L’intelligence sous-traitée

Metropolis, film culte de Fritz Lang (1927)

Nous sommes de plus en plus cons. C’est pas moi qui le dis, c’est statistique, scientifique, quantifié, sourcé et démontré : le QI moyen s’effondre. En même temps©, le nombre de « hauts potentiels intellectuels » (HPI) autodiagnostiqués – parce qu’on n’est jamais si bien servi que par soi-même – explose : preuve irréfutable de l’extension du domaine de l’imbécillité !

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Le viol des mots

La Tour de Babel, Pieter Brueghel l’Ancien (v. 1563)

La fin d’une civilisation, c’est d’abord la prostitution de son vocabulaire.
Romain Gary, Europa

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Sa Majesté Nunuche

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La Naissance de Vénus, William Bouguereau (1879)

« Gloire À Sa Majesté Nunuche !
GLOIRE À SA MAJESTÉ NUNUCHE !
GLOIRE À SA MAJESTÉ NUNUCHE !… »
Les cris et la sono le réveillèrent en sursaut. Il jeta un œil encore mal décollé à la fenêtre et tenta, l’esprit englué dans le brouillard de la nuit finissante – après tout, il n’était que onze heures du matin –, de se souvenir de la date et, par conséquent, de la nature des festivités qui remplissaient la rue d’un nuage dense de confettis multicolores. Rien ne lui revint, aussi s’intéressa-t-il un peu plus aux slogans scandés dans les micros, aux banderoles agitées en tous sens et, surtout, aux chars bariolés qui l’impressionnèrent beaucoup par leurs couleurs aussi mal assorties que clinquantes. Il imagina Philippe Découflé et Jeff Koons s’associant, après une soirée sous acide, pour faire une blague potache.

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Les enfants de Torquemada

Tribunal de l'Inquisition (Goya)
Tribunal de l’Inquisition, Francisco de Goya (1812-1819)

Autoproclamés représentants de minorités supposément opprimées, néoféministes intersectionnels, porte-étendards de conceptions très particulières de la justice, fanatiques « éveillés » (« woke » dans la langue originelle de ce produit d’importation) aux discriminations réelles ou imaginaires… médias et réseaux dits sociaux vivent au rythme de leurs oukases et fatwas. Les Fouquier-Tinville de bac à sable ne supportent aucune restriction à leurs caprices, aucun frein à leurs libertés – quoiqu’ils n’aient pas la moindre idée de ce que signifie ce mot. Ils hurlent à la dictature et au complot contre la jeunesse lorsque des mesures prophylactiques sont adoptées pour protéger la population. Ils combattent la grammaire et censurent la culture au nom d’un féminisme dévoyé et d’un « antiracisme » racialiste. Ils brisent des enseignants et mettent des vies en danger pour complaire aux pires archaïsmes religieux. Tous les prétextes sont bons pour lancer des campagnes dans lesquelles les revendications, pleurnicheries et mises au pilori se mélangent dans un tourbillon de violence et de haine.


Sommaire :
La justice victime du déballage médiatique
Une crise d’adolescence collective
Un puritanisme étouffant


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Déconstruction : la destruction du commun

Vue imaginaire de la Grande Galerie du Louvre en ruines
Vue imaginaire de la Grande Galerie du Louvre en ruines, Hubert Robert (1796)

Ce billet a été publié la première fois le 24 février 2021 sur le blog On Vous Voit, dont je remercie toute l’équipe pour la confiance qu’elle m’a témoignée.

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Tels sont surtout les comédiens, les musiciens, les orateurs et les poètes.
Moins ils ont de talent, plus ils ont d’orgueil, de vanité, d’arrogance.
Tous ces fous trouvent cependant d’autres fous qui les applaudissent.
Érasme, L’Éloge de la folie (1508)

Si la « déconstruction », comme concept ou méthode, vient de Heidegger, elle a été récupérée et développée en France par Derrida, puis a déménagé aux États-Unis avec les adeptes de la brumeuse « French theory », avant de revenir en France comme un boomerang. Elle a perdu à chaque étape tant de sens et de rigueur qu’elle apparaît aujourd’hui comme un salmigondis idéologique que ne reconnaîtrait sûrement pas Heidegger (ni peut-être même Derrida, c’est pour dire !). On est très loin de l’ambition initiale d’émancipation : que, par l’usage de la critique, l’homme ne soit plus la dupe de son propre langage ni de ses catégories conceptuelles [1].
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Les crises de l’université

[Place_de_la]_Sorbonne_Paris_[...]Nicolle_Victor_btv1b10302882d_1L’Université française va mal. L’enseignement supérieur et la recherche souffrent terriblement. Les polémiques actuelles en sont symptomatiques.
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Complices !

couverture charlie caricaturesVendredi 16 octobre 2020, il y a trois jours, un professeur d’histoire et de géographie, Samuel Paty, a été assassiné. Parce qu’il avait fait son métier, parce qu’il avait tenté d’éveiller les consciences de ses élèves, parce qu’il leur avait fait un cours sur la liberté d’expression, parce qu’il leur avait montré et expliqué les caricatures du prophète de l’islam publiées dans Charlie Hebdoil a été décapité [1]. L’assassin n’est pas le seul coupable. Ses complices doivent répondre de ce crime. Leur place est devant un tribunal [2] : Lire la suite…

Les nouveaux iconoclastes

De nouveaux censeurs s’ingénient à réécrire l’histoire, à interdire des films ou des spectacles, à éteindre les Lumières à l’Université… c’est là une véritable tragédie. Au nom de luttes intrinsèquement justes qu’ils détournent, au nom de l’égalité qu’ils pervertissent, des groupuscules idéologiques provoquent des déferlements de bêtise violente dont le seul but est d’anéantir aveuglément la culture et la liberté d’expression. Lire la suite…

Comment la recherche meurt de la technocratie et du management

L’entreprise idéologique de destruction des services publics prend, depuis plusieurs années, le visage grimaçant du « new public management » qui prétend importer dans le public les méthodes qui ont fait dans le privé les preuves de leur inefficacité et de leur violence. Les services publics n’en meurent pas tous, mais tous sont touchés… la recherche comprise [1] [2]. Le travail des chercheurs est absorbé par l’augmentation continue des tâches administratives pour lesquelles les personnels compétents et formés subissent une drastique diminution des postes. Dans les centres de recherche, les lourdeurs administratives croissent exponentiellement alors que sont virés ceux qui sont censés les accomplir… le boulot retombe donc sur les épaules des chercheurs dont ce n’est pas le métier.
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Misère de l’économicisme : 1. L’imposture scientifique

Frontispice allégorique illustrant les mathématiques,  Dictionnaire mathématique ou idée générale des mathématiques...Par le terme d’économicisme, j’entends la tendance, fort répandue, à faire passer l’économie pour une science capable rendre compte du réel comme peuvent le faire les sciences exactes. Marxistes et (néo)libéraux convergent dans cette prétention scientifique en affirmant d’une même voix la puissance omniexplicative des facteurs économiques, c’est-à-dire la faculté à décrire et prévoir les comportements humains et sociaux par la seul compréhension de « lois » économiques semblables aux lois physiques qui régissent l’univers. Toutefois, c’est au seul discours dominant néolibéral, et dans sa dimension faussement scientifique mais vraiment idéologique [1], que je choisis de m’intéresser ici – une bonne partie de l’analyse pouvant être appliquée à son pendant marxiste.
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