De l’anonymat et du pseudonymat en ligne

L’anonymat sur les réseaux sociaux n’existe pas. On s’y présente toujours sous une apparence choisie, sous une identité réelle ou d’emprunt. Le pseudonyme n’est pas un anonymat, il porte en lui un sens, un imaginaire et une volonté. Il affirme un message avant même toute prise de parole sur ces scènes publiques, à la manière du costume revêtu pour se présenter à la lumière de l’espace public réel. Son choix ne peut être neutre parce qu’il est en soi un acte de monstration et de démonstration. Mais le masque du pseudonyme est un Janus bifront, source simultanée de liberté et d’irresponsabilité dont la puissance de dissimulation et de révélation excite les désirs de censure.
Lire la suite…

La société de l’obscène

L’ignoble est devenu la règle. Images des incendies australiens, vidéos tournées clandestinement dans des abattoirs ou des élevages intensifs [1], matraquage de scènes d’humiliations d’individus ou de massacres de populations entières… le chapelet d’ignominies s’égrène sur tous les écrans dans une juxtaposition clipesque aux effets narcotiques. La diffusion continue d’images atroces de souffrance, d’actes odieux commis contre l’homme, le vivant ou la planète dévoile ce que chacun fait mine d’ignorer et s’empresse d’oublier. Alors que nous devrions tous trembler d’effroi et ostraciser les coupables hors de la société des hommes, les réactions effarouchées de l’instant laissent aussitôt la place à l’émotion suivante.
Lire la suite…

« Ta gueule, t’es pas concerné »

Au sommet de l’arrogance recuite, l’interdit de parole par culpabilité d’essence, résumé dans cette formule rabâchée comme un leitmotiv totalitaire : « ta gueule, t’es pas concerné » [1]. Cette censure diablement à la mode repose sur deux postulats très simples mais intrinsèquement faux qui se cumulent : d’une part, seule une personne ayant subi quelque injustice, vécu quelque situation, aurait le droit de s’exprimer à ce sujet ; d’autre part, on naît victime ou bourreau. Conséquence : seules les femmes sont légitimes à évoquer le sexisme parce que tous les hommes sont des porcs, seuls les « racisés » peuvent s’exprimer sur le racisme parce que tous les blancs sont racistes [2], seuls les homosexuels ont le droit de s’élever contre l’homophobie parce que tous les hétérosexuels sont homophobes, etc. etc.
Lire la suite…

L’astre mort de la discussion

 

Tout ce qui est excessif est insignifiant

(Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord)

Recuite à toutes les sauces les plus indigestes, la citation de Talleyrand exprime l’aversion tant pour l’outrecuidance que pour la discussion. Ainsi le pamphlet meurt-il de l’indigence intellectuelle et rhétorique contemporaine. Cette tradition à laquelle les plus grands se sont prêtés avec une joie gourmande ne peut qu’insupporter notre époque incapable de second degré. L’ironie, la finesse d’esprit, mises au service d’un discours volontairement démesuré, ne supportent pas la bêtise ambiante. Parce que tel est le principe du pamphlet : élever le discours à la puissance de l’outrance pour dévoiler l’obscène du réel. Mais toujours avec esprit ; et, pour les plus talentueux, un humour féroce et assassin. Aujourd’hui, Voltaire grillerait sur un bûcher facebookien ; Desproges serait crucifié.
Lire la suite…

La démagogie a de l’avenir

Tout débute toujours à l’école. Aujourd’hui, tout s’y achève aussi, comme on achève dans les films un vieux compagnon blessé : des larmes dans les yeux et une balle dans la tête. L’idéal émancipateur des Lumières, incarné dans une école dévouée à l’instruction de citoyens en devenir, expire dans les remugles de la démagogie crasse. « Chez l’enfant, il n’y a d’éternité qu’en puissance » (Kierkegaard). Puissance interdite de se réaliser par les excès d’une « bienveillance » étouffoir. Au nom de bons sentiments et d’une autoproclamée éthique de la compassion qui ne puise en réalité qu’au ressentiment des adultes, l’école abandonne son domaine – celui de la transmission des savoirs et de la fréquentation des classiques en toutes disciplines, destinées à structurer l’enfant et à l’intégrer au monde commun.
Lire la suite…

Réseaux sociaux : la censure Godwin

Plus une discussion en ligne dure longtemps, plus la probabilité d’y trouver une comparaison impliquant les nazis ou Adolf Hitler s’approche de 1.
Mike Godwin, 1990

Sur les réseaux sociaux de la fin des années 2010, en général, « dure longtemps » équivaut à deux fois 280 caractères, soit un simple aller-retour.
Lire la suite…

Éphémères icônes du buzz médiatique

bosch-hell

Vaccins, Catalogne, glyphosate, Trump et la Corée du nord, Luxleaks, Hanouna et les homosexuels, Macron en Afrique, Mélenchon et le Venezuela, Panama papers, mort de Jean d’Ormesson effacée dès le lendemain par celle de Johnny Halliday, Hanouna et les femmes, Trump et la Russie, Trump et Jérusalem, Paradise papers, tweet crétin d’un milliardaire joueur de baballe… tout dans le désordre et puis j’ai arrêté de noter. Demain ? Morts de Bardot, Delon et Chirac, scandale financier international sur fond de fraude fiscale, Trump et X, nouvelle saloperie hanounesque…

Trop d’inévénements quotidiens, trop d’écume.
Lire la suite…

« Désolidarisez-vous ! »

L’impératif réfléchi cingle. L’ordre tonne de manifester la négation d’un rapport exhibé. Il s’adresse aux soutiens d’un candidat après un éclat ou une bouffonnerie oratoires, aux musulmans après un attentat commis au nom de leur croyance, aux hommes après l’ignoble agression d’une femme… en somme : à l’ensemble des membres d’un groupe, que la constitution de celui-ci soit réelle ou fantasmée, lorsque l’un d’entre eux, ou considéré tel à tort ou à raison, s’illustre dans l’abject. Afin de réintégrer le tout, les individus reçoivent l’injonction d’affirmer la distance qui les sépare de l’autre au sein de la partie.

Lire la suite « Désolidarisez-vous ! »

Sondages : une cure de désintox, vite !

FUMEUR D'OPIUM
Salle de rédaction recevant les sondages quotidiens

Sommaire
1. Une drogue médiatique
2. Dis, Cinci, l’opinion publique, c’est quoi ?
3. Petits éléments de critique des sondages à l’usage des citoyens qui en ont marre qu’on prétende parler à leur place
4. L’art (pas toujours) discret de la manipulation… et son efficace
5. Prophylaxie


1. Une drogue médiatique

Nous sommes des junkies des sondages. Tous les jours, plusieurs fois par jour, nous réclamons notre dose aux médias qui se comportent à la fois comme principaux dealers et comme plus gros consommateurs de cette drogue dure. Nous ne pouvons plus voir la réalité qu’à travers l’hallucination de ces psychotropes. Du fait divers le plus anodin jusqu’à l’élection majeure de notre système politique, il n’existe plus un seul événement, plus un seul fait social, économique ou politique, qui ne doive être « éclairé » par une multitude d’enquêtes réalisées avant, pendant et après sa survenue dans l’espace médiatique. La vérité se cache à nos yeux, seuls les chiffres exprimés en pourcentages de sondés peuvent la révéler. Lire la suite Sondages : une cure de désintox, vite !

Le débat public au piège des médias de masse

 

Citoyens,

C’est avec humilité et colère que je me présente aujourd’hui devant vous, en simple serviteur de l’intérêt général. Ardent défenseur de la liberté de la presse, je dois élever la voix pour accuser les médias de masse de quatre crimes commis à la fois contre la nation que vous incarnez, et contre l’éthique journalistique qui devrait présider à leur action. Lire la suite Le débat public au piège des médias de masse