Une bonne guerre ! 4. Les derniers hommes

Le Siège de Paris, Ernest Meissonnier (1884)

23 mars 2…

L’aspiration à un retour à la « vie normale » imprégnait à ce point tous les esprits que la « normalisation » – tel était le nom donné au grand plan de pacification et de réparation dessiné par l’Allemagne et la Russie, avec l’assentiment des États-Unis et de l’Union européenne, afin de sortir de la crise intense qui avait secoué le pays – ne fut pas même discutée. Pas plus que la signature du traité de Versailles qui instaurait une nouvelle Constitution et entérinait, de fait, la disparition de la souveraineté de la France. Officiellement, les institutions de l’Union européenne se chargeaient de la « sauvegarde » politique et économique du pays ; en réalité, le dominion germano-russe en commandait dorénavant les destinées.

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Une bonne guerre ! 3. Tout est chaos

Le Siège de Paris, Ernest Meissonnier (1884)

Lundi 21 juillet 2025

Toutes les nuits pendant les trois semaines qui suivirent le déclenchement de l’état de siège, le pays vécut des émeutes inouïes. Les centres-villes des métropoles, mais aussi des villes moyennes ainsi que quelques bourgs, subirent des violences à répétition d’un lumpencaïdat depuis longtemps travaillé par les mafias criminelles et religieuses. Chaque soir, casseurs et voyous descendaient dans les rues pour s’attaquer aux boutiques qu’ils pillaient, aux symboles de l’État – quatre préfectures et douze mairies furent incendiées –, aux écoles, aux bibliothèques, aux musées, aux théâtres, aux hôpitaux et jusqu’aux crèches. Le mobilier urbain fut largement vandalisé et des arbres furent même déracinés. Symbole terrible, la statue de la République, à Paris, fut dynamitée. Les émeutiers, pour certains lourdement armés, dévastaient tout mais, surtout, tendaient des guet-apens aux policiers et aux militaires avec lesquels ils voulaient ostensiblement en découdre. En trois semaines, quinze policiers et sept soldats furent tués dans ces combats de rue, provoquant une escalade sans précédent des violences.

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Une bonne guerre ! 2. La nuit la plus longue

Le Siège de Paris, Ernest Meissonnier (1884)

Lundi 23 juin 2025, après-midi

À peine trois heures après l’événement, les députés reprirent leurs travaux dans une ambiance apocalyptique. En ouverture, la condamnation de l’attentat par la présidente de l’Assemblée fut unanimement acclamée sur tous les bancs. Néanmoins, à peine les applaudissements terminés, dans un chaos sonore rarement entendu sous la Ve, le gouvernement fut interpellé de tous les côtés de l’Hémicycle. Sommé par la représentation nationale de donner des nouvelles de la santé du Président et de dire si, comme prévu par la Constitution, l’intérim allait être confié au président du Sénat, François Bayrou, tendu et agressif, répliqua quelques mots cinglants à propos de l’irresponsabilité de ses adversaires, refusa de répondre aux questions des parlementaires et quitta la séance au bout de seulement quelques minutes, sous les huées des oppositions. Les députés macronistes eux-mêmes étaient consternés. Le ministre de l’Intérieur prit la suite et, à son tour, esquiva toutes les questions, prétextant le secret de l’enquête. À droite comme à gauche, les députés manifestèrent leur colère au point que la séance fut rapidement levée.

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Une bonne guerre ! 1. De l’eau dans le gaz

Le Siège de Paris, Ernest Meissonnier (1884)

Mardi 17 juin 2025

Emmanuel Macron enrageait de se sentir si impuissant. Au plus bas dans les sondages après l’échec de son referendum, en début d’année, pour réformer la Constitution et, surtout, faire sauter la limitation des deux mandats présidentiels, il en était réduit à observer les ambitions des uns et des autres. L’ex-Mozart de la finance définitivement hors jeu et devenu encombrant même pour son propre camp, toute la classe politico-médiatique semblait avoir tourné la page du macronisme. On ne pensait plus qu’à 2027, on ne parlait plus que de 2027. Marine Le Pen flottait dans la stratosphère sondagière pendant que les autres candidats putatifs, parmi lesquels une bonne poignée de ministres que le Président ne pouvait plus supporter, se poussaient pour être au premier rang des photographies et, peut-être, au second tour contre la nouvelle madone de l’opinion publique. Dans tous les partis, les lames luisaient.

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Nous aurons froid cet hiver…

Maison de thé à Koishikawa, le matin après une chute de neige, Katsushika Hokusai (v. 1830)

Le prix de l’énergie explose, nous devons donc baisser le chauffage à 19°C – voilà la solution du gouvernement français pour résoudre la grave crise à la fois énergétique et économique qui nous tombe dessus. « C’est un peu court, jeune homme ! », rétorquerait Cyrano. En effet, rien de ce qui nous arrive ici ne résonne comme un coup de tonnerre dans un ciel sans nuage. Bien au contraire ! Toutes les politiques énergétiques depuis trente ans tendaient vers cette crise ; la guerre en Ukraine n’a servi que d’étincelle au milieu d’un entrepôt savamment chargé de poudre.

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L’Union européenne contre l’Europe

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L’enlèvement d’Europe, Giambattista Tiepolo (1725)

J’aime l’Europe. Sans doute est-ce pour cela que je ne peux supporter ce que les institutions de l’Union européenne lui font. La confusion des deux – UE et Europe – est d’ailleurs la meilleure arnaque antipolitique qui soit (avec l’idée ahurissante que les éoliennes sont bonnes pour l’environnement, mais c’est une autre histoire).
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Totalitarismes, des religions politiques ? – Conclusion

Précédent : 2. La communauté élue

Au commencement est l’idée. Le Realissimum politique se donne pour scientifique, se propage par contagion à l’ensemble des champs de savoir et d’agir de la société, et imprime son idéologie totale aux consciences. Le dogme s’épanouit dans un processus gnostique d’explication pseudo-scientifique du monde et d’annonce à une communauté élue de lendemains qui chantent : domination des autres races ou véritable démocratie après la révolution prolétarienne. Lire la suite…

Totalitarismes, des religions politiques ? – 2. La communauté élue

Précédent : 1. La mystique totalitaire

Les mythes des régimes totalitaires ont pour but central la constitution organique de la communauté élue par le mouvement historique (selon la race ou la classe, c’est-à-dire le principe fondateur, le Realissimum). Cette ecclesia se forge à partir des rituels du régime totalitaire techniciste, et prend pour médiateurs de sa construction une nouvelle langue totalitaire qui participe de l’entreprise de destruction systématique de la pensée, ainsi que le chef, incarnation à la fois de la communauté et du Realissimum, véritable cristallisation du désir des foules.


Sommaire :
I. L’ecclesia
A/ La communauté organique
B/ L’organisation hiérarchique
C/ Le retour du Père primitif
II. La ritualisation de la société
A/ Les rites totalitaires
B/ La ritualisation des purges et la réification de l’être humain
III. Les médiateurs de constitution de la communauté
A/ La novlangue totalitaire, outil contre la pensée
B/ Le chef charismatique, incarnation de la communauté


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Totalitarismes, des religions politiques ? – 1. La mystique totalitaire

Précédent : Introduction

Au fondement du régime totalitaire se trouve d’abord le principe holiste : l’idée qui développe sa propre logique, selon la définition arendtienne de l’idéologie. Or ce mouvement de l’idéologie est celui d’un irrationnel qui se donne pour scientifique, disqualifiant par là même le réel, empêchant de penser et s’auto-immunisant selon un processus gnostique, au sens de Voegelin. Sur celui-ci peuvent dès lors se mettre en place les mythes à la fois fondations et références du régime totalitaire.


Sommaire :
I. Le mouvement de l’idéologie
A/ La modernité du Realissimum
B/ De l’idée à l’idéologie
II. Le processus gnostique
A/ La gnose comme réponse à la crise de l’homme moderne
B/ Le système gnostique hégélien
C/ Le passage du système à l’individu
III. Les mythes
A/ De la gnose aux mythes
B/ Les mythes des totalitarismes
C/ La transmission des mythes


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Totalitarismes, des religions politiques ? – Introduction

À S., en souvenir de ces bons moments partagés.

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Avec la pause estivale, je relance une catégorie de billets que j’ai un peu laissée de côté : « Ils pensent ». Il s’agit, pour quelques semaines, d’oublier l’écume – j’aurai bien l’occasion de parler de ce remaniement à la rentrée… si tant que cela ait un quelconque intérêt – et de plonger dans les profondeurs de la pensée, avec pour guides les écrits de grands esprits qui nous aident à mieux comprendre le monde. Ces détours loin de l’actualité auront, je l’espère, la vertu de remettre un tant soit peu d’ordre dans le chaos ambiant. Je reprends donc avec une première série de billets qui explorent la question : « en quoi les totalitarismes nazi et stalinien peuvent-ils être interprétés comme des religions politiques ? », en suivant les réflexions d’Eric Voegelin, Ernst Cassirer, Raymond Aron et Hannah Arendt, entre autres [1].
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