Paris vaut bien une messe

Entrée de Henri IV à Paris le 22 mars 1594, François Gérard (1817)

Les prochaines municipales devraient être l’occasion de rectifier les aberrations des dernières élections, organisées en pleine crise du Covid, avec une campagne biaisée et un taux d’abstention record. Bien que sa légitimité fût très contestable, l’équipe municipale a saccagé Paris en toute sérénité jusqu’à aujourd’hui. Dans quelques mois, les Parisiens pourront donc se prononcer sur cette politique et choisir, peut-être, une autre voie pour leur ville. D’autant que la capitale, comme Lyon et Marseille, est enfin rentrée dans le droit commun et qu’il est dorénavant possible d’élire les maires de ces trois villes hors des scrutins d’arrondissements, l’ancienne loi PLM étant aussi bancale qu’injuste. Dans ces conditions, un candidat pas complètement stupide – mais n’est-ce pas déjà trop demander ? – pourrait aisément gagner une immense majorité de Parisiens, en répondant à leurs aspirations avec un programme très simple autour de trois idées : sécurité, propreté, beauté.

Sécurité. Les Parisiens, aussi, veulent vivre en sécurité. Or le bilan d’Anne Hidalgo et de ses courtisans en la matière est déplorable, eux qui, par leur politique, font tout pour que règne la haine de chacun contre tous. Le « sentiment d’insécurité » a vécu : la négation du réel ne produit que plus d’agressivité, de violence, d’incivilité. Dommage que la municipalité sortante en soit restée aux illusions idéologiques et au déni de réalité. Le ras-le-bol des Parisiens atteint des niveaux inouïs. Les causes en sont multiples mais convergentes : multiplication anarchique façon métastases des terrasses illégales par le lobby bistrotier, avec l’assentiment goguenard des édiles parisiens, qui transforme les rues parisiennes en foires géantes pour le plus grand malheur des riverains ; impunité absolue des cyclards sans foi ni loi qui réussissent l’exploit de faire du vélo le moyen de transport le plus terrifiant pour les piétons, là encore avec la complicité coupable de la Ville qui encourage même la mise en danger volontaire de tous les piétons – enfants et personnes âgées au premier chef… mais qui s’en soucie ? – par ces gamins capricieux mal grandis, militants psychopathes et tyranniques du guidon ; espace public, transports en commun compris, devenu une sorte de far west sans shérif, dans lequel chacun doit rester en permanence sur ses gardes, craignant les violences gratuites et les agressions crapuleuses ; prolifération des narcotrafics, auxquels sont même offertes les fameuses « salles de shoot » qui ne sortent aucun toxicomane de sa dépendance mais détruisent des quartiers entiers livrés aux crackheads et aux dealers… Vivre à Paris n’entraîne pas le stress commun à toutes les grandes villes mais une angoisse très largement partagée – et une colère bien légitime.

Propreté. Que Paris est sale ! Les rats pullulent, n’en déplaise aux adjoints d’Hidalgo qui préfèrent défendre les nuisibles par idéologie et nier la science par paresse et intérêt, plutôt que protéger les citoyens comme leur mandat est censé les y obliger. En vrac (c’est le cas de le dire !) : les déchets s’amoncellent, les rues ne sont pas correctement nettoyées, en automne les trottoirs deviennent des patinoires parce que les feuilles ne sont pas ramassées régulièrement, les grilles Davioud ont laissé la place à des auges à cochons au pied des arbres, les émeutes, manifestations et événements « festifs » (les frontières entre les trois sont parfois difficilement discernables) laissent derrière eux le navrant spectacle de monceaux d’immondices et de dégradations de l’espace public, les nettoyages des graffitis omniprésents se font attendre pendant des semaines, les campements de migrants se multiplient partout dans la ville avec tous les problèmes sanitaires induits tant pour ceux qui survivent sous ces tentes que pour ceux qui vivent autour… Les rues, les trottoirs, les squares, les façades… tout donne l’image d’une piteuse capitale du Tiers-Monde. La faute aux Parisiens, la faute aux touristes, la faute aux migrants… chacun désignera le coupable qu’il voudra. Quoi qu’il en soit, la ville à l’esthétique de ZAD est répugnante et les élus municipaux ne semblent même pas s’inquiéter de n’être plus à tête que d’un infect cloaque.

Beauté. Paris, qui fut l’une des plus belles villes du monde, la capitale de l’élégance, du chic et du raffinement, de l’esprit français… est volontairement enlaidie, sciemment dégradée par ceux qui ont la responsabilité d’en préserver les trésors et le patrimoine. Paris est moche. Éventrée par les travaux sans queue ni tête, sans règle ni ordre, sans information ni fin. Il n’est qu’à voir le rapiéçage arlequinesque de ses rues, les surélévations hideuses qui n’auraient jamais dû être autorisées, la destruction systématique de tout un pan du patrimoine urbain pour construire à la place des immeubles tous plus laids les uns que les autres – dont plus de 3,5 millions de mètres carrés de bureaux condamnés à rester vides – et, cerise de ciment sur le gâteau de béton, la fameuse « tour triangle », sommet de hideur, d’idiotie et de crapulerie, le tout au grand profit des bétonneurs qui se gavent d’argent public et possèdent tous leur rond de serviette à la table de la Ville. Dans une hybris incroyable, dans un fantasme crétin et criminel de la table rase, la rupture est consommée, assumée, revendiquée même, avec l’esthétique traditionnelle de la ville. Le mobilier de Davioud, si parisien, est bazardé avec mépris, parce que si parisien. Comme à la tête de l’État, ont été élus à Paris des cuistres, des ignares, totalement incultes et incompétents en matière d’art, d’histoire et de patrimoine, qui préfèrent le spectacle clinquant d’événements aussi vulgaires que dispendieux à la conservation scrupuleuse d’un patrimoine exceptionnel. Voir la restauration de monuments confiés, hélas, à la responsabilité de ces jean-foutres être soumise aux « budgets participatifs », ces odieux hochets démagogiques où elle côtoie les projets les plus farfelus, les plus inutiles, les plus débiles, devrait soulever le cœur et l’âme de tous les Parisiens, de tous les Français, de tous les individus, d’où qu’ils viennent, un tant soit peu attachés à la beauté et à Paris. Ce patrimoine exceptionnel qui ne nous appartient pas, et encore moins aux politiques parisiens, mais dont nous héritons et que nous avons la charge de transmettre, tout le monde semble s’en fiche. Comme trop encombrant. L’empire du moche a trouvé dans les philistins de l’équipe hidalguienne ses plus zélés serviteurs – traîtres à leur mandat, traîtres à leurs fonctions, traîtres à leurs responsabilités.

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À ces trois priorités absolues, doivent s’ajouter d’une part la saine gestion de la collectivité, donc, tout particulièrement, la lutte contre la gabegie financière ; et, d’autre part, la volonté de rendre Paris de nouveau attractive pour tous et non pour une infime minorité, une clique composée des clients militants et de quelques lobbies alliés qui, ensemble, privatisent la ville.

La situation financière de la Ville est catastrophique en raison, notamment, de projets insensés comme cette absurdité de baignade dans la Seine qui se révèle un gouffre financier, ou bien l’achat d’un parc immobilier gigantesque à des prix pharaoniques, et tant d’autres caprices délirants. L’incompétence et l’impéritie d’une gestion ubuesque, sans contrôle ni vision, conduisent à une explosion de la dette qui approche les 10 milliards d’euros – ces dysfonctionnements ont été très souvent relevés, notamment par la Cour régionale des comptes d’Île-de-France, mais, étrangement, jamais sanctionnés alors qu’ils justifieraient sans doute une mise sous tutelle par l’État. Paris apparaît comme la déplorable caricature de tout ce qui va mal, de tout ce qui ne fonctionne pas dans les collectivités territoriales. Bien d’autres équipes municipales se révèlent en effet tout aussi incapables de gérer correctement leur collectivité et les deniers publics, et font, à leur échelle, de l’hidalguisme, au grand désespoir de leurs administrés. Alors que la question « où passe l’argent public ? » revient comme un mantra dans l’espace public, il faut sérieusement aller voir du côté des collectivités territoriales qui sont responsables d’une grande partie de la dilapidation d’argent public.

Pour éponger l’hémorragie financière dont ils sont coupables, les brillants cerveaux qui dirigent Paris ont décidé de faire payer les Parisiens en faisant exploser leur taxe foncière… sans grand résultat, bien sûr, si ce n’est la colère des contribuables devant une telle injustice. La pilule est en effet difficile à avaler lorsque, parallèlement à l’augmentation considérable des impôts, sont révélés les montants et la nature des notes de frais d’Hidalgo et de ses protégés, collaborateurs, adjoints et maires d’arrondissements. Les symboles sont terribles de ces dépenses somptuaires, de ces voyages à l’étranger sous des prétextes fallacieux et dans des conditions luxueuses, aux frais des Parisiens. Dans une démocratie qui fonctionne correctement, dans une République mue par la vertu civique, tous ces prévaricateurs, tous ces corrompus auraient dû immédiatement démissionner et rembourser jusqu’au dernier centime, avant de se diriger tout droit vers la case prison !

Or, non seulement ils restent à leurs postes mais, en plus, ils poursuivent leur politique clientéliste, au service d’une petite coterie d’obligés, de lobbies alliés et de militants associatifs qui ne vivent que de subventions municipales. Alors qu’ils ont été élus pour améliorer l’existence de tous les citoyens, Anne Hidalgo et ses amis ne gouvernent Paris que pour une infime fraction des Parisiens et vouent une véritable haine idéologique à tous les autres. Résultat : ne restent que les bobos trentenaires sans enfant d’un côté et, de l’autre – parce qu’il ne faut surtout pas se mélanger –, les plus misérables enfermés dans leurs ghettos, dans une parfaite juxtaposition d’enclaves de riches et de pauvres. Ceux qui le peuvent fuient la ville : familles, classes moyennes et populaires… mais aussi les commerces qui ferment (près de 11 % de vacance, selon l’APUR en 2023 !), mais encore les entreprises qui déménagent pour ne plus subir des conditions d’exercice impossibles, mais également les artisans qui refusent les chantiers dans Paris, écœurés par la volonté assumée de pourrir l’existence de tous ceux qui n’ont pas d’autre choix que d’utiliser une voiture… ad nauseam. Est-ce ainsi que les villes meurent ?

Au milieu de ce marasme qui pèse comme un couvercle sur la capitale, l’efflorescence de messages publicitaires pour la municipalité et le matraquage à tous les coins de rue, fin août dernier, d’affiches à la gloire d’un bilan chimérique ont paru surréalistes. Certes, la propagande municipale préélectorale est un grand classique de la désinformation politique auquel on n’accorde plus qu’un vague regard blasé en citoyens devenus, par la force de l’expérience, imperméables aux billevesées des bonimenteurs qui prétendent nous diriger. On avait néanmoins rarement vu un tel niveau de mensonges grossiers. À observer leur campagne délirante et à lire leurs interventions sur les réseaux sociaux, on ne peut qu’en convenir : ces gens-là vivent littéralement dans une autre réalité. Une réalité alternative à laquelle, je le crains, ils croient vraiment. Certes, il est assez probable que tous ne soient pas aussi aveugles (ou dingues) que les plus militants… mais ceux qui, dans les cercles du pouvoir hidalguien, sont conscients des forfaitures de l’équipe sortante s’avèrent peut-être les plus inquiétants : de la cécité volontaire et du cynisme partisan, il est bien difficile de choisir le pire des maux.

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Dans de telles conditions apocalyptiques, n’importe quel politique à peine futé pourrait aisément emporter la mairie l’année prochaine en prenant simplement le contre-pied de l’équipe sortante et en fondant son programme sur le rétablissement de ce que cette dernière a détruit. Le mouvement « #SaccageParis », composé pour l’essentiel de citoyens attachés à leur ville – et sans lien avec des partis de droite ou d’extrême droite, contrairement à ce que prétendent les calomnies hidalguiennes –, offre clé en main tout l’argumentaire nécessaire à un candidat sérieux à la Mairie. Hélas, si nous subissons à Paris la « gauche la plus bête du monde », il semble bien que nous bénéficiions également de la « droite la plus conne de la planète ». Double pleine.

Tous les candidats déclarés, de quelque bord soient-ils, étalent publiquement leur incompétence et leur nullité crasse. À gauche, chez les héritiers d’Hidalgo, comme chez les disgraciés et autres nains ambitieux, personne ne parle vraiment de Paris, chacun préférant afficher, avec sa trombine au charisme d’huître neurasthénique, sa boursouflure égotique et ses projets d’alliances alambiquées et aussi peu crédibles que le bilan catastrophique dont ils ont la garde partagée. Et ce n’est pas mieux à droite où l’on se contente de mettre en scène les haines recuites entre Dati et Hidalgo et les saillies verbales de la ministre de la Culture. Rachida Dati, qui demeure ce que le sarkozisme a produit de pire, nous inflige ainsi le bien piètre spectacle d’une campagne de tiktokeuse cocaïnée.

L’opposition à Hidalgo ne comprend rien, n’a rien compris. Ils ne font que draguer les mêmes lobbies que ceux que papouille la majorité actuelle. Ils n’en ont que pour les bobos militants cyclistes végan. Les familles ? rien à fiche ! Les classes moyennes et populaires ? inconnues au bataillon ! Dati veut « apaiser Paris » ? Merci mais non merci : on s’est déjà bien fait apaiser jusqu’ici. L’usage jusqu’à l’usure de ce vocabulaire débile, de cette novlangue débilitante, exactement identiques à ceux de leurs concurrents, en devient insultant. Tout cela fait sans doute du divertissement de médiocre qualité pour produire du buzz mais certainement pas une politique. Quelle vision pour la capitale de la France ? Aucune.

Les différences entre les candidats ne sont que cosmétiques. L’offre électorale biaisée ne laisse aucun choix réel aux Parisiens, enfermés dans des politiques clientélistes, sectaires et idéologiques. Tel que c’est parti, nous devrons subir du Hidalgo hard ou du Hidalgo soft… mais dans tous les cas, la politique menée ressemblera à s’y méprendre à celle qui détruit Paris depuis deux mandats. Nous sommes victimes d’un véritable déni de démocratie : on peut avoir cinquante candidats, si tous pensent, disent et font la même chose, ce n’est qu’un simulacre de démocratie. Paris et les Parisiens sont condamnés.

Cincinnatus, 24 novembre 2025

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Cincinnatus

Moraliste (presque) pas moralisateur, misanthrope humaniste, républicain râleur, universaliste lucide, défenseur de causes perdues et de la laïcité, je laisse dans ces carnets les traces de mes réflexions : philosophie, politique, actualité, culture…

Une réflexion sur “Paris vaut bien une messe”

  1. Un candidat pas complètement stupide – mais n’est-ce pas déjà trop demander ? – pourrait aisément gagner une immense majorité de Parisiens.

    Le peuple t’attend, Pierre.

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