« Foules sentimentales »

La Lapidation de saint Étienne, Rembrandt (1625)

Sale temps pour la justice. Et je ne parle pas ici de la tempête provoquée par la condamnation de Marine Le Pen, bien qu’elle participe à cette sinistre météo.

L’institution, comme bien d’autres, est en ruines ; et les individus oscillent entre sentiments d’injustice et d’impunité. Il faut dire qu’avec ses procédures longues et tatillonnes destinées à asseoir la certitude de culpabilité, elle ne s’accorde guère à la frénésie qui agite notre époque ; qu’avec son culte du secret conçu pour assurer la sérénité de l’enquête et de l’instruction, elle subit la suspicion généralisée à l’égard de quiconque refuse la dictature de la transparence ; qu’avec ses principes surannés comme la présomption d’innocence et le débat contradictoire, elle doit affronter la soif de châtiment des masses en quête de divertissements sans cesse renouvelés.

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À qui la faute ?

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Le Massacre de la Saint-Barthélemy, François Dubois (ca. 1572-1584)

Il n’y a place que pour une seule cause dans leur champ de vision et elle triomphe absolument, elle absorbe toute autre causalité, et c’est le bouc émissaire.
René Girard, Le Bouc émissaire

La chasse aux sorcières et le sacrifice cathartique de boucs émissaires sont des constantes sordides de l’humanité ; à tous les maux, un coupable doit être trouvé et condamné [1]. La pulsion inquisitoriale se porte très bien dans notre formidable modernité ; cette volonté de faire porter la faute sur un autre à exécuter en place publique se déchaîne, afin de mieux soulager sa propre culpabilité, de s’en prendre à des cibles expiatoires sur lesquelles déverser son ressentiment et de laver sa (mauvaise) conscience plus blanc que blanc. Lire la suite…