
Le 16 novembre dernier, le régime algérien arrêtait Boualem Sansal à son arrivée à l’aéroport. Depuis, l’écrivain âgé de 75 ans et atteint d’un cancer croupit en prison. Il a attendu plus de quatre mois pour que se tienne, le jeudi 20 mars, son procès devant le tribunal de Dar El Beida – un « procès » qui n’a duré qu’une vingtaine de minutes et s’est appuyé sur des conversations privées volées dans son téléphone et son ordinateur –, au cours duquel ont été requis dix ans de prison et un million de dinars d’amende (soit environ 7 000 euros) pour « atteinte à l’unité nationale, outrage à corps constitué [i.e. insulte envers l’armée], atteinte à l’économie nationale et détention de vidéos et de publications menaçant la sécurité et la stabilité nationales », échappant à l’accusation d’« intelligence avec l’ennemi », un temps retenue mais finalement écartée. Une semaine plus tard, le jeudi 27 mars, le verdict est tombé : Boualem Sansal est condamné à cinq ans de prison ferme et à une amende d’un demi-million de dinars.
Emprisonner un écrivain parce qu’il se sert de sa plume et de sa voix pour dire ce qu’il voit, pour prendre publiquement position contre l’islamisme – sujet qu’il connaît douloureusement et à propos duquel son témoignage est si précieux –, pour éclairer les consciences… c’est attaquer frontalement la liberté d’expression, menacer tous les intellectuels, tous les témoins, tous ceux qui, à leur niveau, luttent aussi bien contre les dictatures, l’algérienne en particulier, que contre l’islamisme. Exactement comme l’attentat opportuniste contre la littérature que représente l’affaire Daoud, l’objectif de ce terrorisme est de sacrifier publiquement des exemples expiatoires : « voilà ce qui vous attend si vous osez écrire ou parler : le harcèlement, les menaces, les procès, l’embastillement ». Si de grands écrivains comme Daoud et Sansal ne sont même pas protégés par leur célébrité et sont susceptibles de subir de tels traitements, l’anonyme qui se bat à son échelle contre la progression de l’islamisme ou contre la corruption d’un régime pourri jusqu’à la moelle ne peut que désespérer et capituler.
L’Algérie est une dictature corrompue qui ne vit que de la haine et qui profite de toutes les occasions pour l’entretenir – depuis l’avocat de Sansal à qui l’on refuse de voir son client au prétexte qu’il serait juif, jusqu’à toutes les manipulations historiques destinées à intoxiquer le peuple algérien et ceux qui, à l’étranger, s’imaginent appartenir à cette communauté nationale. Rien de mieux, pour maintenir le joug sur un peuple que de lui servir un ennemi identitaire et historique. La colonisation a bon dos : depuis l’indépendance de l’Algérie, la France fait office de bouc émissaire très commode pour que se perpétuent la gabegie généralisée et la corruption institutionnalisée. La haine algérienne antifrançaise n’est que cynisme et opportunisme pour faire oublier les turpitudes de la pègre au pouvoir.
Après la décennie noire de la guerre civile, effacée par l’imposition d’une funeste amnésie nationale – dont le roman Houris de Daoud parle magnifiquement –, l’islamisme est devenu un instrument fort utile dans les entreprises de déstabilisation qui visent la France. L’idéologie islamiste représente le meilleur produit d’exportation pour un marché français en plein développement. Le bourrage de crâne que subissent des dizaines de milliers de gamins aux identités fantasmées fait d’eux de véritables bombes à retardement. Élevés dans la calomnie de la France et dans les mirages d’une Algérie pays de cocagne, ils ne connaissent de l’islam que les visions salafiste et frériste et s’empressent de prêter allégeance à une illusion [1].
Or, pour des raisons idéologiques ou clientélistes, la classe politique française se montre incapable de répondre à ce qui demeure le plus grand risque pour notre nation. En-dehors de quelques figures courageuses qui émergent et osent émettre des discours divergents, la soumission des élus et la trahison des partis sont générales.
Toute une partie de la gauche – et aujourd’hui cette partie semble très majoritaire dans les différents mouvements qui la composent – a fait explicitement alliance avec l’islamisme. LFI et EELV, tout particulièrement, ne tentent même pas de cacher leurs trahisons et les revendiquent. En ce qui concerne Boualem Sansal, l’abjection a atteint des niveaux stratosphériques lorsque cinq députés européens de LFI ont voté contre la résolution réclamant sa libération (Emma Fourreau, Anthony Smith et, bien entendu, Rima Hassan qui endosse parfaitement le rôle de porte-parole du Hamas et de toute l’internationale islamiste) ou se sont lâchement abstenus (Manon Aubry et Younous Omarjee). Des dignitaires de gauche sont même allés jusqu’à refuser leur soutien à Sansal au prétexte qu’il serait d’« extrême droite » (accusation éculée que subit aussi Kamel Daoud) et donc de l’avoir un peu cherché, quand même… alors qu’ils militent ardemment pour la libération du terroriste libanais Georges Ibrahim Abdallah !
Ceux-là même qui hurlent au « racisme d’État » en France ferment les yeux sur l’antisémitisme d’État en Algérie. Peu étonnant : l’antisémitisme est devenu le marqueur d’une certaine gauche qui ne voit dans la défense de la Palestine qu’une occasion de draguer les musulmans en France et de laisser libre cours à leur haine des juifs. Inutile de se cacher derrière son petit doigt : la recrudescence des actes antisémites depuis le pogrom du 7 octobre 2023 est largement encouragée par les dirigeants politiques de « gauche » : ils en sont responsables, malgré leurs dénégations outrées. Ces collabos de l’islamisme sont des traîtres et doivent être traités comme tels. Les attaques de certains contre l’homme de lettres, l’assourdissant silence des autres et les larmes de crocodiles des derniers tartuffes ne sont que la preuve de leur complicité avec les ennemis de la France.
La plus grande partie de la gauche – à quelques exceptions notables près, j’insiste, dont l’honneur fait d’eux les cibles des attaques les plus abjectes de leur camp – a abandonné Sansal et la France. Soit. Mais la droite, de son côté, n’a guère de leçons à donner en matière de patriotisme, elle qui trahit tout autant la laïcité et exhibe sa fascination pour d’autres ennemis de notre pays, comme, au hasard, le Qatar. Quant au gouvernement, malgré la participation de certains de ses membres au mouvement de défense du romancier (qu’ils en soient remerciés), il démontre, une fois de plus, son incapacité à faire respecter la France sur la scène internationale et à y défendre nos intérêts nationaux. Certes, la diplomatie nécessite secret, patience et sang-froid… mais depuis l’emprisonnement de Sansal, on ne peut que constater une inefficacité honteuse et une humiliation qui s’ajoute à toutes les couleuvres avalées jusqu’à présent – ainsi de ces « influenceurs », agents de déstabilisation renvoyés en Algérie à grand renfort de communication et… tout simplement refusés à leur arrivée. Alors que l’Algérie agit officiellement en ennemi de la France, on en est à compter sur une grâce présidentielle qui pourrait être accordée à notre compatriote s’il ne fait pas appel… et notre Président lui-même assurait le 20 mars faire « confiance au président Tebboune et à sa clairvoyance ». Une telle obséquiosité est à vomir.
Qui défend les intérêts nationaux ? qui défend la France et les Français ?
Un mouvement civique s’est constitué pour réclamer la libération de Boualem Sansal, animé par les habituelles associations de défense de la laïcité et de la liberté d’expression qui tentent de pallier l’incompétence, la veulerie et la complicité de beaucoup trop de nos dirigeants politiques. Mais Boualem Sansal est le symbole de tous nos renoncements, de toutes nos compromissions. Une honte absolue. Alors que les relations diplomatiques avec l’Algérie devraient être suspendues depuis longtemps, qu’il devrait être mis fin à tous les avantages accordés à ce régime (restriction drastique des visas, fin de l’aide au développement, gel des avoirs des dirigeants algériens, dénonciation des accords d’Évian…), nos gouvernants persistent dans la voie de la soumission et refusent d’accepter la vérité : nous n’avons rien à faire avec ce régime, avec ce pays. Et nous devons tout faire pour que cesse ce scandale : Boualem Sansal doit être libéré !
Cincinnatus, 31 mars 2025
[1] Il faut lire les excellents livres de Fatiha Agag-Boudjahlat Les Nostalgériades : Nostalgie, Algérie, Jérémiades, de Florence Bergeaud-Blackler, Le frérisme et ses réseaux, l’enquête, et de Louise El Yafi, La femme est un islamiste comme les autres.

« Le savoir, la culture, le socle de connaissances communes, s’ils ne sont en aucun cas un rempart absolu contre le racisme, l’autoritarisme ou, tout simplement, la bêtise, offrent malgré tout un solide bouclier contre l’aveuglement collectif. » (Olivier Mannoni, Coulée brune, Héloïse d’Ormesson, 2024)
Bien amicalement,
Thierry Maricourt
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