Les voleurs d’enfance

The Kid, Charlie Chaplin (1921)

Nos enfants font l’objet de toutes les attentions de bien des bonimenteurs, manipulateurs et autres idéologues qui se livrent une rude concurrence pour emporter le marché des jeunes esprits. Petite galerie de portraits… non exhaustive, hélas !

Les partis politiques

Ah ! Ils sont beaux, les partis politiques qui embrigadent des gamins comme d’autres les enfants de chœur ! Certes, dans les partis, les mômes craignent moins d’être violés… c’est déjà ça, non ?

L’instrumentalisation des enfants, parfois au berceau !, dans les manifestations, quelle qu’en soit la cause, devrait conduire leurs parents directement à l’assistance sociale (voire en prison). L’utilisation d’enfants comme prétextes dans les défilés politiques fait basculer les revendications dans un cynisme lacrymal odieux et n’a rien à voir avec une sensibilisation au politique qui, en revanche, relèverait de la vertu civique et devrait être encouragée. Le militantisme a sa noblesse que je défends volontiers et l’engagement civique de la jeunesse est louable… jusqu’au point où l’endoctrinement et les manipulations prennent le pas sur le service de la Cité.

Ainsi mouvements politiques dits « jeunes » et syndicats de lycéens et d’étudiants méritent-ils bien leur réputation d’école du vice. On y prépare consciencieusement les futurs apparatchiks à toutes les finesses antidémocratiques, à toutes les techniques d’escroquerie politique, à toutes les veuleries et vilenies. Alors que, traditionnellement, les partis politiques doivent jouer un rôle majeur dans la formation théorique et pratique des militants et, plus généralement, des citoyens, ce rôle s’est rabougri à inculquer des éléments de langage qui sont à la rhétorique ce que McDo est à la gastronomie.

Des gosses, qui ne possèdent aucune base de culture politique, qui n’ont jamais lu un ouvrage fondateur de la famille politique à laquelle ils sont censés appartenir, qui n’ont aucune colonne vertébrale idéologique, pérorent devant les caméras et sur les réseaux dits sociaux, comme de bons petits singes savants. Sans même comprendre ce qu’ils racontent, ils recrachent par cœur, et avec un aplomb qui fait verser une larme de plaisir à leurs marionnettistes, un gloubi-boulga de discours prémâchés, d’énormités, d’erreurs grossières, de mensonges évidents et de honteuses sottises.

Mais la jeunesse excuse tout… enfin, plus qu’à la jeunesse, la tolérance à ce piteux spectacle tient surtout au niveau tout aussi navrant de leurs auditoires. Enfermée dans des bulles d’entre-soi où tout le monde répète en boucle les mêmes sornettes, dans un psittacisme de petits automates contents d’eux-mêmes, cette jeunesse « politisée » est habilement encouragée à se croire au-dessus de tout alors qu’elle n’exhibe que son inconsistance et son hybris. La responsabilité des aînés en politique est écrasante, qui se satisfont de se voir remplacés par une génération plus incompétente encore qu’eux-mêmes.

Les néolibéraux

Rien ni personne n’est à l’abri de l’extension du domaine du marché. Les enfants pas plus que quiconque. Mieux encore : ils forment une cible de choix pour la publicité et le marketing. À la fois aisément influençables et influenceurs terriblement efficaces auprès des adultes, ils ne sont pas une « part de marché » comme une autre mais une priorité au potentiel exceptionnel. Comme toutes les idéologies en action, le dogme s’ancre d’autant mieux que le catéchisme est martelé tôt. La réceptivité des enfants à ce genre de propagande lui assure un succès durable. Rien de tel pour écraser définitivement le citoyen sous le consommateur que de créer le besoin toujours insatisfait de la consommation et de la marchandise dans les petites têtes blondes, rousses ou brunes.

Les promesses sucrées d’abondance sans effort et de satisfaction immédiate de tous les désirs plongent les enfants dans le grand bain de la culture de l’avachissement. La ludification généralisée transforme le monde entier en vaste parc d’attraction : tout doit être fun, sympa, amusant. Le sérieux, l’effort, la culture… sont proscrits au profit du divertissement, du spectacle, du loisir.
Du Saint-Marché.
Auquel même l’école est soumise.
Il faut l’adapter, nous dit-on, à la « modernité » – c’est-à-dire à la mode, son ennemi mortel. On n’instruit plus, on forme ; on n’institue plus des citoyens, on fabrique de la main d’œuvre selon les besoins des entreprises. L’instruction publique a disparu au profit de l’Éducation nationale ; celle-ci laisse dorénavant la place à la Garderie inclusive, conçue pour répondre docilement aux demandes du Marché.

De l’école à l’université, du processus de Bologne à la toute récente destruction des lycées professionnels… qui donc s’est élevé contre la marchandisation des institutions les plus importantes pour notre avenir ? Personne. Pour la bonne raison qu’il ne faut pas désespérer Brongniart. Les zélés et serviles serviteurs de la Corbeille et autre petits gris de Bercy, Bruxelles et Berlin qui décident désormais de la politique nationale appliquent leurs recettes empoisonnées à la politique éducative. Et avec quel succès !

Initiés très tôt au culte du dieu-pognon, nos bambins apprennent dès le berceau à adorer le veau d’or. Souvenons-nous que l’injonction est venue de l’Élysée même, où notre Jupiter aux traits de Mammon a dicté aux enfants leur objectif de vie, l’horizon de leur espérance, la justification de leur action : « devenir milliardaires ». Le modèle des « premiers de cordée » lie la valeur de la personne au remplissage de son compte en banque. Quant à « ceux qui ne sont rien », ils peuvent se consoler dans les processus abrutissants de consommation. Belle anthropologie que l’on inculque à nos enfants !

Comment s’étonner, alors, de leur voir le cœur à ce point desséché ? Devenus des tiroirs-caisses, leur égoïsme s’accorde parfaitement à l’époque : la « société de provocation » décrite par Romain Gary a donné naissance à pire encore, la société de l’obscène produit à la chaîne des petits Narcisse dont les caprices ne sauraient connaître la moindre entrave.

Les pédagogistes

Premiers responsables de la destruction de l’école (avec l’aide active des bataillons des associations de parents d’élèves, de l’administration du ministère – inspecteurs en tête –, des ministres successifs, des propagandistes néolibéraux du new public management, ainsi que de l’opinion publique), les idéologues du pédagogisme ont inspiré, écrit ou dirigé la politique et toutes les « réformes » menées depuis quatre décennies.

Au nom de la bienveillance, cette consensuelle niaiserie, la transmission des savoirs, vocation de l’école, est devenue secondaire, suspecte, voire carrément prohibée par certains inspecteurs ! Comment mieux saper les fondations mêmes de l’institution ? Car tout repose sur cette transmission : la construction du citoyen libre, l’émancipation des déterminismes sociaux, l’autorité du maître qui tient sa légitimité de sa maîtrise de la discipline qu’il a charge d’enseigner… Renoncer, sciemment, à conserver la transmission des connaissances « au centre de l’école » pour y placer l’élève dans un geste purement démagogique, c’est trahir l’école. Au lieu d’élever l’élève, on rabaisse l’école.

Et plutôt que de la maintenir comme l’espace sacré dans lequel les futurs adultes peuvent respirer, à l’abri des miasmes du monde extérieur et des injonctions familiales, sociales, économiques, religieuses, culturelles…, découvrir d’autres façons d’être, se frotter aux exemples édifiants et s’enrichir du dialogue avec les grands morts, exercer leur raison et découvrir que là réside la plus grande liberté qui soit, on préfère profaner le temple de la connaissance et de sa transmission pour l’ouvrir à tous les vents mauvais de la société.

Dans l’école McDo, les enfants « viennent comme ils sont », avec tous les mensonges, toutes les idéologies, toute la violence qu’ils devraient laisser à la porte – et ce qu’ils n’y apportent pas sous l’œil « bienveillant » d’adultes complices de ce forfait, l’institution l’importe elle-même à travers moult associations venant délivrer leur bonne parole dans des opérations de vil lobbying et de pur endoctrinement. On s’ingénie à violer l’école pour en faire un sinistre reflet du monde, alors que c’est l’école qui devrait conduire à changer le monde. Ainsi y pénètrent joyeusement tous les maux de la boîte de Pandore – l’espoir en moins, c’est toujours ça de gagné.

La violence, intrinsèquement antinomique du rôle même de l’école, en a définitivement gagné l’enceinte en ruines, sous le regard amusé des philistins. La « bienveillance » qu’ils prêchent sans cesse masque difficilement le laxisme, la permissivité qui profitent toujours aux harceleurs et autres petits caïds. La déresponsabilisation des enfants-rois donne bonne conscience aux adultes démissionnaires mais condamne les gamins à demeurer non seulement enfermés dans leur ignorance mais aussi embourbés dans leur substrat sociologique et idéologique. Au nom d’un « progressisme » en réalité profondément réactionnaire, des bourgeois, qui se gardent bien d’appliquer les mêmes recettes à leur propre progéniture, interdisent tout « progrès » à l’immense majorité des enfants.

Ainsi ment-on obstinément aux enfants. Sur les restes fumants de l’école s’est construit un monde Potemkine dans lequel les savoirs ont disparu mais les « compétences » sont parfaitement acquises, dans lequel les notes sont proscrites mais les gommettes affichent partout un joli vert prairie propice à l’autosatisfaction de tous : enfants, parents, enseignants, administration, ministre, opinion publique… Ce qu’est devenu notre école ressemble furieusement au cynique rejeton d’une pièce de Jarry avec un roman de Kafka.

L’effondrement de l’instruction produit à la chaîne des générations d’arrogants persuadés d’incarner le sommet de l’évolution, d’ignorants à l’inculture plastronnante, d’analphabètes fiers de ne pas même maîtriser leur langue maternelle et d’imbéciles n’ayant que l’agressivité pour modalité du rapport à l’autre. Mais peu importe puisque « le niveau monte » – la preuve : « ils ont tous leur bac ! Et puis ils savent tellement plus de choses que leurs aînés n’imaginaient même pas : il faut vivre avec son temps, voyons ! » Discours criminel de ceux-là mêmes qui ont brûlé tous les ponts en prenant bien garde de se trouver du bon côté du fleuve. Et pendant ce temps, des mômes s’entre-tuent et des profs se font égorger ou couper en deux.

Les transactivistes

L’idéologie transactiviste importe par effraction dans le domaine politique ce qui devrait demeurer dans la stricte sphère privée de la médecine. Les manipulations d’une douleur intime, profonde et sincère, à des fins militantes qui, le plus souvent, coïncident avec des intérêts privés et financiers, transforment la question médicale de la dysphorie de genre en offensive politique dont les principales victimes sont les femmes et les enfants – et, presque accessoirement, la science et la réalité [1].

Non contents d’imposer des hommes dans les compétitions sportives féminines, dans les vestiaires de femmes, dans les prisons pour femmes… les activistes de la cause « trans » insultent, menacent voire agressent physiquement tous ceux – et particulièrement les femmes – qui s’émeuvent des régressions violentes infligées aux droits des femmes. À la misogynie de ce mouvement politique, s’ajoute l’homophobie qui masque derrière les « transitions » de véritables thérapies de conversion : combien de « transgenres » ne sont en réalité que des homosexuels mal dans leur peau ? Il y a là un conformisme terrible qui assigne les individus à des stéréotypes figés… qui deviennent criminels lorsqu’ils prennent les enfants pour cibles.

Avec la complicité de parents qui pensent, dans le meilleur des cas, agir pour le bien de leur enfant ou qui, dans le pire, s’en servent à des fins personnelles, des réseaux mêlant militants violents et médecins cyniques entraînent des gosses vers des mutilations physiques ou chimiques dont les conséquences sont définitives. Le business est juteux : pourquoi se priver ?

La conformité à des caricatures imprègne cette idéologie folle qui charcute des enfants.
Parce qu’elles aiment les pantalons et les petites voitures plutôt que les robes et les poupées, des petites filles seraient des « garçons dans le mauvais corps » ? Et de recevoir des bloqueurs de puberté aux séquelles catastrophiques, et de subir ablation des seins et autres odieuses opérations…
Réciproquement, les garçons qui n’aiment pas le foot devraient être émasculés « pour leur bien » parce que, « en réalité », ce seraient des filles ? Drôle de réalité, qui nie la science et la biologie !
Et puis, que l’on me pardonne de devoir rappeler cette évidence : les « garçons manqués » font des femmes très réussies et les garçons timides des hommes tout à fait virils ! Tous ces clichés sexistes qu’alimentent les idéologues sont navrants.

Des associations, dûment reconnues par l’administration et ayant leurs entrées dans les écoles et les universités, prônent ouvertement « l’autodétermination du genre » chez des enfants à partir de… cinq ans ! Cinq ans ! À cet âge-là, une copine de ma fille se prenait pour un chat : à quand « l’autodétermination d’espèce » ? Ah, on me dit que ça existe déjà… on n’a pas le cul sorti des ronces.
Alors qu’avant dix-huit ans, on considère que les mineurs ne sont pas assez mûrs pour voter, pour conduire, pour se faire faire un tatouage, ils le seraient à cinq ans pour décider de faire l’objet d’interventions gravissimes par les nouveaux Dr Menguele ?
Tous les enfants – et plus encore les adolescents, cible privilégiée du fait même de sa fragilité psychologique –, à un moment ou un autre, s’interrogent sur leur identité, sur leur sexualité – souvent de manière douloureuse. C’est normal ! Le rôle des adultes est crucial, leur responsabilité est énorme. Ils doivent accompagner, rassurer, aider… mais également maintenir un cadre et rappeler au réel lorsque le délire menace. Les démissions et compromissions des adultes sont criminelles pour les enfants.

Les islamistes

Les islamistes nous ont désignés pour ennemis ; on n’abdique pas l’honneur d’être une cible. Ce que n’ont pas compris, hélas, les naïfs, les pusillanimes ni les complices de nos assassins, qui devraient relire Carl Schmitt. Ils ne se rendent même pas compte que leurs propres enfants sont dans le collimateur des adorateurs de la mort. La stratégie d’entrisme des islamistes – salafistes et plus encore Frères musulmans – touche tous les milieux, toutes les organisations – entreprises, associations, services publics, institutions – mais surtout, dans une perspective marketing très évoluée, tous les groupes sociaux : familles et jeunes générations au premier chef.

Ainsi sont spécifiquement visés les enfants et les étudiants. Les écoles privées du type « lycée Averroès », au cœur d’un récent scandale, sont la partie émergée de l’iceberg : comme le montrent très bien les travaux de l’anthropologue Florence Bergeaud-Blackler exposés dans son ouvrage Le frérisme et ses réseaux, l’enquête, l’idéologie fréro-salafiste, avec son projet d’« islamisation de la connaissance » cherche à imprégner les esprits dès le plus jeune âge – investissement particulièrement rentable ! – en faisant de l’éducation, de l’école et de l’université une priorité. Les provocations et autres « tests » régulièrement menés contre les écoles et les universités en témoignent : voiles et abayas, manifestations contre la laïcité et les libertés de conscience et d’expression, contestations d’enseignements et censure d’enseignants, pressions de parents d’élèves et d’associations, calomnies et diffamations, appels au rétablissement d’un délit de blasphème, menaces et intimidations, agressions de professeurs, d’élèves et d’étudiants, blocage et occupation d’universités au nom de la cause palestinienne qui n’est qu’un faux-nez romantisé de l’antisémitisme islamiste auquel se prennent des jeunes bourgeois qui s’ennuient, etc.

Plus l’endoctrinement débute jeune, mieux il s’ancre. L’imposition du voile à des enfants ne témoigne pas seulement d’une sexualisation répugnante des fillettes : il s’agit surtout de marquer les corps et les esprits dès le plus jeune âge, comme on marque le bétail au fer. Les ligues de vertu, gardiennes d’un puritanisme rigoureux, assurent leur emprise sur les individus qui subissent leur orthodoxie et leur orthopraxie dès l’enfance. Elles rendent ainsi l’apostasie impossible, en faisant croire que la religion est un trait biologique de l’identité dont on ne peut imaginer se défaire.

Entre mensonges et propagande, bourrage de crâne et lavage de cerveaux, la démagogie abreuve les jeunes individus encore en formation, incapables d’user de leur pleine raison pour se défendre contre les assauts d’une idéologie mortifère colportée par des « influenceurs », des imams et des grands-frères financés par les ennemis de la nation. Soumis à une vision du monde simpliste qui sépare le genre humain entre oppresseurs et opprimés, entre coupables par naissance et victimes par essence, et qui les affecte toujours au bon camp, quelles que soient leurs forfaitures, il se laissent volontiers séduire.

La construction de Méchants absolus, façon blockbuster Marvel, offre un défouloir bien commode, des boucs émissaires opportuns. La haine téléguidée est un puissant agent au service de l’idéologie et le conflit israélo-palestinien constitue le cadre idéal à la fabrication de petits soldats fanatisés. Depuis le pogrom du 7 octobre, l’inversion antisémite des victimes et des bourreaux bat son plein, transformant les juifs massacrés en monstres déshumanisés. L’entreprise de formatage des mômes suit le modèle conçu et strictement appliqué à Gaza où les écoliers, dès la maternelle, sont conditionnés jusque dans leurs « jeux » à devenir des martyrs génocidaires pour les garçons, des matrones de mort pour les filles.

Ici, s’ils n’apprennent pas à manier la kalach à cinq ans, des cohortes de gamins sont manipulés et élevés dans la haine de la France et des Français – alors qu’ils sont eux-mêmes français. Aveuglés par la reconstruction artificielle d’identités fantasmées, ils croient appartenir à une autre culture, à une autre patrie, bien qu’ils ne connaissent du bled que ce qu’ils y voient lorsqu’ils partent de temps en temps en vacances : une vaste illusion sans rien de commun avec la réalité du pays – et où leurs mauvaises manières sont largement méprisées [2].

Grandis sous la serre de l’idéologie et de la haine qui les a séparés du monde, ils plongent de plus en plus jeune dans le caïdat, modèle de réussite facile et flatteur pour des ego mal éduqués. Ces bombes à retardement menacent d’exploser à tout moment : les épisodes de bouffées de violence vécus ces dernières années ne sont que des signes précurseurs de ce qui se dessine à l’horizon.

Et n’oublions pas que si la jeunesse est la cible privilégiée des islamistes en matière de propagande, elle l’est aussi pour ce qui est des assassinats. De l’école Ozar-Hatorah et Mohammed Merah, qui est un exemple et un modèle pour beaucoup de jeunes islamistes, aux atrocités commises sur des bébés et des enfants le 7 octobre, tuer des enfants a une portée symbolique et stratégique toute particulière dans les entreprises terroristes.

Les parents (et autres adultes)

Les idéologues de toutes obédiences auraient bien plus de difficultés à maltraiter nos enfants s’ils ne profitaient pas de la complicité objective de la plupart des parents et adultes. Car nous nous comportons collectivement comme des sales gosses égoïstes. Cette immaturité générale conduit bien des parents à préférer endosser le rôle de copains et à refuser d’assumer leurs responsabilités – non seulement de parents mais même simplement d’adultes.

Jusqu’à sombrer dans le grotesque. Il y a quelque chose de l’ordre de la surcompensation dans la collision entre, d’une part, la démission parentale et, d’autre part, l’hyper-implication surjouée. Rien de bien original, cela dit – le paradoxe n’est qu’apparent puisque ne se joue là que le spectacle pitoyable d’une drague indécente d’adultes se comportant comme des gosses pour se faire « aimer » de leurs propres rejetons en cédant à tous leurs caprices.

Ainsi subit-on la surenchère concurrentielle démente des goûters d’anniversaire transformés en mauvaise émission de télé-réalité façon « Un dîner presque parfait » avec activités ludiques plus extravagantes les unes que les autres.
Ainsi voit-on les parents de petits voyous mal éduqués menacer des enseignants parce que ceux-ci ont osé remettre à sa place Mon-chéri-mon-cœur.
Ainsi… ad nauseam.

Les démissions parentales n’apparaissent nulle part plus crûment que dans l’abandon des jeunes générations aux nounous technologiques. Les responsabilités de garde et d’éducation se voit confiées aux mêmes écrans qui servent de doudous aux adultes – gadgets auxquels nous sommes tous devenus toxicodépendants. Qu’est-ce qui pourrait mal se passer lorsque, « pour les occuper », des bébés jouent avec un téléphone dans leur poussette ? Dans la rue, au restaurant, dans tous les espaces publics comme à la maison – comme à la maison – combien de gamins sont plantés devant leur écran ? Les nourrices numériques offrent la parenthèse enchantée, miraculeuse et vénéneuse du calme et du silence. Se débarrasser de ses mômes en leur filant un portable ou une tablette : le réflexe est devenu anodin.

Et puis, il y a du fric à se faire : le marché est considérable des « contenus » pour enfants. J’ai récemment découvert le concept ahurissant de parents qui mettent en scène leurs enfants en train d’ouvrir des cadeaux : les vidéos ont un succès fou en ligne. Des gamins passent des heures à en regarder d’autres ouvrir des paquets.

Après tout, c’est plus doux que la lobotomie et le résultat est sensiblement le même : fabriquer des zombies à la chaîne.

Une récente étude de l’Ofcom, l’autorité britannique régulatrice des télécommunications, tire la sonnette d’alarme : un quart des enfants de cinq à sept ans possède un smartphone et les trois quarts utilisent une tablette. Et ces chiffres sont en hausse. Peu importe que des enfants aient un accès illimité à la télé, au téléphone ou à la tablette, sur lesquels ils regardent des vidéos normalement réservées aux adultes, qu’ils découvrent la sexualité sur des sites pornos alors qu’ils vont encore à l’école primaire, qu’ils jouent jusqu’à pas d’heure à des jeux vidéo ou se laissent happer par l’hypnotisme des réseaux dits sociaux : si ces narcotiques sont bons pour les adultes, pourquoi ne le seraient-ils pas pour des cerveaux en construction ?

Tant de parents ne comprennent même pas que leur mission est de donner un cadre à leurs enfants – normal : comment pourraient-ils donner quelque chose qu’ils n’ont pas eux-mêmes ?

Épilogue : enfermés dans la cage aux phobes

Le point commun à tous voleurs d’enfance ? Dénoncer ces scandales vous expose aux accusations bien commodes de -phobie en tout genre (« islamophobie », « transphobie », « technophobie »…) et exile définitivement dans les enfers de « l’extrême droite », du camp du Mal, des « réacs », des « boomers » et autres noms d’oiseaux. Il ne faut pourtant rien céder aux intimidations et protéger les enfants de toutes les manœuvres idéologiques. Et prendre nos responsabilités d’adultes et de parents.

Cincinnatus, 29 avril 2024


[1] J’ai exploré ces aspects du sujet dans le billet « La chouinocratie des névroses militantes ».

[2] Lire l’excellent livre Les Nostalgériades : Nostalgie, Algérie, Jérémiades de Fatiha Agag-Boudjahlat.

Publié par

Cincinnatus

Moraliste (presque) pas moralisateur, misanthrope humaniste, républicain râleur, universaliste lucide, défenseur de causes perdues et de la laïcité, je laisse dans ces carnets les traces de mes réflexions : philosophie, politique, actualité, culture…

Une réflexion sur “Les voleurs d’enfance”

  1. Excellent billet.
    « On n’instruit plus, on forme ; on n’institue plus des citoyens, on fabrique de la main d’œuvre selon les besoins des entreprises. L’instruction publique a disparu au profit de l’Éducation nationale ; celle-ci laisse dorénavant la place à la Garderie inclusive, conçue pour répondre docilement aux demandes du Marché.« C’est malheureusement tellement vrai.

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