Nous aurons froid cet hiver…

Maison de thé à Koishikawa, le matin après une chute de neige, Katsushika Hokusai (v. 1830)

Le prix de l’énergie explose, nous devons donc baisser le chauffage à 19°C – voilà la solution du gouvernement français pour résoudre la grave crise à la fois énergétique et économique qui nous tombe dessus. « C’est un peu court, jeune homme ! », rétorquerait Cyrano. En effet, rien de ce qui nous arrive ici ne résonne comme un coup de tonnerre dans un ciel sans nuage. Bien au contraire ! Toutes les politiques énergétiques depuis trente ans tendaient vers cette crise ; la guerre en Ukraine n’a servi que d’étincelle au milieu d’un entrepôt savamment chargé de poudre.

La souveraineté abandonnée

Comme bien souvent, malgré les glapissements de moins en moins crédibles des eurolâtres, la politique de l’Union européenne s’avère suicidaire pour ses États membres. Seuls l’Espagne et le Portugal s’en sortent… parce qu’ils ont su négocier une place en-dehors de ce marché commun de l’énergie qui lie les autres membres pour le pire et l’encore pire. En ce qui concerne la France, le choix des gouvernements successifs d’adopter ces règles absurdes – au premier chef l’arrimage du prix de l’électricité nucléaire à celui du gaz – ressemble moins à une maladresse qu’à une trahison. En acceptant de suivre ainsi l’UE et l’Allemagne dans leur délire, ils ont condamné la France à une impuissance autodestructrice.

Leur seule obsession : plaire à l’Allemagne… qui s’en contrefout. Il faut le répéter, ad nauseam : le « couple franco-allemand » n’existe pas. Notre voisin d’outre-Rhin mène une politique de puissance qui ne répond qu’à un seul objectif : servir ses intérêts propres, en instrumentalisant l’UE pour en faire un démultiplicateur de sa propre puissance quand ça l’arrange et en faisant cavalier seul dès que cela s’avère plus avantageux. Ce en quoi il a parfaitement raison ! Ne pouvant supporter l’avantage concurrentiel ni l’indépendance que représente le nucléaire français, l’Allemagne a réussi à imposer aux veules gouvernants français d’indexer tous les prix de l’énergie en Europe sur ceux du gaz, y compris l’électricité produite par le nucléaire. Alors que la politique catastrophique menée par les dirigeants allemands conduit à l’ouverture de centrales à charbon et à la dépendance au gaz russe, leurs homologues français ont volontairement choisi de s’engager dans la même voie complètement folle !

Le rôle des lobbys écologistes dans cette affaire est critique. De l’antinucléaire dogmatique et bas-du-front Greenpeace à EELV qui défend les identitaires de tous poils plutôt que la planète, ces tartuffes réussissent, au nom-même de la cause environnementale, à accélérer la catastrophe climatique. Peu étonnant, d’ailleurs, qu’il n’y ait guère de scientifiques ni d’ingénieurs dans un parti prétendument écolo comme EELV : on y préfère les sorcières et les prêtres ascétiques de l’Église de sociologie. Parfaitement en phase avec l’idéologie néolibérale qui règne à Berlin, Bruxelles et Bercy, malgré leur affichage « anticapitaliste », ils prennent soin d’accompagner toutes les attaques contre la souveraineté nationale, qu’elle soit politique, économique ou énergétique.

EDF martyrisée

Les coups successifs portés à EDF participent de cette même entreprise de sape. Tout a été fait pour détruire ce fleuron de l’industrie, longtemps exemplaire à l’échelle mondiale, qui se voit aujourd’hui contraint de vendre à prix cassés son électricité à ses propres concurrents. La « libéralisation du marché de l’électricité », criminelle, ne fait qu’engraisser des parasites sur le dos d’EDF. Imaginons un boulanger qui vendrait sa baguette 1,10 euro à ses clients et qu’on obligerait à se défaire d’une partie de sa production au prix de 30 centimes la baguette à une personne dont le seul travail serait ensuite de revendre ce pain 90 centimes aux clients qui se détourneraient ainsi du boulanger. Absurde ? Évidemment ! Voilà pourtant ce qui est imposé à EDF.

En effet, avec la NOME votée en 2010 – merci encore à Nicolas Sarkozy, dont toute l’action politique a consisté en la zélée destruction du modèle français, qu’il soit énergétique, économique, social, éducatif, culturel… –, EDF doit vendre une part de 100 TWh par an de sa production nucléaire à ses concurrents, au prix de 42 euros le MWh dans le cadre de l’accès régulé à l’énergie nucléaire historique (ARENH). Le but ? Permettre à ces fameux concurrents de gagner des parts de marché contre EDF. Or non seulement les fournisseurs alternatifs emploient des méthodes mafieuses pour prendre des clients à EDF (démarchage agressif, etc.), avec la bénédiction des autorités, mais en plus ils ne respectent même pas leurs engagements d’investissements pourtant liés à la mise en place de ce fameux ARENH. Plutôt que d’essayer de produire leur propre énergie, comme ils s’y étaient engagés, ils préfèrent réclamer à la Commission de régulation de l’énergie (CRE) de relever toujours plus les tarifs réglementés d’EDF pour mieux enfoncer l’entreprise historique. Ce qui signifie, en passant, qu’une partie de l’augmentation du prix de l’électricité sert uniquement à entretenir ce simulacre de concurrence non libre et faussée, et à accroître les bénéfices de ces fournisseurs qui ne produisent rien et se contentent d’émettre des factures !

Le nucléaire sacrifié

Parallèlement au sacrifice d’EDF, c’est, depuis quelques décennies, toute la filière du nucléaire civil qui est sabotée : manque d’entretien des centrales, désintérêt pour la formation et le recrutement de techniciens et d’ingénieurs, manque d’investissements dans la recherche… le tout sur fond de campagnes publiques calomnieuses visant à décrédibiliser cette source d’énergie dans l’opinion. Alors que la France avait un avantage économique et environnemental exceptionnel, légué par nos prédécesseurs, cet héritage a été sciemment dilapidé, en même temps que la souveraineté nationale était abandonnée.

L’alternative proposée, les énergies dites renouvelables (terme plus que discutable : Lavoisier s’en retourne dans sa tombe), n’est qu’un leurre qui coûte très cher tant du point de vue économique qu’écologique.
L’éolien, intermittent et non pilotable, montre des performances pires que médiocres, nécessite l’ouverture de centrales à énergies fossiles en appui, stérilise des millions de mètres cubes de terre, saccage les paysages, détruit la faune et la biodiversité, fonctionne pendant au mieux une vingtaine d’années avant de laisser des déchets qui ne sont pas recyclables, utilise de grandes quantités de terres rares nous rendant dépendants de puissances étrangères, etc. etc. Le type qui a réussi à faire passer l’éolien pour écologique est sans doute le plus grand escroc de l’histoire de l’humanité.
Quant au photovoltaïque, il ne fait pas beaucoup mieux : fabrication extrêmement polluante, dépendance de la Chine pour les terres rares et la production des panneaux, énergie intermittente et non pilotable… Bref, rien à voir avec les contes pour enfants que nous serinent à longueur de journée des lobbys, à propos desquels il est bien difficile de faire la part de l’idéologie et des intérêts financiers.

A contrario, loin des mensonges proférés à longueur de temps par ces derniers, le nucléaire représente une source d’énergie pilotable, rentable, sûre et sans impact sur le climat. Si l’on investissait dans ce secteur et la construction de réacteurs de dernière génération les sommes perdues dans l’éolien, nos réserves d’uranium et de plutonium appauvri suffiraient largement à pourvoir la France en énergie. Pour ce qui est des risques, sans les nier, il faut vraiment introduire de la raison et de la science dans le débat et en finir avec l’irrationnel. Les fantasmes de l’imagerie hollywoodienne sont ridicules avec leurs barils rouillés desquels s’échappe un liquide vert fluorescent : les tortues ninja ne sont que de la fiction pour enfants ! En réalité, les déchets en question sont rendus inertes par vitrification ; quant aux accidents, aussi impressionnants soient-ils, ils concernent des technologies et des circonstances tout à fait étrangères au cas français et, surtout, ils ont fait jusqu’à présent bien moins de dégâts sur l’environnement et la santé publique que les centrales à énergies fossiles qu’on ne cesse de rouvrir. La solution parfaite n’existe pas. Les bons sentiments et la moraline ne sauveront certainement pas la planète ; la responsabilité politique peut-être.

Et pendant ce temps-là, qui se les gèle ?

L’université de Strasbourg, comme beaucoup d’autres institutions, annonce qu’elle va devoir fermer deux semaines cet hiver pour faire des économies d’énergie. À qui le tour, ensuite ? D’autres services publics ? Des hôpitaux ? Parallèlement, les entreprises qui laissent, depuis des années, leurs bureaux allumés toute la nuit ou qui envahissent l’espace public avec leurs écrans publicitaires, jusque dans les toilettes des cafés, s’en contrefichent… contrairement à bien d’autres entreprises, petites ou moyennes pour la plupart, qui souffrent déjà suffisamment. L’explosion des coûts de production menace l’économie et la vie de très nombreuses entreprises, mais aussi d’artisans et de commerçants. Et les dirigeants politiques qui appellent à limiter le chauffage à 19°C : mais quelle déconnexion ! Ce devrait être à ceux qui, par leur incurie et leurs trahisons, nous ont mis dans cette situation de payer les pots cassés : politiques, entreprises qui profitent de la crise pour engranger des profits immérités et engraisser leurs actionnaires (qui, eux, ne se chaufferont certainement pas à 19°C). Mais, comme toujours, le peuple endure les conséquences de décisions prises par ses dirigeants contre l’intérêt général et le simple bon sens. Toujours les mêmes qui trinquent.

Cincinnatus, 26 septembre 2022

Publié par

Cincinnatus

Moraliste (presque) pas moralisateur, misanthrope humaniste, républicain râleur, universaliste lucide, défenseur de causes perdues et de la laïcité, je laisse dans ces carnets les traces de mes réflexions : philosophie, politique, actualité, culture…

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