La France provincialisée

Mappe-Monde, Guillaume Delisle (1700)

On peut, on doit, remercier, louer, embrasser Donald Trump. On peut, on doit, se réjouir du boulevard gigantesque qu’il ouvre : un boulevard aussi large qu’un chemin de crête, un boulevard aussi sûr que les Champs-Élysées – ceux d’aujourd’hui, bien sûr – après 23h ; oh ! pas la Porte de la Chapelle ni Stalincrack, hein, non : les Champs-Élysées, la « plus belle avenue du monde », n’est-ce pas, – mais de quel monde ? – ; mais un boulevard quand même qu’on aurait tort de ne pas emprunter pour devenir, pour redevenir, pour être encore un peu, encore une fois, une fois seulement, ce phare, cette boussole, ce repère qu’on a été – avant.

Sauf que non.

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La France, ce pays rural

La Moisson, Vincent van Gogh (1888)

On sort de l’autoroute. On ouvre la fenêtre alors que l’on s’engage sur une de ces routes limitées à 80 ou 90 mais sur lesquelles on ne passe la cinquième qu’avec étonnement, comme par erreur ou par inadvertance. Une de ces départementales encadrées de platanes ou de sapins, dont le nom sonne comme un matricule à trois, voire quatre chiffres, mais que tout le monde, dans le coin, connaît comme les routes « de chez la Martine », « des grangettes » ou « du puits-au-cochon », et sur les bords desquelles des panneaux annoncent à l’avance chaque hameau, chaque lieu-dit, chaque ferme.

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Petite missive adressée à mes amis patriotes

La Rue Saint-Denis, Monet (1878)

Le patriotisme c’est l’amour des siens. Le nationalisme c’est la haine des autres.
Romain Gary

Chers amis,

Comme vous, j’aime la France. Sa langue, sa culture, son histoire, ses paysages, ses cuisines, son modèle économique et social, ses services publics, son esprit frondeur, sa capacité à se déchirer pour l’accessoire et à se rassembler pour l’essentiel, ses principes, sa laïcité, sa devise, son drapeau, son hymne, sa conception de la galanterie, sa grandeur quand elle oublie ses médiocrités, son universalisme… mais aussi et surtout ce qu’elle représente dans l’imaginaire collectif – et pour quoi tant ont été capables de donner leur vie.

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Une bonne guerre ! 4. Les derniers hommes

Le Siège de Paris, Ernest Meissonnier (1884)

23 mars 2…

L’aspiration à un retour à la « vie normale » imprégnait à ce point tous les esprits que la « normalisation » – tel était le nom donné au grand plan de pacification et de réparation dessiné par l’Allemagne et la Russie, avec l’assentiment des États-Unis et de l’Union européenne, afin de sortir de la crise intense qui avait secoué le pays – ne fut pas même discutée. Pas plus que la signature du traité de Versailles qui instaurait une nouvelle Constitution et entérinait, de fait, la disparition de la souveraineté de la France. Officiellement, les institutions de l’Union européenne se chargeaient de la « sauvegarde » politique et économique du pays ; en réalité, le dominion germano-russe en commandait dorénavant les destinées.

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Une bonne guerre ! 3. Tout est chaos

Le Siège de Paris, Ernest Meissonnier (1884)

Lundi 21 juillet 2025

Toutes les nuits pendant les trois semaines qui suivirent le déclenchement de l’état de siège, le pays vécut des émeutes inouïes. Les centres-villes des métropoles, mais aussi des villes moyennes ainsi que quelques bourgs, subirent des violences à répétition d’un lumpencaïdat depuis longtemps travaillé par les mafias criminelles et religieuses. Chaque soir, casseurs et voyous descendaient dans les rues pour s’attaquer aux boutiques qu’ils pillaient, aux symboles de l’État – quatre préfectures et douze mairies furent incendiées –, aux écoles, aux bibliothèques, aux musées, aux théâtres, aux hôpitaux et jusqu’aux crèches. Le mobilier urbain fut largement vandalisé et des arbres furent même déracinés. Symbole terrible, la statue de la République, à Paris, fut dynamitée. Les émeutiers, pour certains lourdement armés, dévastaient tout mais, surtout, tendaient des guet-apens aux policiers et aux militaires avec lesquels ils voulaient ostensiblement en découdre. En trois semaines, quinze policiers et sept soldats furent tués dans ces combats de rue, provoquant une escalade sans précédent des violences.

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Une bonne guerre ! 2. La nuit la plus longue

Le Siège de Paris, Ernest Meissonnier (1884)

Lundi 23 juin 2025, après-midi

À peine trois heures après l’événement, les députés reprirent leurs travaux dans une ambiance apocalyptique. En ouverture, la condamnation de l’attentat par la présidente de l’Assemblée fut unanimement acclamée sur tous les bancs. Néanmoins, à peine les applaudissements terminés, dans un chaos sonore rarement entendu sous la Ve, le gouvernement fut interpellé de tous les côtés de l’Hémicycle. Sommé par la représentation nationale de donner des nouvelles de la santé du Président et de dire si, comme prévu par la Constitution, l’intérim allait être confié au président du Sénat, François Bayrou, tendu et agressif, répliqua quelques mots cinglants à propos de l’irresponsabilité de ses adversaires, refusa de répondre aux questions des parlementaires et quitta la séance au bout de seulement quelques minutes, sous les huées des oppositions. Les députés macronistes eux-mêmes étaient consternés. Le ministre de l’Intérieur prit la suite et, à son tour, esquiva toutes les questions, prétextant le secret de l’enquête. À droite comme à gauche, les députés manifestèrent leur colère au point que la séance fut rapidement levée.

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Une bonne guerre ! 1. De l’eau dans le gaz

Le Siège de Paris, Ernest Meissonnier (1884)

Mardi 17 juin 2025

Emmanuel Macron enrageait de se sentir si impuissant. Au plus bas dans les sondages après l’échec de son referendum, en début d’année, pour réformer la Constitution et, surtout, faire sauter la limitation des deux mandats présidentiels, il en était réduit à observer les ambitions des uns et des autres. L’ex-Mozart de la finance définitivement hors jeu et devenu encombrant même pour son propre camp, toute la classe politico-médiatique semblait avoir tourné la page du macronisme. On ne pensait plus qu’à 2027, on ne parlait plus que de 2027. Marine Le Pen flottait dans la stratosphère sondagière pendant que les autres candidats putatifs, parmi lesquels une bonne poignée de ministres que le Président ne pouvait plus supporter, se poussaient pour être au premier rang des photographies et, peut-être, au second tour contre la nouvelle madone de l’opinion publique. Dans tous les partis, les lames luisaient.

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Bonne année !

Vent frais par matin clair, Katsushika Hokusai (1829-1833)

Il y a un an, je débutais 2023 avec le constat désespéré d’une France qui ne s’aimait pas [1]. Aujourd’hui, je pourrais publier le même billet… en un peu plus tragique encore. Nous nous enfonçons dans le repli individualiste, le marasme national et le ressentiment politique. La classe dirigeante est sans doute la plus incompétente et la plus lamentable de notre histoire et le peuple lui-même semble avoir abandonné toute vertu civique et toute décence commune.

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Le viol des mots

La Tour de Babel, Pieter Brueghel l’Ancien (v. 1563)

La fin d’une civilisation, c’est d’abord la prostitution de son vocabulaire.
Romain Gary, Europa

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Une tragédie française

Dante et Virgile dans le neuvième cercle de l’Enfer, Gustave Doré (1861)

Il était une fois un pays qui ne voulait plus s’aimer.

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