La trahison des images

Amoureux de la Vérité et rêveurs de sagesse, tremblez ! Rien ne pourra plus être tangible, certain, étayé, tenu pour réel : la suspicion doit accompagner chaque « information » – bienvenue dans l’ère de la « post-vérité » et des « fake news ». Ces mots, produits d’importation, désignent-ils des phénomènes à tel point nouveaux qu’il n’existait pas de termes ni de concepts pouvant les décrire ? Sans même évoquer Platon, Descartes ou Nietzsche, leurs questionnements et leurs usages du doute, constatons la vénérable ancienneté de notions comme intox, manipulation, trucage, mensonge ou propagande qui ont toujours existé et ont prospéré sous toutes les formes de régimes politiques et d’organisations sociales. Alors… quoi de neuf sous le soleil ou dans la Caverne ? L’angoisse vaguement paranoïaque devant les possibilités qu’offre la technique en matière de détournement des images et vidéos n’est-elle qu’une mode inventée par les cyniques postmodernes pour se faire frémir artificiellement ?
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Les réseaux sociaux, les GAFAM et la démocratie

Prométhée par Theodoor RomboutsDonald Trump a été banni de Twitter – ses comptes ont été également supprimés d’autres réseaux sociaux et plateformes en ligne. L’entreprise à l’oiseau bleu a osé interdire l’accès à ses services à un futur-ancien-président-des-États-Unis. Avec lui, quelques dizaines de milliers de ses partisans ne pourront plus gazouiller ni accéder à certains services en lignes comme Airbnb. Ces conséquences de la « prise du Capitole » du 6 janvier 2021 semblent prendre des proportions presque plus importantes encore que l’événement lui-même. On se déchire sur les plateaux télé, les stations de radio et – surtout ! – lesdits réseaux sociaux. Les gros mots sont de sortie : « (ir)responsabilité », « justice », « dictature », « démocratie en danger »… on s’émeut, ça fait le buzz. Avant de vite passer à autre chose. Lire la suite…

La Vérité est ailleurs…

Les paranoïas collectives et individuelles qui s’abreuvent complaisamment des rumeurs et scénarios farfelus n’ont pas attendu la caisse de résonnance des réseaux sociaux pour imprégner les esprits. Certes. Ceci étant, les possibilités de propagation instantanée des informations, vraies mais surtout fausses, ajoutées à la constitution de communautés agrégées autour de visions du monde partagées dont l’entre-soi renforce les préjugés, amplifient ces phénomènes à un degré inconnu auparavant. Sans céder à la disqualification facile de ceux qui se laissent convaincre par les discours complotistes, il est plus fructueux de tenter d’analyser les mécanismes en jeu et leur efficace. Lire la suite…

De l’anonymat et du pseudonymat en ligne

L’anonymat sur les réseaux sociaux n’existe pas. On s’y présente toujours sous une apparence choisie, sous une identité réelle ou d’emprunt. Le pseudonyme n’est pas un anonymat, il porte en lui un sens, un imaginaire et une volonté. Il affirme un message avant même toute prise de parole sur ces scènes publiques, à la manière du costume revêtu pour se présenter à la lumière de l’espace public réel. Son choix ne peut être neutre parce qu’il est en soi un acte de monstration et de démonstration. Mais le masque du pseudonyme est un Janus bifront, source simultanée de liberté et d’irresponsabilité dont la puissance de dissimulation et de révélation excite les désirs de censure.
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Réseaux sociaux : la censure Godwin

Plus une discussion en ligne dure longtemps, plus la probabilité d’y trouver une comparaison impliquant les nazis ou Adolf Hitler s’approche de 1.
Mike Godwin, 1990

Sur les réseaux sociaux de la fin des années 2010, en général, « dure longtemps » équivaut à deux fois 280 caractères, soit un simple aller-retour.
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Éphémères icônes du buzz médiatique

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Vaccins, Catalogne, glyphosate, Trump et la Corée du nord, Luxleaks, Hanouna et les homosexuels, Macron en Afrique, Mélenchon et le Venezuela, Panama papers, mort de Jean d’Ormesson effacée dès le lendemain par celle de Johnny Halliday, Hanouna et les femmes, Trump et la Russie, Trump et Jérusalem, Paradise papers, tweet crétin d’un milliardaire joueur de baballe… tout dans le désordre et puis j’ai arrêté de noter. Demain ? Morts de Bardot, Delon et Chirac, scandale financier international sur fond de fraude fiscale, Trump et X, nouvelle saloperie hanounesque…

Trop d’inévénements quotidiens, trop d’écume.
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Vae victis

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Le « walk of shame » de Cersei dans Game of Thrones : modèle de cette élection ?

Depuis une semaine, la campagne présidentielle est terminée. Emmanuel Macron est le nouveau président de la République. Tant mieux pour lui. Comme beaucoup, j’ai mis dans l’urne un bulletin à son nom, ne faisant mon choix qu’au dernier moment, dans l’isoloir. On ne s’étonnera pas que cela ne signifie pas une adhésion au personnage ni à son programme : au contraire [1]. Quoiqu’amère, j’assume cette décision parce que c’est mon vote, décidé en conscience… et malgré toutes les innommables pressions exercées entre les deux tours. Car, si la campagne électorale avant le premier tour avait déjà été odieuse, celle qui a suivi a repoussé les bornes de l’abjection. C’est toute la France qui a sombré dans une folie puérile et suicidaire [2].
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Une campagne détestable

Pollice Verso, by Jean-Léon Gérôme
La politique selon twitter (Pollice Verso, Jean-Léon Gérôme)

J’ai vécu pas mal de campagnes, j’ai même participé activement à plusieurs. J’en connais l’exaltation, les crispations, l’adrénaline, l’énervement. J’ai chanté des slogans qui préféraient le bon mot de mauvais goût à la profondeur du sens[1]. J’ai vu les perfidies, les boules puantes, les rumeurs, les bassesses. On ne me traitera pas de bisounours.

Mon billet de la semaine dernière m’a valu les foudres de bon nombre d’allumés. Continuer la lecture de Une campagne détestable