Petite missive adressée à mes amis patriotes

La Rue Saint-Denis, Monet (1878)

Le patriotisme c’est l’amour des siens. Le nationalisme c’est la haine des autres.
Romain Gary

Chers amis,

Comme vous, j’aime la France. Sa langue, sa culture, son histoire, ses paysages, ses cuisines, son modèle économique et social, ses services publics, son esprit frondeur, sa capacité à se déchirer pour l’accessoire et à se rassembler pour l’essentiel, ses principes, sa laïcité, sa devise, son drapeau, son hymne, sa conception de la galanterie, sa grandeur quand elle oublie ses médiocrités, son universalisme… mais aussi et surtout ce qu’elle représente dans l’imaginaire collectif – et pour quoi tant ont été capables de donner leur vie.

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Joyeux Noël !

Joyeux Noël, Viggo Johansen (1881)

Attention ! Il est dorénavant très très mal vu de souhaiter un « joyeux Noël » à vos collègues, à vos amis, à vos proches comme à vos lointains. Pour être honnête, je dois avouer que ce phénomène n’est pas tout à fait nouveau, que, dans ce monde de dingues, cela fait déjà quelques années que le mot « Noël » sent le soufre et qu’il est préférable de se souhaiter de « joyeuses fêtes » – voire, encore pire, de « belles fêtes », sur le modèle de l’insupportable « belle journée » – pour être sûr de ne vexer personne.

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Des racinés

Racines d’arbres, Vincent van Gogh (1890)

Lorsque vous avez été déraciné autant de fois que moi, le problème des racines devient une question de sacs de voyage dans lesquels vous les transportez.
Romain Gary, L’affaire homme

Sommes-nous donc des arbres pour, sans cesse, être ramenés à nos « racines » ? La métaphore arboricole me semble toujours suspecte. D’autant plus lorsqu’elle se fait insulte. Ainsi de ces Français « de souche » (on reste dans le forestier) qui se voient requalifiés en « souchiens » dans un petit kakemphaton aussi méprisant que peu subtil. Leurs « racines », parce qu’elles ne seraient que françaises, en seraient infamantes ; au contraire des autoproclamés « racisés » dont les racines, parce qu’elles seraient étrangères, seraient nécessairement glorieuses – et peu importe d’ailleurs qu’elles soient largement fantasmées. Racinés contre racisés : l’affiche fait frémir d’une guerre des identités, des appartenances et des allégeances.

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Quand dire, c’est être

Une cause célèbre, Honoré Daumier (1862)

La folie identitaire prend des formes délirantes.

« JE SUIS…
la gauche
le centre
gaulliste
patriote
antiraciste
écologiste
féministe
une femme
un homme
etc. etc. »

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La chouinocratie des névroses militantes

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L’Enfant mal élevé, Rembrandt (1635)

Je suis infertile. Pour donner naissance à ma fille, nous avons dû passer par un long et difficile parcours d’aide médicalisée à la procréation (AMP) – j’ai déjà raconté tout cela [1]

Mais, aujourd’hui, j’ai décidé de sortir du silence auquel le système me contraint afin de m’élever publiquement contre l’infertilophobie.
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Éric Zemmour : les synthèses impossibles

(Farce tragique en trois actes)

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Photo : Joel Saget/AFP

Éric Zemmour est peut-être, dans cette élection, le plus intéressant des candidats – non par l’éventuelle proximité entre lui et moi que certains se plaisent à imaginer (ce billet risque de les décevoir et j’ai déjà dit, la semaine dernière, ma préférence [1]) mais, de mon point de vue, pour ce qu’il fait et dit de la guerre idéologique à l’œuvre. Les trois idéaux-types des familles de pensée politique que j’observe et analyse ici depuis un petit moment [2] – républicanisme, néolibéralisme et identitarisme – me semblent toujours une grille d’analyse pertinente… d’autant plus en ce qui concerne celui qui voudrait en incarner la synthèse impossible.
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À qui la faute ?

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Le Massacre de la Saint-Barthélemy, François Dubois (ca. 1572-1584)

Il n’y a place que pour une seule cause dans leur champ de vision et elle triomphe absolument, elle absorbe toute autre causalité, et c’est le bouc émissaire.
René Girard, Le Bouc émissaire

La chasse aux sorcières et le sacrifice cathartique de boucs émissaires sont des constantes sordides de l’humanité ; à tous les maux, un coupable doit être trouvé et condamné [1]. La pulsion inquisitoriale se porte très bien dans notre formidable modernité ; cette volonté de faire porter la faute sur un autre à exécuter en place publique se déchaîne, afin de mieux soulager sa propre culpabilité, de s’en prendre à des cibles expiatoires sur lesquelles déverser son ressentiment et de laver sa (mauvaise) conscience plus blanc que blanc. Lire la suite…

L’esprit de pesanteur

1024px-pierre_desproges17Nous vivons une époque étouffante, dénuée de tout sens de l’humour, sous la tyrannie du premier degré. Disparues l’ironie, la parodie, la caricature, devant l’incapacité physique de les saisir. Le rire est écrasé sous l’esprit de pesanteur ; la légèreté cède la place au rictus moche, au sourire forcé dans le miroir du selfie. Le narcissisme et l’optimisation de la flemme, qui définissent la culture de l’avachissement, n’autorisent que la jouissance triste et la satisfaction immédiate des désirs.
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Des identités et des identitaires

514px-narcissus_by_caravaggio2c_1597e2809315992c_galleria_nazionale_d27arte_antica_282183612348529Des identités… L’identité, comme conscience que l’on a de soi-même, naît à la convergence de deux paradoxes : dans le rapport d’influences réciproques entre identité individuelle et identité collective, d’une part ; dans la tension entre permanence et évolution de soi, d’autre part.
Et des identitaires… Parallèlement, levier pyscho-politique d’exercice d’un pouvoir usurpé, elle devient objet de manipulations démagogiques par les entrepreneurs identitaires qui la réduisent à des fantasmes sclérosés et unidimensionnels.
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Les lectures de Cinci : contre les fantasmes identitaires

Les Nostalgériades : Nostalgie, Algérie, Jérémiades, Fatiha Agag-Boudjahlat, éd. du Cerf, 2021.

9782204143264-60421aa433744Le livre en deux mots

J’ai déjà dit tout le bien que je pense de Fatiha Agag-Boudjahlat lorsque j’ai parlé de son ouvrage Le grand détournement en 2017. L’affection que je porte à cette enseignante passionnée par son métier et par ses élèves, à cette militante universaliste, à cette républicaine exigeante… n’a pas diminué depuis. Quel plaisir, donc, de se plonger dans son dernier opus ! Lire la suite…