Totalitarismes, des religions politiques ? – 2. La communauté élue

Précédent : 1. La mystique totalitaire

Les mythes des régimes totalitaires ont pour but central la constitution organique de la communauté élue par le mouvement historique (selon la race ou la classe, c’est-à-dire le principe fondateur, le Realissimum). Cette ecclesia se forge à partir des rituels du régime totalitaire techniciste, et prend pour médiateurs de sa construction une nouvelle langue totalitaire qui participe de l’entreprise de destruction systématique de la pensée, ainsi que le chef, incarnation à la fois de la communauté et du Realissimum, véritable cristallisation du désir des foules.


Sommaire :
I. L’ecclesia
A/ La communauté organique
B/ L’organisation hiérarchique
C/ Le retour du Père primitif
II. La ritualisation de la société
A/ Les rites totalitaires
B/ La ritualisation des purges et la réification de l’être humain
III. Les médiateurs de constitution de la communauté
A/ La novlangue totalitaire, outil contre la pensée
B/ Le chef charismatique, incarnation de la communauté


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Totalitarismes, des religions politiques ? – 1. La mystique totalitaire

Précédent : Introduction

Au fondement du régime totalitaire se trouve d’abord le principe holiste : l’idée qui développe sa propre logique, selon la définition arendtienne de l’idéologie. Or ce mouvement de l’idéologie est celui d’un irrationnel qui se donne pour scientifique, disqualifiant par là même le réel, empêchant de penser et s’auto-immunisant selon un processus gnostique, au sens de Voegelin. Sur celui-ci peuvent dès lors se mettre en place les mythes à la fois fondations et références du régime totalitaire.


Sommaire :
I. Le mouvement de l’idéologie
A/ La modernité du Realissimum
B/ De l’idée à l’idéologie
II. Le processus gnostique
A/ La gnose comme réponse à la crise de l’homme moderne
B/ Le système gnostique hégélien
C/ Le passage du système à l’individu
III. Les mythes
A/ De la gnose aux mythes
B/ Les mythes des totalitarismes
C/ La transmission des mythes


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Totalitarismes, des religions politiques ? – Introduction

À S., en souvenir de ces bons moments partagés.

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Avec la pause estivale, je relance une catégorie de billets que j’ai un peu laissée de côté : « Ils pensent ». Il s’agit, pour quelques semaines, d’oublier l’écume – j’aurai bien l’occasion de parler de ce remaniement à la rentrée… si tant que cela ait un quelconque intérêt – et de plonger dans les profondeurs de la pensée, avec pour guides les écrits de grands esprits qui nous aident à mieux comprendre le monde. Ces détours loin de l’actualité auront, je l’espère, la vertu de remettre un tant soit peu d’ordre dans le chaos ambiant. Je reprends donc avec une première série de billets qui explorent la question : « en quoi les totalitarismes nazi et stalinien peuvent-ils être interprétés comme des religions politiques ? », en suivant les réflexions d’Eric Voegelin, Ernst Cassirer, Raymond Aron et Hannah Arendt, entre autres [1].
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La notion de vérité en science (6) – L’ambiguïté au cœur de la science selon Gaston Bachelard

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Gaston Bachelard

Gaston Bachelard considère que la science progresse par négations progressives des paradigmes précédents[1]. Il cite ainsi les différentes théories du « non » : « la géométrie non-euclidienne, la mesure non-archimédienne, la mécanique non-newtonienne avec Einstein, la physique non-maxwellienne avec Bohr, l’arithmétique aux opérations non-commutatives qu’on pourrait désigner comme non-pythagoricienne[2] », dans lesquelles la négation englobe, intègre, ce qu’elle nie. Lire la suite La notion de vérité en science (6) – L’ambiguïté au cœur de la science selon Gaston Bachelard

La notion de vérité en science (5) – Le tournant de la « modernité » selon Alexandre Koyré

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Alexandre Koyré

Il faut étudier les révolutions scientifiques du double point de vue de l’histoire des sciences et de l’histoire de la philosophie. En effet, selon Alexandre Koyré[1], les grandes disputes scientifiques, les grandes découvertes se font inévitablement dans l’espace commun entre les champs de la science et de la philosophie ; et les œuvres scientifiques doivent ainsi toujours être replacées dans leur contexte intellectuel. Par conséquent, les idées des Anciens ne peuvent pas être traduites en langage moderne : les démonstrations et expérimentations d’Archimède doivent être étudiées dans le langage de la science et de la philosophie du monde d’Archimède. Lire la suite La notion de vérité en science (5) – Le tournant de la « modernité » selon Alexandre Koyré

La notion de vérité en science (4) – Tentative de conciliation des approches de Popper et Kuhn

Les positions de Popper et Kuhn ne s’opposent pas autant qu’eux-mêmes veulent bien le dire. En apparence, la progression par essais et erreur du premier ne peut aisément s’accorder avec les révolutions radicales du second. De même, la science normale demeure un concept inacceptable pour Popper qui perçoit la théorie de son ancien élève comme profondément contraire à son critère de réfutabilité. Lire la suite La notion de vérité en science (4) – Tentative de conciliation des approches de Popper et Kuhn

La notion de vérité en science (3) – Les révolutions de paradigmes selon Thomas Kuhn

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Thomas Kuhn

Thomas Kuhn, qui fut l’élève de Popper, s’oppose en apparence à lui dans sa conception de l’évolution de la connaissance scientifique. Selon Kuhn, la science avance par révolutions du paradigme dominant, établi par ce qu’il appelle la « science normale », et non par élargissements successifs. Il peut ainsi dire, à propos de ces révolutions scientifiques : « chacune d’elles a exigé que le groupe rejette une théorie scientifique consacrée par le temps en faveur d’une autre qui était incompatible[1] », ce changement de paradigme par révolutions successives, étant « le modèle normal du développement d’une science adulte[2]. » Lire la suite La notion de vérité en science (3) – Les révolutions de paradigmes selon Thomas Kuhn

La notion de vérité en science (2) – La réfutabilité des théories selon Karl Popper

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Karl Popper

Pour être comprise, la pensée épistémologique de Karl Popper doit être remise dans son contexte intellectuel. En effet, son ouvrage La logique de la découverte scientifique (1959) constitue une réponse au cercle de Vienne, promoteur de l’empirisme logique[1]. Lire la suite La notion de vérité en science (2) – La réfutabilité des théories selon Karl Popper

La notion de vérité en science (1) – Le positivisme selon Auguste Comte

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Auguste Comte

Auguste Comte, fondateur du positivisme, résume l’histoire humaine par sa théorie des trois états :

  • L’âge théologique : l’homme explique les phénomènes extérieurs par des êtres comparables à lui-même.
  • L’âge métaphysique : il invoque des entités abstraites.
  • L’âge positif : il observe les faits et établit des relations, des lois entre eux.

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La notion de vérité en science – Introduction

Après les concepts d’idéologie et d’utopie chez Ricoeur, de monde commun chez Arendt et de novlangue chez Klemperer et Orwell, je souhaite aborder un autre continent pour lequel j’ai une affection particulière : celui des sciences dites exactes, ainsi que de leur histoire et de leur philosophie.

Pour l’instant, je m’intéresse au statut de la « vérité » dans le processus scientifique. Drôle de question, sans doute, mais qui ouvre à la pensée un champ passionnant à explorer. Pour l’aborder, je n’aurai la prétention de proposer ni une dissertation érudite ni une thèse qui se voudrait exhaustive, mais plutôt, de manière presque impressionniste, une série de petits billets résumant les travaux de quelques penseurs qui se sont penchés sur le sujet. Bien entendu, ce ne sont là que des incursions trop rapides à l’intérieur d’une sélection très partielle… peut-être auront-elles malgré tout le mérite d’encourager à approfondir ces questions. Lire la suite La notion de vérité en science – Introduction