu appliquée en réalité !). En ce qui concerne la première, l’efficacité et la rapidité commandent et la majorité d’une voix suffit, puisque ce n’est pas la volonté générale qui a à se prononcer : celle-ci ne s’intéresse pas aux cas particuliers. Pour ce qui est de la seconde, c’est là et là seulement que réside le Souverain et que s’exprime la volonté générale ; l’unanimité doit être recherchée ou, à tout le moins, on doit s’en rapprocher aussi près que possible avec des majorités qualifiées d’autant plus élevées que l’on s’approche du vote de lois fondamentales [17]. Cette idée peut paraître bien exotique que la législation, exercée par la volonté générale « qui ne regarde qu’à l’intérêt commun » [18], ne porte que sur les domaines généraux [19] :

Quand je dis que l’objet des loix est toujours général, j’entends que la loi considere les sujets en corps et les actions comme abstraites, jamais un homme comme individu ni une action particuliére.
[…]
On voit encore que la loi réunissant l’universalité de la volonté et celle de l’objet, ce qu’un homme, quel qu’il puisse être, ordonne de son chef n’est point une loi ; ce qu’ordonne même le Souverain sur un objet particulier n’est pas non plus une loi mais un décret, ni un acte de souveraineté mais de magistrature. [20]

Quant à l’expression de la volonté générale par les suffrages, les nuances sont donc d’une importance cruciale dans la pensée de Rousseau et, finalement, le problème paraît se poser dans des termes exactement inverses à ceux qu’on lui oppose couramment. Dans un État sain, le vote de lois générales doit approcher autant que possible l’unanimité et, si cela s’avère impossible et que tout ne passe que par de faibles majorités arrachées après de longs et vains débats, alors c’est que l’État décline ou est corrompu :

quand le nœud social commence à se relâcher et l’État à s’affoiblir ; quand les intérêts particuliers commencent à se faire sentir et les petites sociétés à influer sur la grande, l’intérêt commun s’altere et trouve des opposans, l’unanimité ne regne plus dans les voix, la volonté générale n’est plus la volonté de tous, il s’élêve des contradictions des débats, et le meilleur avis ne passe point sans disputes. [21]

En d’autres termes : l’unanimité n’est pas pour Rousseau une règle absolue mais un idéal vers lequel il faut essayer de tendre et, en contraposée, l’impossibilité de s’en rapprocher est un symptôme, sinon une mesure, de la corruption politique qui gangrène l’État comme le corps politique.

*

Il y aurait tant à dire, encore, sur ces sujets, sur ces textes et leurs auteurs ; tant à dire pour nous aider à comprendre les vicissitudes de notre propre vie politique, certes, mais aussi et surtout pour nous faire prendre conscience de ce qui se joue dans cette transfiguration de l’individu en citoyen. Mais, puisqu’il faut nécessairement conclure, je laisse à Rousseau le dernier mot qui, peut-être, résonne particulièrement à nos oreilles :

Si cet Écrit tombe entre les mains d’un honnête homme qui cherisse la vertu, qui aime ses frères, qui plaigne leur erreurs et déteste leurs vices, qui sache s’attendrir quelques fois sur les maux de l’humanité, et surtout qui travaille à se rendre meilleur ; il peut le lire en toutte sureté. Mon cœur va parler au sien.

J’aime à me flatter qu’un jour quelque homme d’État sera citoyen, qu’il ne changera point les choses uniquement pour faire autrement que son prédecesseur, mais pour faire en sorte qu’elles aillent mieux, qu’il n’aura point sans cesse le bonheur public à la bouche, mais qu’il l’aura un peu dans le cœur. Qu’il ne rendra point les peuples malheureux pour affermir son autorité, mais qu’il fera servir son autorité à établir le bonheur des peuples. Que pas un heureux hazard il jettera les yeux sur ce livre, que mes idées informes lui en feront naître de plus utiles, qu’il travaillera à rendre les hommes meilleurs ou plus heureux et que j’y aurai peut-être contribué en quelque chose. Cette chimére m’a mis la plume à la main… [22]

Cincinnatus, 10 mai 2021


[1] John Locke, Le second traité du gouvernement, PUF, 2003, chap. 4 §23, p. 19-20

[2] Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social, Œuvres complètes t. III, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1964, livre I chap. 4, p. 355-358

[3] Ibid., livre II chap. 2, p. 370

[4] Thomas Hobbes, Léviathan, Gallimard, Folio essais, 2000, chap. 13, p. 287-289. Sauf mention contraire, dans toutes les citations, c’est l’auteur qui souligne.

[5] Thomas Hobbes, Du Citoyen, GF Flammarion, 2010, chap. VI §20, p. 185-186

[6] John Locke, Le second traité du gouvernement, PUF, 2003, chap. 7 §89, p. 64

[7] Ibid., chap. 8 §99, p. 73. Les §95 et 96 qui précèdent celui-ci sont aussi éclairants :

Les hommes étant, comme on l’a dit, naturellement libres, égaux et indépendants, on ne peut mettre aucun d’eux hors de cet état, ni l’assujettir au pouvoir politique d’un autre, sans son propre consentement. La seule manière, pour quelqu’un, de se départir de sa liberté naturelle, et de se charger des liens de la société civile, c’est de s’accorder avec d’autres pour se joindre et s’unir en une communauté, afin de mener ensemble une existence faite de bien-être, de sécurité et de paix, dans la jouissance assurée de leurs propriétés, et dans une sécurité accrue vis-à-vis de ceux qui ne sont pas membres de cette communauté. Tout groupe d’hommes est autorisé à agir ainsi, puisque cela ne lèse en rien la liberté du reste du genre humain qui demeure, comme auparavant, dans la liberté de l’état de nature. Quand un certain nombre d’hommes ont ainsi consenti à former une communauté ou un gouvernement, ils se trouvent par là immédiatement incorporés et ils constituent un corps politique où la majorité possède le droit d’agir et d’obliger les autres.

Car, lorsqu’un certain nombre d’hommes ont, grâce au consentement de chaque individu, formé une communauté, ils ont par là même fait de cette communauté un corps, doté d’un pouvoir d’agir en tant que corps, ce qui n’est possible que par la volonté et la décision de la majorité. Car ce qui fait agir une communauté quelconque, ce ne peut être que le consentement des individus qui la composent ; et puisqu’il est nécessaire à ce qui constitue un corps de se mouvoir dans une seule direction à la fois, il est nécessaire que ce corps se meuve dans la direction où l’emporte la force la plus grande, c’est-à-dire le consentement de la majorité ; dans le cas contraire, il est impossible qu’il agisse ou qu’il continue de former un corps ou une communauté, ce que la volonté de chaque individu qui s’y était joint avait pourtant voulu qu’il soit ; ainsi, chacun est obligé, par ce consentement, de se soumettre à la majorité. C’est pourquoi nous voyons que, dans les assemblées auxquelles des lois positives donnent le pouvoir d’agir, lorsque la loi positive qui leur confère le pouvoir ne fixe aucun quantum, la décision de la majorité passe pour la décision de l’ensemble, et c’est elle qui l’emporte, puisque la loi de la nature et la raison lui confèrent le pouvoir de l’ensemble. »

Ibid., chap. 8 §95-96, p. 70-71

[8] Ibid., chap. 19 §241-242, p. 174-175

[9] Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social, op. cit., livre I chap. 6, p. 360-362

[10] Ibid., livre I chap. 8, p. 364-365

[11] Dans le chapitre précédent, Rousseau l’a explicitement rappelé :

On voit par cette formule que l’acte d’association renferme un engagement réciproque du public avec les particuliers, et que chaque individu, contractant, pour ainsi dire, avec-lui-même, se trouve engagé sous un double rapport ; savoir, comme membre du Souverain envers les particuliers, et comme membre de l’État envers le Souverain.

Ibid., livre I chap. 7, p. 362

[12] Robert Derathé, Jean-Jacques Rousseau et la science politique de son temps, Vrin, 1995, p. 232

[13] Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social, op. cit, livre I chap. 8, p. 365

[14] Rousseau est lecteur de Leibniz.

[15] Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social, op. cit, livre II chap. 4, p. 374

[16] Ibid., livre IV chap. 2, p. 440

[17] Rousseau n’élude pas la question, bien au contraire, il la traite avec moult détails, notamment dans le chap. IX « Causes particulières de l’anarchie » de ses Considérations sur le gouvernement de Pologne, Œuvres complètes t. III, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1964, p. 994-999

[18] Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social, op. cit, livre II chap. 3, p. 371

[19] Citoyens comme représentants nationaux semblent avoir oublié ce principe pourtant évident : on n’élit pas des députés pour voter des lois sur le détail de sa vie comme le développement de la fibre optique ou les menus des cantines scolaires… tout cela est à peine du niveau de la gestion administrative. Trop de lois ne devraient pas en être puisqu’elles relèvent du règlement ou de la simple administration. L’incompétence profonde, la méconnaissance des fondements de leur mandat et l’inculture politique crasse de la plupart de nos élus nationaux sont responsables à la fois de l’inflation et de l’absurdité des lois votées. Qu’ils relisent donc Rousseau, ça leur nettoierait peut-être l’encéphale !

[20] Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social, op. cit, livre II, chap. 6, p. 378

[21] Ibid., livre IV chap. 1, p. 438

[22] Jean-Jacques Rousseau, Fragments politiques, Œuvres complètes t. III, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1964, p. 474. En note (p. 1516), Robert Derathé ajoute : « Rousseau avait achevé sa phrase par ces mots qu’il a ensuite biffés : et les hommes sont tellement faits pour l’illusion, qu’en connoissant toutte la grandeur de celle-ci je ne laisse pas de lui sacrifier. »

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Cincinnatus

Moraliste (presque) pas moralisateur, misanthrope humaniste, républicain râleur, universaliste lucide, défenseur de causes perdues et de la laïcité, je laisse dans ces carnets les traces de mes réflexions : philosophie, politique, actualité, culture…

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