Bonne année !

Vent frais par matin clair, Katsushika Hokusai (1829-1833)

Il y a un an, je débutais 2023 avec le constat désespéré d’une France qui ne s’aimait pas [1]. Aujourd’hui, je pourrais publier le même billet… en un peu plus tragique encore. Nous nous enfonçons dans le repli individualiste, le marasme national et le ressentiment politique. La classe dirigeante est sans doute la plus incompétente et la plus lamentable de notre histoire et le peuple lui-même semble avoir abandonné toute vertu civique et toute décence commune.

Lire la suite…

Cette étrange décennie 90

I wish I was special
You’re so fucking special
But I’m a creep
I’m a weirdo
What the hell am I doing here?
I don’t belong here

Radiohead, Creep

J’avais dix ans quand le mur est tombé et vingt-deux lorsque les tours se sont effondrées. Entre les deux, j’ai grandi dans ces années 1990 qui devraient rester, aux yeux des historiens de demain, comme un temps étrange, suspendu – une respiration… ou plutôt, peut-être, ce moment où l’Histoire paraît, a posteriori, retenir son souffle.

Lire la suite…

Mémoires de Cincinnatus

625px-alexandre_cabanel_-_cincinnatus_receiving_deputies_of_the_senate
Cincinnatus recevant les ambassadeurs de Rome, Alexandre Cabanel (1843), Musée Fabre

N°300

*

Pourquoi m’as-tu choisi pour masque ?

*

Lorsque je naquis, le règne du dernier des tyrans – Lucius Tarquin, le Superbe – durait déjà depuis seize années. Il lui en restait dix avant que ses turpitudes et celles de son fils ne provoquassent le prodigieux avènement de la République.
Lire la suite…

La tentation crépusculaire de l’Aventin

983px-edvard_munch_-_melancholy_281894-9629
Mélancolie, Edvard Munch (1894-1896)

La mélancolie est un crépuscule.
La souffrance s’y fond dans une sombre joie.
La mélancolie, c’est le bonheur d’être triste.

Victor Hugo, Les travailleurs de la mer

Serait-ce vraiment Alain Juppé qui aurait inventé l’expression « tentation de Venise » ? Cela ne l’a pas empêché de revenir. Plusieurs fois. Je ne suis pas sûr que ce patronage soit le meilleur, même s’il est révélateur que, peut-être ?, la tentation du retrait, même sincère, se fracasse nécessairement à la volonté ou à son insuffisance.
Lire la suite…

Aux lecteurs

logo

6 ans.
229 billets.
380 000 mots.
Déjà.

Pour cette nouvelle année qui pointe, il m’a semblé qu’il était temps de rafraîchir un peu ce blog. Lire la suite…

Quel monde pour toi, ma fille ?

Tu viens d’avoir trois ans, ma fille. Dans quel monde en auras-tu trente, vers le mitan du siècle ? Ce siècle dans lequel je suis entré à déjà vingt. Enfant du vingtième et homme du vingt-et-unième, je me sens surtout millénaire. Frémiras-tu, toi aussi, au souvenir de cette mer Égée qui porte les vaisseaux des Achéens vers l’Est et l’immortalité ? Ou toutes ces histoires qui me constituent vous seront-elles étrangères, à toi et à tes compagnons temporels ? Je sens aujourd’hui survenir la rupture du fil ténu qui relie les vivants aux morts, les présents aux passés. L’augmentation des fondations, conception romaine de la culture qui m’est parvenue non sans mal, signifiait un respect critique et cette volonté de transmission que je t’assène dans mon effroi devant son obsolescence. Le monde commun semble s’anéantir sous nos yeux, à mesure que la culture s’éteint. Nous avons dilapidé notre héritage, faute de nous y intéresser, de chérir ce patrimoine comme il se doit. Que vous lèguerons-nous, sinon un monde amnésique – le contraire d’un monde, donc ? Fin de la transmission [1]. Lire la suite…

Moi, parent d’élève

Ça y est. Depuis cette rentrée, je suis devenu un… parent d’élève. En tant que tel, je découvre un nouveau monde sociabilités, avec ses personnages attachants ou détestables, flamboyants ou effacés. Un nouveau petit théâtre social, semblable à tous les autres, peuplé, peut-être, d’une plus grande proportion de caricatures. Je me vois ainsi naviguer entre les bobos déconnectés du monde réel qui instrumentalisent l’école de leurs enfants à leurs rêves démagogiques et la FCPE, rendue odieuse à mes yeux par son écrasante responsabilité dans les réformes délétères des dernières décennies. Difficile, donc, de me sentir une quelconque solidarité avec ces gens qui veulent s’impliquer dans l’école pour mieux la détruire. Ils s’amusent avec un détestable esprit de sérieux, se sentent « investis » et en oublient complétement le rôle et la vocation de l’institution scolaire.

Soyons juste : à l’échelle de l’établissement de ma fille, la plupart de leurs idées et initiatives sont très sympathiques et inoffensives. Je suis même prêt à participer sincèrement à celles qui agrémentent le quotidien de mon enfant, resserrent les liens avec ses camarades et souvent, hélas !, suppléent aux dysfonctionnements de l’administration scolaire. Lire la suite…

Le misanthrope humaniste

IMG_6494

N°200

*

Tu n’aimes pas les gens ; ou tu les aimes trop. Va savoir. Lire la suite…

Au-delà de la vie et de la mort : l’immunité (J. Margulies)

Pour la première fois, j’ai le plaisir d’accueillir ici l’article d’un auteur invité. Je remercie Johann Margulies, écrivain, ingénieur et ancien enseignant à Sciences Po, d’avoir choisi ces carnets pour publier ce très beau texte dans lequel il analyse la crise sanitaire en cours à travers le concept d’immunité.

*

25 avril 2020. De cet événement paradoxal de l’imminence d’un effondrement viral qui n’a pas encore eu lieu, précisément qui n’aura – on l’espère – jamais lieu car nous nous en immunisons par le biais du confinement, le monde, notre monde s’en est retrouvé suspendu puis réduit à une forme épurée et minimale : la débâcle nous disions alors, et avec elle, révélés l’insensé de nos institutions et l’appel impitoyable de notre besoin de justice. Fictions burlesques, l’être révélé pour ce qu’il est : absurde. Lire la suite…

Jeux d’enfants ?

Bruegel jeux d'enfants

Trop sensible, ton sentiment d’injustice hypertrophié fait de toi un écorché vif. Pour toi, c’est un sentiment normal, évident. Tu ne peux pas accepter l’atonie, l’indifférence coupable des autres. Adultes ni enfants ne comprennent tes réactions qu’ils jugent parfois violentes, souvent disproportionnées ; alors qu’à tes yeux, il leur manque une décence élémentaire, comme si l’organe de la justice leur était amputé au point de les faire sombrer dans l’aveuglement quant aux monstruosités qui se déroulent devant eux. Insensibles à la souffrance, tu les considères complices de l’injustice qui dirige le monde et de celles dont tu es témoin… ou victime.
Lire la suite…