De la dictature à Rome

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Cicéron dénonce Catilina, Cesare Maccari (1889)

Salus populi suprema lex esto
Que le salut du peuple soit la suprême loi
(Cicéron, De Legibus, livre III)

La prudence humaine, quel que soit le degré de sagesse atteint, ne peut pas tout prévoir et les règles qu’elle édicte, aussi générales soient-elles, ne peuvent pas couvrir tous les cas. Il faut donc conserver dans l’ordre juridique la possibilité d’un pouvoir résiduel d’agir de manière discrétionnaire. De même, surgissent des situations exceptionnelles dans lesquelles il est intrinsèquement justifié d’attenter aux droits individuels pour prévenir un mal plus grand, ou d’agir en dehors de la loi, voire contre elle, lorsque le bien public ou l’intérêt général l’exigent. Les institutions d’exception servent à ménager, à l’intérieur de l’ordre juridique normal, les marges nécessaires à la gestion de ces cas qui appellent des mesures discrétionnaires – qui ne sont pas pour autant arbitraires – qui dérogent aux normes juridiques en vertu d’un but qui est le bien public ou l’intérêt général.
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Généalogies de l’état civil – 2. Le contrat social selon Hobbes, Locke et Rousseau

Hobbes Locke RousseauSi l’état de nature est toujours présenté comme une hypothèse dans laquelle les hommes vivent en-dehors de tout rapport civil, alors se pose la question : comment est-on passé de cet état à l’état civil que l’on connaît ? La théorie du contrat social apporte la réponse à ce problème. Pour ses premiers penseurs, elle est d’abord destinée à combattre et à remplacer la doctrine du droit divin dans laquelle le pouvoir politique prend son origine en Dieu. En établissant que le fondement de l’autorité se trouve non plus dans une transcendance mais dans la libre acceptation contractuelle des sujets d’obéir au souverain, la théorie du contrat social ouvre la voie à l’expression des libertés individuelles face au Prince, dorénavant soumis à des devoirs inscrits dans le pacte (et porte donc en elle le droit de résistance). Portant, la théorie du contrat social peut aussi servir de justification à l’absolutisme du souverain monarque (Hobbes), ou à la souveraineté populaire d’une République (Rousseau). Chaque auteur conçoit donc sa version, en variant les contractants et les termes du contrat, afin de légitimer ses propres vues sur la nature et l’étendue du pouvoir politique.


Sommaire
Jurisconsultes du droit naturel : le pacte de soumission
Hobbes : le contrat social au service de l’absolutisme
Locke : liberté individuelle et droit de résistance
Rousseau : la souveraineté des citoyens
– Le contrat social
– La liberté civile
– La volonté générale


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Généalogies de l’état civil – 1. L’état de nature selon Hobbes, Locke et Rousseau

Hobbes Locke RousseauJe m’éloigne quelques semaines de l’écume de l’actualité pour me ressourcer aux œuvres de ces classiques dont les pensées peuvent éclairer nos réflexions. Les théories de l’état de nature et du contrat social occupent une place centrale dans la pensée politique moderne. Quoiqu’elles semblent passées de mode, elles continuent pourtant d’irriguer, de manière presque subliminale, toutes nos conceptions contradictoires et conflictuelles de l’État, de la souveraineté, de la démocratie, de la république, de la citoyenneté… Il ne s’agit donc en rien d’objets surannés, de ratiocinations de philosophes d’un autre âge qui, pris dans les affaires de leur temps, n’auraient plus rien à nous dire. Au contraire ! Si ces systèmes philosophiques répondaient alors à des considérations très concrètes auxquelles devaient faire face leurs auteurs, ceux-ci ont eu l’intelligence de s’en abstraire pour forger des concepts universels qui nous parviennent avec une puissance inchangée. Voilà une raison de plus pour s’y intéresser, si le simple bonheur de côtoyer des géants de la pensée ne suffisait pas à convaincre de l’intérêt de se frotter à ces textes [1].


Sommaire :
Introduction
Des mythes politiques
Hobbes et Locke : la guerre et la paix
L’homme naturel chez Rousseau : un « animal stupide et borné »
L’évolution de l’état de nature chez Rousseau : vers le contrat social


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La manipulation des esprits

Billet écrit avant l’épidémie et le confinement.

*

J’appelle « société de provocation » toute société d’abondance et en expansion économique qui se livre à l’exhibitionnisme constant de ses richesses et pousse à la consommation et à la possession par la publicité, les vitrines de luxe, les étalages alléchants, tout en laissant en marge une fraction importante de la population qu’elle provoque à l’assouvissement de ses besoins réels ou artificiellement créés, en même temps qu’elle lui refuse les moyens de satisfaire cet appétit.

(Romain Gary, Chien blanc)

1. Publicité

Que dirait, de notre société, ce grand humaniste ? Sa « société de la provocation » a enfanté un monstre plus effrayant encore : une société de l’obscène et de la manipulation. Lire la suite…

Sondages : une cure de désintox, vite !

FUMEUR D'OPIUM
Salle de rédaction recevant les sondages quotidiens

Sommaire
1. Une drogue médiatique
2. Dis, Cinci, l’opinion publique, c’est quoi ?
3. Petits éléments de critique des sondages à l’usage des citoyens qui en ont marre qu’on prétende parler à leur place
4. L’art (pas toujours) discret de la manipulation… et son efficace
5. Prophylaxie


1. Une drogue médiatique

Nous sommes des junkies des sondages. Tous les jours, plusieurs fois par jour, nous réclamons notre dose aux médias qui se comportent à la fois comme principaux dealers et comme plus gros consommateurs de cette drogue dure. Nous ne pouvons plus voir la réalité qu’à travers l’hallucination de ces psychotropes. Du fait divers le plus anodin jusqu’à l’élection majeure de notre système politique, il n’existe plus un seul événement, plus un seul fait social, économique ou politique, qui ne doive être « éclairé » par une multitude d’enquêtes réalisées avant, pendant et après sa survenue dans l’espace médiatique. La vérité se cache à nos yeux, seuls les chiffres exprimés en pourcentages de sondés peuvent la révéler. Continuer la lecture de Sondages : une cure de désintox, vite !

Le travail, c’est la santé

Travail, s. m.

  1. Nom donné à des machines plus ou moins compliquées, à l’aide desquelles on assujettit les grands animaux, soit pour les ferrer, quand ils sont méchants, soit pour pratiquer sur eux des opérations chirurgicales.
  2. Par extension du sens d’instrument qui assujettit, gêne, fatigue ; c’est le sens primordial comme le montre l’historique.
  3. Soins et soucis de l’ambition.
  4. Inquiétude.
  5. Travail d’enfant, ou, simplement, travail, douleurs de l’enfantement, ou, techniquement, succession de phénomènes violents et douloureux dont l’ensemble caractérise la fonction de l’accouchement.
  6. Peine qu’on prend pour faire quelque chose. Le travail du corps. Le travail de l’esprit.
  7. Service auquel on soumet les animaux.
  8. Se dit de l’action d’une machine ou du résultat de cette action.

Etc. etc.
[Littré]

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