
Il ne faut pas grand-chose pour qu’un rituel tourne à la mascarade. Pour que le sacré se profane et que ce qui devrait être choyé ne mérite que d’être raillé. Pour que la ferveur cède à l’amertume. L’élection, procédure symbolique centrale dans nos démocratie modernes – au point que beaucoup, à tort, confondent les deux concepts – est viciée. L’abstention fait gloser, les élus sont méprisés, la représentation n’en finit pas d’être « en crise » (comme si cela voulait dire quoi que ce soit)… mais l’inertie a ceci de confortable qu’elle évite de penser et d’agir. Chaque génération d’élus peut ainsi se montrer plus médiocre que la précédente et trahir plus ouvertement la nation sans que cela n’émeuve grand monde.
La compétition électorale oppose des visions du monde et des programmes politiques.
Les citoyens éclairés se prononcent en fonction de leur perception de l’intérêt général et élisent, non pas ceux qui leur ressemblent le plus (conception de la représentation pervertie par l’idéologie identitaire), mais ceux qu’ils pensent être les plus capables de mener la politique qu’ils jugent la meilleure.
Les élus, quel que soit leur mandat, représentent l’ensemble de la population concernée, y compris ceux qui n’ont pas voté pour eux : les élus nationaux représentent toute la nation, les élus locaux sont au service de tous les citoyens de leur collectivité territoriale. En l’absence de mandat impératif, ils sont indépendants mais ont pour devoir d’œuvrer à l’intérêt général. La confiance placée en eux est sacrée. À la fin de leur mandat, ils doivent rendre des comptes et être jugés sur ce bilan par les citoyens.
Or tout cela n’existe plus que dans de vieux bouquins de théorie de la démocratie ; le sens même de la représentation est perdu.
Comment voter lorsque l’offre est biaisée ? L’ensemble des candidats ne représente qu’une étroite fraction du spectre idéologique national. L’oligarchie idéologique règne sur les élections ; un quarteron de visions du monde se partage les bulletins de vote en imposant ses candidats dans les différents partis et en excluant de fait tous ceux qui pensent différemment.
Il n’y a plus d’élus que par défaut. Et ils s’en fichent. En un spectacle risible et navrant, l’État est abaissé, les principes républicains méprisés, le Parlement profané.
Et les municipalités saccagées. Si bien des maires de petites communes sont de véritables héros de la République, il n’en va guère de même pour les édiles des grandes métropoles qui n’ont visiblement rien compris à leur rôle ni à leur mission. Élus pour servir la population, ils prennent leur élection pour un blanc-seing, se croient autorisés à faire ce qu’ils veulent, au mépris des citoyens, de l’intérêt général et même des lois. Certains par cupidité, d’autres par idéologie, beaucoup par incompétence et bêtise, ils s’ingénient à pourrir l’existence de ceux dont ils devraient, au contraire, travailler à rendre la vie plus facile, et désignent parmi l’ensemble des citoyens, des « gentils » qu’ils entourent de toutes leurs attentions et à qui ils laissent toute latitude jusque dans leur pire incivisme, et des « méchants » à qui ils dénient le droit de vivre où et comme ils veulent.
Bien plus à l’aise avec la démagogie qu’avec la démocratie, ils dépensent des fortunes en communication, multiplient les festivités clinquantes et « inclusives », et s’enivrent dans l’esbroufe du « participatif » : « démocratie participative », « budget participatif » et autres fadaises ne sont que des escroqueries qui leur permettent de privatiser la démocratie et d’échapper à leurs responsabilités. Ainsi voit-on des Municipalités proposer sans ciller aux citoyens d’arbitrer dans des « budgets participatifs » entre la réfection des toilettes d’une école élémentaire et l’organisation d’un « événement culturel » fumeux destiné à arroser les copains d’argent public !
Amputés de toute dignité, de tout honneur et de tout sens commun, aveuglés par leur idéologie et leur arrogance, ces irresponsables vivent dans une bulle et sont incapables de voir les effets délétères de leurs décisions : effondrement de la sécurité, de la propreté, de la voirie et des circulations… et pour prix de tout cela, effondrement des finances publiques qu’ils sont incapables de gérer correctement. Paris est, bien entendu, l’exemple le plus criant de cette sinistre farce mais bien d’autres collectivités subissent le même chaos.
N’ayant aucune conscience de leurs responsabilités, ils laissent tomber en ruine le patrimoine dont ils ont la charge mais dont ces cuistres arrogants fiers de leur inculture se fichent royalement, vendent des trésors nationaux, sacrifient les paysages aux marchands de vent, vident les centres-villes, leurs commerces et leurs habitants, au profit des zones commerciales, poursuivent vaillamment l’entreprise d’enlaidissement du pays, asphyxient leurs voisins plus petits et plus fragiles…
Et, à l’échelle nationale, le niveau paraît aussi déplorable. La corruption, la soumission à des intérêt étrangers et/ou privés, et le clientélisme gangrènent notre classe politique. Pour acheter la paix sociale ou leurs sièges, combien d’élus sont prêts à toutes les compromissions, jusqu’à sacrifier la laïcité, parmi nos bien les plus précieux ; jusqu’à laisser les enseignants se faire égorger et l’institution scolaire tomber en ruines (l’Éducation nationale étant devenue Garderie inclusive avec la complicité active des parents d’élèves) pendant qu’ils assurent l’avenir de leurs enfants dans l’entre-soi ; jusqu’à détruire volontairement nos services publics ; jusqu’à ne plus assurer la sécurité des Français ; jusqu’à marchander avec les mafias criminelles ou religieuses qui maintiennent leur emprise sur les quartiers abandonnés par la République ; jusqu’à défendre l’indéfendable ?
Alors, plutôt que de rendre des comptes et d’affronter le jugement des citoyens, ils préfèrent détourner l’attention, faire diversion, multiplier les écrans de fumée en divisant la nation pour mieux l’asservir. Alors qu’ils ont pour devoir de maintenir l’unité de la nation française, ils élargissent volontairement les fractures sociales et territoriales, créent des boucs émissaires – selon les goûts : riches, pauvres, chômeurs, automobilistes, fonctionnaires, jeunes, vieux, enseignants, agriculteurs, étrangers, hommes, femmes, hétérosexuels, homosexuels, omnivores… la liste est infinie des méchants fabriqués sur-mesure pour dresser les uns contre les autres – et les désignent à la vindicte pour faire oublier leurs propres turpitudes et leur désintérêt pour le bien commun.
Ce désintérêt n’a d’ailleurs d’égal que leur obsession pour leur propre image et celle que leur renvoient les sondages, cette drogue dure de la classe politique. Les oracles sondagiers sont consultés à tout propos ; ils offrent le confort illusoire d’une compréhension et d’une maîtrise du réel par l’accumulation des tableaux de chiffres. Déconnectés, une grande partie des élus nationaux, des grandes métropoles et des régions vivent dans une bulle et observent le monde réel à travers les enquêtes d’opinion d’aussi loin que nous observons Alpha du Centaure… et encore les images que nous offrent nos télescopes sont-elles moins déformées que celles des sondeurs.
Comment s’étonner, alors, du sentiment d’abandon qui étreint tant de citoyens ? De leur défiance à l’égard d’une caste politique qui ne les comprend pas, qui ne s’intéresse pas à eux, voire qui les raille, les culpabilise et s’ingénie à leur rendre la vie chaque jour plus difficile ? L’amertume est légitime envers la classe politique sans doute la plus médiocre et la plus inculte de notre histoire moderne, incapable de s’élever à la hauteur des enjeux sécuritaires, environnementaux, sociaux, économiques qu’elle doit affronter. Nous aurions besoin de géants et nous sommes gouvernés par des nains.
Comment attendre que le peuple fasse preuve de vertu civique lorsque ceux qui prétendent diriger l’ont abandonnée et ne songent qu’à leurs propres intérêts à leur réélection ? Puisque toute critique de cette caste politique est interdite au prétexte que ce serait du « populisme », la fuite dans l’abstention, aussi regrettable soit-elle, se comprend aisément. Les clowns tristes qui trahissent leur charge pensent bénéficier d’une immunité bien illusoire : l’idée d’un grand débarras qui emporterait toute cette clique dans les poubelles de l’histoire devient chaque jour plus désirable.
Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu’importe ?
Au fond de l’Inconnu pour trouver du nouveau ! [1]
L’inconnu et le nouveau, aussi risqués soient-ils, plutôt que l’humiliant spectacle de l’effondrement civique ? Pourquoi pas. Mais qui en sortira ?
Cincinnatus, 16 octobre 2023
[1] Charles Baudelaire, « Le Voyage ».

On a les politiciens qu’on mérite
S’ils se permettent de faire autant de mal à notre pays, à nos valeurs fondatrices, s’ils se permettent de ne pas régler les problèmes préexistants et d’en créer des nouveaux bien plus graves, le tout en publiant autobiographies à foison, en nous disant maintenant, alors que ça fait 40 ans qu’ils sont au pouvoir, « voilà ce qu’il faut faire », c’est que le peuple lui-même a perdu toute définition du métier de politique, tout attachement à ses valeurs nationales
Nous étions glorieux lors de l’exposition universelle de Paris 1900, et une dizaine d’années plus tard c’est des Américains qui financent la restauration de notre Château de Versailles tombant en ruine, puis la première guerre mondiale, la reconstruction de l’entre deux guerre, la seconde guerre mondiale, la reconstruction d’après guerre, tout ça constamment avec l’argent des Américains
Et maintenant ? C’est à peine si on aurait besoin encore de l’argent des Américains pour un nouveau plan Marshall
Et pourtant tout ceci n’est pas un complot, c’est même ce qu’on apprend à l’école, mais soit on s’en prend aux USA soit on en parle pas. Alors que le seul problème ce sont nos décisions nationales qui nous mettent dans une misère telle qu’on ait besoin de faire l’aumône aux grandes puissances
Pendant ce temps là la Chine, partie d’une misère incommensurable, est en passe de devenir première puissance mondiale en même pas un demi siècle
Évidemment une dictature et une démocratie ne sont pas comparables, mais partis de tout ce que nous avions il était impossible que la France connaisse ce XXeme siècle et encore moins ce début de XXIeme
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